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L’
Amérique
de la vie quotidienne (19 octobre 1945)a Cinq ans déjà, et chaque
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haque matin je m’étonne encore de me réveiller en
Amérique
. J’ai vécu en Suisse, en Autriche, en Italie, en Allemagne et en Fran
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’était pas le mien. C’était l’Europe. C’est ici l’
Amérique
, et je n’ai pas fini de m’en ébahir. Ce Nouveau Monde m’apparaît à ch
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rance me disent : Alors, qu’en pensez-vous ? De l’
Amérique
? Tout ce que je vais vous dire, tout ce que l’on peut en dire en gén
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pilleur ; plus puritain et plus libre de mœurs. L’
Amérique
ne se définit pas. Elle ne s’explique pas dans l’ensemble. Elle se se
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e s’explique pas dans l’ensemble. Elle se sent. L’
Amérique
, c’est d’abord un sentiment. J’avais, avant d’y venir, vu tant de fil
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d’y venir, vu tant de films et lu tant de romans
américains
: ils donnaient, je le sais aujourd’hui, des images vraies de la vie
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ts, les plus quelconques. Mais je ne voyais pas l’
Amérique
dans ces photos et ces livres où elle est. Et quand j’y ai débarqué,
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ut à fait autre chose — une autre civilisation. L’
Amérique
est un continent dont je tiens pour possible et même facile de parler
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reste nouvelle. Du sentimentalisme à l’épopée, l’
Amérique
de la vie quotidienne, comme celle du mythe politique et planétaire,
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et passe ici, vers l’oubli, vers la vie. La jeune
Américaine
quitte son fiancé qui s’embarque pour une guerre lointaine : elle ple
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y en a pour tout le monde. La jalousie n’est pas
américaine
. Comment décrire ces légers déplacements d’accent vers le sérieux ou
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la vie quotidienne, naît une aisance générale. L’
Américain
ne supporte pas d’être gêné aux entournures, matériellement ou morale
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e bizarreries dans le monde, et dans ce continent
américain
on en voit chaque jour tant d’exemples. Tant d’espèces de gens, et d
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découvrais un aspect tout contraire de la coutume
américaine
: le formalisme, une passion du décor dès qu’il s’agit de manifestati
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ents… Qu’il y ait là quelque chose de typiquement
américain
, j’en vois la preuve dans les formalités d’une nature pour le moins p
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ent dans nul autre pays. Un étranger résidant aux
États-Unis
, même depuis dix ou vingt ans, s’il veut devenir Américain, doit se s
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, même depuis dix ou vingt ans, s’il veut devenir
Américain
, doit se soumettre au rite suivant : il lui faut tout d’abord quitter
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vie privée. Giraudoux a écrit quelque part que l’
Amérique
n’est pas une nation comme les autres, mais un club. Cette remarque e
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tes, dans cette préface à quelques articles sur l’
Amérique
. C’est que je crois aux signes plus qu’aux faits ; aux courants de se
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certaines démarches surprenantes de la diplomatie
américaine
, de parler tout d’abord et surtout de ce qu’on ne dit pas dans les dé
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uère les crises d’un certain névropathe. a. « L’
Amérique
de la vie quotidienne », Carrefour, Paris, n° 61, 19 octobre 1945, p.
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Le rêve
américain
(9 novembre 1945)b L’Amérique n’est pas un pays de rêve quand on y
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Le rêve américain (9 novembre 1945)b L’
Amérique
n’est pas un pays de rêve quand on y vit, mais c’est un pays de rêveu
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le secret de ce que l’on nomme leur optimisme. L’
Américain
ne croit pas aux limites. Une limite, c’est toujours la fin d’un rêve
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faits, domine encore l’inconscient collectif des
Américains
d’aujourd’hui. Et leur grand rêve, leur american dream, prolonge vers
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ns, il y aurait huit à neuf chances sur dix que l’
Amérique
retourne à l’isolationnisme. Rien de tel pour blesser l’amour entre d
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e de les mélanger dans leurs épreuves. Les jeunes
Américains
se sont trouvés mêlés au grand malheur des peuples qu’ils aimaient de
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eur patron, leurs concurrents… L’homme d’affaires
américain
est le petit-fils des pionniers qui luttaient sur la « frontière ». I
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ticulier par sa politique de bon voisinage avec l’
Amérique
latine. Cette politique comportait deux branches, curieusement juxtap
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je me l’explique de la manière suivante : le rêve
américain
évoque une vie sans cesse plus large et libre. Mais la « frontière »
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rontière » ayant rejoint les frontières mêmes des
États-Unis
, il faut donc en sortir et deux voies sont possibles : répandre les p
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deux voies sont possibles : répandre les produits
américains
sur tous les marchés du monde, c’est-à-dire multiplier les échanges c
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s tous les pays du monde l’idéal de la démocratie
américaine
, c’est-à-dire multiplier les échanges culturels. Ces ambitions sont é
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prétextes les plus frappants. Et voilà pourquoi l’
Amérique
, malgré le choc en retour inévitable que provoquera sans doute l’an p
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d’elle-même par une nécessité profonde : le rêve
américain
l’exige. Nous voici bien loin de nos danseurs de Broadway ! Peut-être
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a vie libre, vers l’avenir. On pourrait définir l’
Amérique
comme le pays où ce qui va venir émeut autant qu’en Europe le souveni
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tout simplement une grande poussée d’impérialisme
américain
? Vos rêveurs nous paraissent terriblement pratiques et parfaitement
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e, les motifs qui m’ont convaincu que l’expansion
américaine
n’est pas du tout à base d’impérialisme au sens européen du mot. Je p
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en réjouir que de nous en méfier. b. « Le rêve
américain
», Carrefour, Paris, n° 64, 9 novembre 1945, p. 3.
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ns leurs brutalités stéréotypées, voilà les films
américains
au lendemain de la guerre. Les critiques, les échos de presse, et mêm
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s moutons de Hollywood. Je ne vois qu’un homme en
Amérique
, qui ait su tirer du cinéma quelques-uns des moyens d’expression radi
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ais goût me paraît irrémédiable, étant celui de l’
Américain
moyen en matière d’art et surtout de peinture. (La fin de Fantasia, s
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omme il s’en envoie des millions à chaque Noël en
Amérique
.) Mais il a le secret de ce rythme endiablé, cette ingéniosité foison
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Les enfants
américains
réclament des bombes atomiques (20 décembre 1945)d Noël ! La ruée
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st déclenchée depuis le 1er décembre dans toute l’
Amérique
, inaugurant officiellement la saison de Noël. Nous sommes le 13 et le
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barras de trafic. Aux vitrines triomphait le rêve
américain
, le clinquant, l’irréel, le rose et le doré, le rêve d’enfance et d’i
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Prætorius, Une rose est née… et je me dirai que l’
Amérique
n’a pas encore très bien compris les traditions, parce qu’elle les re
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la précision du détail », qualités préférées de l’
Américain
. Déjà l’on nous annonce de Hollywood un superfilm sur la bombe atomiq
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c’était donc pour tout cela… » d. « Les enfants
américains
réclament des bombes atomiques », Carrefour, Paris, n° 70, 20 décembr
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Deux presses, deux méthodes : l’
Américain
expose, le Français explique (4 avril 1946)e Peu de temps avant la
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je récidive, à propos cette fois-ci de l’exemple
américain
? Exposé de points de vue contradictoires Les grands journaux am
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nts de vue contradictoires Les grands journaux
américains
admettent dans leurs colonnes l’exposé de points de vue contradictoir
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allons-nous faire ? Ce n’est pas que les journaux
américains
craignent la discussion violente, la dénonciation personnelle ou le s
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est qu’une dépêche de Paris, par un correspondant
américain
, qui occupe chaque matin une ou deux colonnes de son journal, en appr
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à expliquer, il tend à l’essai. Le correspondant
américain
cherche à faire voir, il tend au roman. Sa gloire et son statut socia
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qui pose chaque jour aux rédacteurs d’un journal
américain
, en plus des problèmes d’un grand quotidien, le problème d’une volumi
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s. Enfin, vous ne trouverez pas dans les journaux
américains
cet héritage inexcusable de la presse du siècle dernier, que nous app
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s pressé. e. « Deux presses, deux méthodes : l’
Américain
expose, le Français explique », Carrefour, Paris, n° 85, 4 avril 1946
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re sous la plume d’un fermier du Middlewest que l’
Amérique
est le seul pays décent au monde, et qu’un agent d’assurances du Conn
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ent pratiquement idéal, le Contrôleur général des
États-Unis
écrit de son côté : « Notre gouvernement est une vaste pétaudière. »
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es. … pas de fonctionnaires Tout d’abord, l’
Amérique
ne possède pas d’école de fonctionnaires spécialisés. Elle ne produit
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émission et la tyrannie déclarée. Les bureaux à l’
américaine
semblent avoir été créés pour épargner aux gouvernants cette tragédie
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L’
Amérique
est-elle nationaliste ? (29 août 1946)g Vont-ils devenir nationali
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t sous Napoléon, les Italiens sous Mussolini. Les
Américains
n’ont pas de chefs de cette espèce. Mais l’opinion publique, chez eux
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jour prochain, cette opinion publique, reine des
États-Unis
, devînt nationaliste à notre image européenne ? Et qu’elle décidât d’
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er la loi yankee ? Il faudrait tout d’abord que l’
Amérique
se formât une conscience nationale. Le phénomène est-il probable ? Et
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rte à des voisins organisés. Or c’est le cas de l’
Amérique
, virtuellement, depuis que sa mouvante frontier a rejoint ses frontiè
69
t l’Europe ; et deux territoires géographiquement
américains
, mais historiquement étrangers au génie yankee : le Mexique latin, le
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le monde germanique vient déclarer la guerre aux
États-Unis
, puis que le monde russe, provisoirement allié, entre en concurrence
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entre en concurrence déclarée avec la production
américaine
et l’idéal démocratique d’un Roosevelt. L’Amérique atteignant ses lim
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ricaine et l’idéal démocratique d’un Roosevelt. L’
Amérique
atteignant ses limites se voit donc subitement confrontée non plus av
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tir, prendre un exemple au langage quotidien de l’
Amérique
. Lorsqu’un citoyen des États-Unis désapprouve une certaine action, un
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ge quotidien de l’Amérique. Lorsqu’un citoyen des
États-Unis
désapprouve une certaine action, une certaine conduite, une certaine
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nt que possible : It’s unamerican, « ce n’est pas
américain
. » Nationalisme, direz-vous. Oui, mais pas à la manière européenne. L
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s le sens de l’idéal commun vers quoi tendent les
Américains
, et qui les fait devenir vraiment Américains, quelles que soient, par
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les Américains, et qui les fait devenir vraiment
Américains
, quelles que soient, par ailleurs, leurs origines. On ne se réfère pa
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ttendent de ce pays, plus digne du mythe, du rêve
américain
. Voilà donc un nationalisme « ouvert » et pour qui la nation est en a
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e, ce qu’il y a de rassurant dans le nationalisme
américain
, c’est qu’on y sent une volonté d’élargissement, une soif de proposer
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pliqués à l’échelle mondiale. Ici, l’impérialisme
américain
vient se confondre, pratiquement, avec le rêve d’une communion planét
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Je me borne à marquer une différence capitale : l’
Américain
n’insiste pas quand on ne l’aime pas — comme en Europe — ou simplemen
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éfiants à moustaches et à col dur : « Le commerce
américain
va nous submerger et détruire nos coutumes d’économie paysanne ; on a
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sera notre faute et non pas celle de l’industrie
américaine
qui aura mis dans un coin de nos cuisines ces appareils où tout respi
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u’on la mette dans la glace. De même, le commerce
américain
ne peut nous submerger qu’au moyen de produits que nous aurons bien v
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x. De même encore, la « sottise humanitaire » des
États-Unis
nous a fait moins de mal, semble-t-il, que « l’intelligence » inhumai
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en Europe « l’américanisme » n’est pas un danger
américain
, mais européen. Je veux dire par là que si un homme devient l’esclave
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nes qui vitupèrent l’impérialisme commercial de l’
Amérique
, d’une part, et qui se plaignent de ce que l’Amérique ne leur vende p
88
ique, d’une part, et qui se plaignent de ce que l’
Amérique
ne leur vende pas assez de blé, d’autre part. Quand l’Amérique envoie
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eur vende pas assez de blé, d’autre part. Quand l’
Amérique
envoie, on parle d’impérialisme ; quand elle n’envoie pas, on parle d
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s insister sur ce point. Ceux qui se méfient de l’
Amérique
, en Europe, l’accusent à la fois d’être là et, pour comble, de n’être
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endre. Ce qu’on voudrait, en somme, c’est que les
Américains
interviennent quand les choses vont très mal — par notre faute — et q
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contradiction dans les jugements européens sur l’
Amérique
. On n’a pas épargné les critiques à la politique d’occupation américa
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épargné les critiques à la politique d’occupation
américaine
en Allemagne : « Ils sont trop doux, ils sont naïfs, ils ne comprenne
94
nts d’avoir fait quelques gaffes à la Patton, les
Américains
donnent des signes de leur envie de s’en aller. Mais aussitôt : « Ah
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ce propos, j’entendais l’autre jour un diplomate
américain
parler de l’attitude hostile des Soviétiques à l’égard de toutes les
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d’isolationnisme et d’impérialisme, la politique
américaine
hésite parfois. D’autant plus qu’il existe bel et bien aux États-Unis
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rfois. D’autant plus qu’il existe bel et bien aux
États-Unis
des fractions isolationnistes et des fractions impérialistes et que c
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is tout à l’heure. Cette timidité de la politique
américaine
me paraît beaucoup plus dangereuse pour l’Europe que cet impérialisme
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qui n’ont de commun avec lui que le nom. g. « L’
Amérique
est-elle nationaliste ? », Carrefour, Paris, n° 106, 29 août 1946, p.
100
? (9 avril 1947)i Six associations d’étudiants
américains
préconisant un gouvernement mondial viennent de fusionner pour consti
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ins réputés, font partie de son comité. La presse
américaine
en a beaucoup parlé et ne cesse de discuter le sujet. En Europe, au c
102
’utilisation de l’électricité, la découverte de l’
Amérique
et la transmission instantanée de la parole d’un continent à l’autre.
103
? Le seul peuple « sondé » à ce sujet, celui des
États-Unis
, a donné 67 % de réponses favorables à cette idée. Avouez plutôt que
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remière impulsion organique dans ce sens. Le plan
américain
pour prendre le contrôle de la bombe atomique prévoit en effet un com
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crets de fabrication actuellement détenus par les
États-Unis
. Or M. Gromyko, délégué de l’URSS s’est aussitôt opposé au projet, p
106
e atteinte aux souverainetés nationales ». Et les
Américains
ont répondu que c’était bien là ce qu’ils voulaient. Cet incident rés
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dire qu’il « faudrait faire appel à la démocratie
américaine
» et de se taire prudemment sur tout appel à la « démocratie » russe.
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ce n’est pas sa misère, ni l’aide nécessaire de l’
Amérique
, mais la manière dont nous sollicitons cette aide et la vilipendons d
109
ourgeoisie d’Europe, se conduit mal à l’égard des
États-Unis
. Je ne parle pas des discours officiels, mais des conversations et de
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de jugements que nous portons chaque jour sur les
Américains
et leur action. Il y a trente ans que nous les abreuvons de récrimina
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leur impérialisme. On va plus loin. On accuse les
Américains
de sombres motifs égoïstes, non pas seulement quand ils s’isolent, ma
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ait-on qu’ils y trouvent d’autre ? L’intérêt de l’
Amérique
, c’est que l’Europe vive et ne tombe pas aux mains des Russes ; c’est
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gande des staliniens, c’est nous qui sauverions l’
Amérique
de la ruine en acceptant qu’elle nous avance une vingtaine de milliar
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e une vingtaine de milliards de dollars ! C’est l’
Amérique
, dit-on, qui a besoin de l’Europe ! Car elle est à la veille d’une cr
115
igaro : « À son plus haut niveau, l’exportation (
américaine
) ne représente pas 10 % du produit national brut. » Quand on déduit d
116
on déduit de ce 10 % les parts qui reviennent à l’
Amérique
latine, à l’Asie et à la Russie, on voit ce qui reste pour l’Europe —
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l’indépendance européenne, elle ne vient pas de l’
Amérique
, mais de nous-mêmes. La vraie, ce n’est pas que M. Clayton morigène l