1 1947, Vivre en Amérique. Avertissement
1 Avertissement Je ne pensais pas écrire sur l’ Amérique , parce que j’y avais vécu cinq ans — et l’on sait bien qu’il faut un
2 uelques articles pour un hebdomadaire français. L’ Amérique est indescriptible. On peut en prendre mille instantanés sur la côte
3 nés, désiraient quitter leur pays et s’établir en Amérique . Le jeu de comparer les deux nations, décidément, devenait sérieux :
4 nc pas un instant peindre un tableau complet de l’ Amérique . La table des matières non traitées dans le volume tiendrait plus de
2 1947, Vivre en Amérique. Prologue. Sentiment de l’Amérique
5 Prologue Sentiment de l’ Amérique Cinq ans déjà, et chaque matin je m’étonne encore de me réveiller e
6 haque matin je m’étonne encore de me réveiller en Amérique . J’ai vécu en Suisse, en Autriche, en Italie, en Allemagne et en Fran
7 ’était pas le mien. C’était l’Europe. C’est ici l’ Amérique , et je n’ai pas fini de m’en ébahir. Ce Nouveau Monde m’apparaît à ch
8 e me disent : « Alors, qu’en pensez-vous ? » De l’ Amérique  ? Tout ce que je vais vous en dire, tout ce que l’on peut en dire en
9 pilleur ; plus puritain et plus libre de mœurs. L’ Amérique ne se définit pas. Elle ne s’explique pas dans l’ensemble. Elle se se
10 e s’explique pas dans l’ensemble. Elle se sent. L’ Amérique , c’est d’abord un sentiment. J’avais avant d’y venir vu tant de films
11 t d’y venir vu tant de films et lu tant de romans américains  : ils donnaient, je le sais aujourd’hui, des images vraies de la vie
12 ts, les plus quelconques. Mais je ne voyais pas l’ Amérique dans ces photos et ces livres, où elle est. Et quand j’y ai débarqué,
13 t à fait autre chose — une autre civilisation. L’ Amérique est un continent dont je tiens pour possible et même facile de parler
14 este nouvelle. ⁂ Du sentimentalisme à l’épopée, l’ Amérique de la vie quotidienne, comme celle du mythe politique et planétaire,
15 et passe ici, vers l’oubli, vers la vie. La jeune Américaine quitte son fiancé qui s’embarque pour une guerre lointaine : elle ple
16 y en a pour tout le monde. La jalousie n’est pas américaine . Comment décrire ces légers déplacements d’accent, vers le sérieux ou
17 la vie quotidienne, naît une aisance générale. L’ Américain ne supporte pas d’être gêné aux entournures, matériellement ou morale
18 e bizarreries dans le monde, et dans ce continent américain on en voit chaque jour tant d’exemples. Tant d’espèces de gens, et de
19 découvrais un aspect tout contraire de la coutume américaine  : le formalisme et la passion du décorum dès qu’il s’agit de manifest
20 nts… Qu’il y ait là quelque chose de typiquement américain , j’en vois la preuve dans les formalités d’une nature pour le moins p
21 ent dans nul autre pays. Un étranger résidant aux États-Unis , même depuis dix ou vingt ans, s’il veut devenir Américain, doit se s
22 , même depuis dix ou vingt ans, s’il veut devenir Américain , doit se soumettre au rite suivant : il lui faut tout d’abord quitter
23 vie privée. Giraudoux a écrit quelque part que l’ Amérique n’est pas une nation comme les autres, mais un club. Cette remarque e
24 tes, dans cette préface à quelques articles sur l’ Amérique . C’est que je crois aux signes plus qu’aux faits ; aux courants d’opi
25 certaines démarches surprenantes de la diplomatie américaine , de parler tout d’abord et surtout de ce qu’on ne dit pas dans les dé
3 1947, Vivre en Amérique. Vie politique
26 IVie politique Le rêve américain L’Amérique n’est pas un pays de rêve, quand on y vit, mais c’est u
27 IVie politique Le rêve américain L’ Amérique n’est pas un pays de rêve, quand on y vit, mais c’est un pays de rêve
28 e secret de ce que l’on nomme leur optimisme. ⁂ L’ Américain ne croit pas aux limites. Une limite, c’est toujours la fin d’un rêve
29 faits, domine encore l’inconscient collectif des Américains d’aujourd’hui. Et leur grand rêve, leur american dream comme ils dise
30 secret de ce que l’on nomme à tort l’impérialisme américain . ⁂ Où trouveront-ils désormais la frontière qui mettrait au défi leur
31 nde est ma limite. Et c’est pourquoi la politique américaine , désormais, va se tourner vers deux objectifs principaux : la liberté
32 ans mon premier article : on ne comprend rien à l’ Amérique , si d’abord on ne l’a pas sentie dans les rythmes de sa vie quotidien
33 thmes de sa vie quotidienne. Prenons maintenant l’ Américain , devant le monde, sa nouvelle frontière. En ce milieu du xxe siècle,
34 ns, il y aurait huit à neuf chances sur dix que l’ Amérique retourne à l’isolationnisme. Rien de tel pour blesser l’amour entre d
35 e de les mélanger dans leurs épreuves. Les jeunes Américains se sont trouvés mêlés au grand malheur des peuples qu’ils aimaient de
36 eur patron, leurs concurrents… L’homme d’affaires américain est le petit-fils des pionniers qui luttaient sur la « frontière ». I
37 ticulier par sa politique de bon voisinage avec l’ Amérique latine. Cette politique comportait deux branches, curieusement juxtap
38 je me l’explique de la manière suivante : le rêve américain évoque une vie sans cesse plus large et libre. Mais la « frontière »
39 ésormais se confond avec les frontières mêmes des États-Unis . Il faut donc en sortir, et deux voies sont possibles : répandre les
40 deux voies sont possibles : répandre les produits américains sur tous les marchés du monde, c’est-à-dire multiplier les échanges c
41 s tous les pays du monde l’idéal de la démocratie américaine , c’est-à-dire multiplier les échanges culturels. Or ces deux ambition
42 prétextes les plus frappants. Et voilà pourquoi l’ Amérique , malgré le choc en retour inévitable que provoque la rentrée massive
43 e, en vertu d’une nécessité constitutive. Le rêve américain l’exige. Nous voici loin de nos danseurs de Broadway ? Peut-être, mai
44 a vie libre, vers l’avenir. On pourrait définir l’ Amérique comme le pays où ce qui va venir émeut autant qu’en Europe le souveni
45 tout simplement une grande poussée d’impérialisme américain  ? Vos rêveurs nous paraissent terriblement pratiques, et parfaitement
46 irment. Et pourtant je persiste à penser que si l’ Amérique , suivant son rêve, cherche à sortir de ses limites et à déborder sur
47 une énergie surexcitée. Santé de la démocratie américaine (Écrit en novembre 1940.) J’étais à Times Square, au cœur de Man
48 été perdue en France. La seconde a été gagnée en Amérique . En attendant le résultat de la troisième et dernière manche, c’est-à
49 les plus violentes se résolvent si rapidement aux États-Unis , c’est en grande partie à cause de la constante circulation d’idées e
50 qui se passe dans d’autres républiques, l’opinion américaine discute réellement les problèmes posés. Elle cherche réellement à les
51 ue voici : en réalité, il n’y a pas de partis aux États-Unis . Il serait en effet absolument faux d’assimiler les républicains et l
52 ux d’assimiler les républicains et les démocrates américains à nos radicaux, conservateurs et socialistes. Ni les républicains ni
53 endances générales, signifie pratiquement que les États-Unis sont une démocratie sans partis. Entre le citoyen et les autorités, p
54 s d’autre intermédiaire que l’opinion publique. L’ Américain ne possède légalement ni le droit de référendum, ni le droit d’initia
55 ndements et des manifestes. Sait-on assez que les Américains sont très conscients et très jaloux de la qualité de leur esprit publ
56 voit que c’est vrai. Maladies de la démocratie américaine Relisant le chapitre qui précède après cinq ans d’expériences quot
57 cinq ans d’expériences quotidiennes des libertés américaines , la guerre finie, certaines polémiques apaisées, et toute nuance de «
58 Pendant plusieurs années, j’ai répété à mes amis américains  : « Vous croyez n’aimer que le grand, mais à vrai dire, ce que vous a
59 ndances communautaires locales. Un beau jour, les États-Unis deviendront l’État unifié. Ce sera violent. Car l’État unifié se fond
60 éissent qu’à la tyrannie. Que serait une tyrannie américaine  ? Une brutalité panique dort au secret de l’âme de ce pays. Dans les
61 masses comme dans l’inconscient de presque chaque Américain , il y a peut-être un gangster qui sommeille. Voyez leur goût des douc
62 sins, en toute inefficacité. Il faut avouer que l’ Américain ne s’en prive pas, et s’étonne fort de voir certains esprits tirer de
63 précieuse permission de se taire. La familiarité américaine s’étend, hélas, à des domaines où elle devient nécessairement sottise
64 rs, s’il s’intitule savant, peut faire croire à l’ Américain tout ce que le corps entier des philosophes, des pasteurs et des écri
65 ralement pour l’un des grands succès sociaux de l’ Amérique  : l’absence d’antagonismes réels, moraux et idéologiques, entre patro
66 et d’hygiène de travail. Pour le reste, l’ouvrier américain partage la conception de la vie de son patron, ses préjugés, ses goût
67 révolution sanglante. Mais le danger qui guette l’ Amérique , c’est l’uniformité librement acceptée, la pire espèce d’intolérance
68 cevoir de nouvelles formes de vie. À cet égard, l’ Amérique risque bien de rejoindre plus vite que l’Europe, à moindres frais, le
69 es intimes et spécifiques de l’idéal démocratique américain , tandis que le conflit des races en est une survivante négation. Oui,
70 e sous la plume d’un fermier du Middle West que l’ Amérique est le seul pays décent au monde, et tandis qu’un agent d’assurances
71 ent pratiquement idéal, le Contrôleur général des États-Unis écrit de son côté : « Notre gouvernement est une vaste pétaudière. »
72 s quelques-unes sont formulables. Tout d’abord, l’ Amérique ne possède pas d’écoles de fonctionnaires spécialisés. Elle ne produi
73 émission et la tyrannie déclarée. Les bureaux à l’ américaine semblent avoir été créés pour épargner aux gouvernants cette tragédie
74 ique, au siècle du collectivisme. Impérialisme américain  ? Et maintenant, j’en reviens à notre grande question : faut-il cr
75 ous Napoléon, les Italiens sous Mussolini. Or les Américains n’ont pas de chefs de cette espèce. Mais l’Opinion publique, chez eux
76 n jour prochain cette Opinion publique, reine des États-Unis , devienne nationaliste à notre image ? Et qu’elle décrète d’imposer a
77 er la loi yankee ? Il faudrait tout d’abord que l’ Amérique se forme une conscience nationale. Le phénomène est-il probable ? Et
78 rte à des voisins organisés. Or c’est le cas de l’ Amérique , virtuellement, depuis que sa mouvante frontier a rejoint ses frontiè
79 t l’Europe ; et deux territoires géographiquement américains , mais historiquement étrangers au génie yankee : le Mexique latin, le
80 le monde germanique vient déclarer la guerre aux États-Unis , puis que le monde russe, provisoirement allié, entre en concurrence
81 entre en concurrence déclarée avec la production américaine et l’idéal démocratique d’un Roosevelt. L’Amérique atteignant ses lim
82 ricaine et l’idéal démocratique d’un Roosevelt. L’ Amérique atteignant ses limites se voit donc subitement confrontée non plus av
83 tir, prendre un exemple au langage quotidien de l’ Amérique . Lorsqu’un citoyen des États-Unis désapprouve une certaine action, un
84 ge quotidien de l’Amérique. Lorsqu’un citoyen des États-Unis désapprouve une certaine action, une certaine conduite, une certaine
85 ment que possible : It’s unamerican, ce n’est pas américain . Nationalisme, direz-vous. Oui, mais non pas à la manière européenne.
86 manière européenne. Car la phrase « ce n’est pas américain  » ne veut pas dire : c’est contraire à l’honneur en soi, à la morale
87 s le sens de l’idéal commun vers quoi tendent les Américains , et qui les fait devenir vraiment Américains, quelles que soient par
88 les Américains, et qui les fait devenir vraiment Américains , quelles que soient par ailleurs leurs origines. On ne se réfère pas
89 ttendent de ce pays, plus digne du mythe, du rêve américain . Voici donc un nationalisme « ouvert » et pour qui la nation est en a
90 e, ce qu’il y a de rassurant dans le nationalisme américain , c’est qu’on y sent une volonté d’élargissement, une soif de proposer
91 ppliqués à l’échelle mondiale. Ici l’impérialisme américain vient se confondre, pratiquement, avec le rêve d’une communion planét
92 Je me borne à marquer une différence capitale : l’ Américain n’insiste pas, quand on ne l’aime pas — comme en Europe — ou simpleme
93 onc pour l’Europe les dangers de cet impérialisme américain  ? J’entends d’ici nos méfiants à moustaches et à cols durs : le comme
94 éfiants à moustaches et à cols durs : le commerce américain va nous submerger et détruire nos coutumes d’économie paysanne ; on a
95 sera notre faute et non pas celle de l’industrie américaine , qui aura mis dans un coin de nos cuisines ces appareils où tout resp
96 u’on la mette dans la glace. De même, le commerce américain ne peut nous submerger qu’au moyen de produits que nous aurons bien v
97 x. De même encore, la « sottise humanitaire » des États-Unis nous a fait moins de mal, semble-t-il, que « l’intelligence » inhumai
98 en Europe « l’américanisme » n’est pas un danger américain , mais européen. Je veux dire par là que si un homme devient l’esclave
99 nes qui vitupèrent l’impérialisme commercial de l’ Amérique , d’une part, et qui se plaignent de ce que l’Amérique ne leur vende p
100 ique, d’une part, et qui se plaignent de ce que l’ Amérique ne leur vende pas assez de blé, d’autre part. Quand l’Amérique envoie
101 eur vende pas assez de blé, d’autre part. Quand l’ Amérique envoie, on parle d’impérialisme ; quand elle n’envoie pas, on parle d
102 s insister sur ce point. Ceux qui se méfient de l’ Amérique , en Europe, l’accusent à la fois d’être là et de n’être pas là. Quand
103 rendre. Ce qu’on voudrait en somme, c’est que les Américains interviennent quand les choses vont très mal — par notre faute — et q
104 contradiction dans les jugements européens sur l’ Amérique . On n’a pas épargné les critiques à la politique d’occupation américa
105 épargné les critiques à la politique d’occupation américaine en Allemagne : ils sont trop doux, ils sont naïfs, ils ne comprennent
106 nts d’avoir fait quelques gaffes à la Patton, les Américains donnent des signes de leur envie de s’en aller. Mais aussitôt : ah !
107 en va de même pour l’occupation du Japon. Si les Américains s’installent solidement : voyez ces impérialistes ! S’ils se montrent
108 À ce propos j’entendais l’autre jour un diplomate américain parler de l’attitude hostile des Soviétiques à l’égard de toutes les
109 d’isolationnisme et d’impérialisme, la politique américaine hésite parfois. D’autant plus qu’il existe bel et bien aux États-Unis
110 rfois. D’autant plus qu’il existe bel et bien aux États-Unis des factions isolationnistes et des factions impérialistes, et que ce
111 is tout à l’heure. Cette timidité de la politique américaine me paraît beaucoup plus dangereuse, pour l’Europe, que cet impérialis
4 1947, Vivre en Amérique. Vie culturelle et religieuse
112 e je récidive à propos cette fois-ci de l’exemple américain  ? Je tiens compte des difficultés que rencontrent aujourd’hui les jou
113 sions aisément applicables. ⁂ Les grands journaux américains admettent dans leurs colonnes l’exposé de points de vue contradictoir
114 lons-nous faire ? ⁂ Ce n’est pas que les journaux américains craignent la discussion violente, la dénonciation personnelle ou le s
115 qui pose chaque jour aux rédacteurs d’un journal américain , en plus des problèmes d’un grand quotidien, le problème d’une volumi
116 faudrait être à Paris pour comprendre. Je suis en Amérique , que voulez-vous ! Et les Américains ne comprennent pas non plus. — V
117 re. Je suis en Amérique, que voulez-vous ! Et les Américains ne comprennent pas non plus. — Vous savez bien, leur dis-je, qu’il s’
118 est qu’une dépêche de Paris par un correspondant américain , qui occupe chaque matin une ou deux colonnes de son journal, en appr
119 nnent ici en tombent d’accord. ⁂ Le correspondant américain à l’étranger est une espèce humaine bien définie. Hollywood en a fait
120 mocratie aux sadiques de la Gestapo, et rentre en Amérique avec une belle fiancée. Rabattons-nous à la réalité : il s’agit d’un
121 peu, une réputation lucrative : à ses passages en Amérique , entre deux missions, on le fait parler à la radio, on lui donne des
122 à expliquer, il tend à l’essai. Le correspondant américain cherche à faire voir, il tend au roman. Sa gloire et son statut socia
123 rands romanciers de ce pays. « Journaliste », aux États-Unis , ne sera jamais une épithète dépréciative, bien au contraire. ⁂ Trois
124 s. Enfin, vous ne trouverez pas dans les journaux américains cet héritage inexcusable de la presse du siècle dernier, que nous app
125 ns leurs brutalités stéréotypées, voilà les films américains au lendemain de la guerre. Les critiques, les échos de presse, et mêm
126 s moutons de Hollywood. Je ne vois qu’un homme en Amérique , qui ait su tirer du cinéma quelques-uns des moyens d’expression radi
127 ais goût me paraît irrémédiable, étant celui de l’ Américain moyen en matière d’art et surtout de peinture. (La fin de Fantasia, s
128 omme il s’en envoie des millions à chaque Noël en Amérique .) Mais il a le secret de ce rythme endiablé, cette ingéniosité foison
129 le succès personnel ou la rareté. L’écrivain aux États-Unis vit dans une sorte de vide social. Il évolue entre la réalité de tous
130 ogue assez complet de ce qui peut compter, hors d’ Amérique , dans la littérature américaine. Tout le reste est promesses, ou best
131 eut compter, hors d’Amérique, dans la littérature américaine . Tout le reste est promesses, ou best-sellers. Cette dernière express
132 tte dernière expression domine le marche du livre américain . Un best-seller, c’est un auteur (ou son produit) qui se vend à quelq
133 qu’on pourrait appeler le mouvement littéraire en Amérique . Exemples : MacLeish et Steinbeck, frappés d’ostracisme par les jeune
134 s proches d’un public influent. Mais le phénomène américain qui mérite tout notre intérêt d’explorateur reste à n’en pas douter c
135 uisse rêver un écrivain. Jamais on n’a tant lu en Amérique — les guerres font lire, entre autres conséquences — et jamais on n’a
136 cès. Et les éditeurs le savent bien. Or l’éditeur américain n’est pas « un monsieur qui aime les livres parce qu’il n’en écrit pa
137 est clair que la seule influence bénéfique que l’ Amérique puisse subir, sur ce plan, est celle de l’édition européenne, des édi
138 ent ce qu’ils aiment… (Je sais bien que les vices américains pouvaient être observés avant la guerre, chez nous aussi, mais à une
139 lturelle. Car si le public des « petites revues » américaines , qui tirent à deux ou trois-mille exemplaires, n’ignore rien de la de
140 en France, à un ou deux noms près, les écrivains américains que j’ai cités, et beaucoup d’autres qui le méritent moins. Mais le f
141 itent moins. Mais le fait est que le grand public américain sait peu de choses de nos bons écrivains. De la France, il retient qu
142 écrivains français amenés à vivre et à publier en Amérique par les hasards de la guerre ou d’une mission. Mais on ignore sereine
143 nce intellectuelle ? Esquisse d’une rhétorique américaine I Je venais d’arriver à New York. « Ne prenez pas la peine d’écrir
144 me dit l’un de nos écrivains les plus célèbres en Amérique , vendez-leur une idée et votre nom. » Il contait l’anecdote suivante 
145 ’il existait dans les revues et chez les éditeurs américains des personnages nommés re-writers ou editors, dont toute l’activité c
146 ncipe même du rewriting avec un jeune journaliste américain . Il avait lu ma lettre et souriait sans mot dire. Je sentis qu’il tro
147 traint de le faire, je pense, pour expliquer à un Américain les procédés de votre rhétorique française : le discours en trois poi
148 rs, un grand livre à mon sens, et le premier où l’ Amérique d’aujourd’hui se reconnaisse, critiquée et jugée d’un point de vue im
149 tiquée et jugée d’un point de vue impitoyablement américain … Mais je ne vois pas de novateurs, non, pas un seul depuis Faulkner.
150 nt à juger barbare, sans examen, la préoccupation américaine d’immédiate efficacité. Mais, en retour, l’Américain jugera vaines et
151 icaine d’immédiate efficacité. Mais, en retour, l’ Américain jugera vaines et vaniteuses nos précautions logiques, nos excuses au
152 , c’est de durer par une forme achevée. Mais si l’ Américain écrit, c’est pour agir : il acceptera donc sans douleur d’amour-propr
153 s présent. Ici encore les procédés du journalisme américain fournissent l’un des secrets de l’art du roman qu’illustra la générat
154 fait que, dans le jargon des salles de rédaction américaines , un reportage s’appelle une « histoire », qu’il s’agisse d’un divorce
155 en une formule, en une maxime, en un proverbe. L’ Américain cherche au contraire à « réaliser » le réel, à nous y enfoncer, et pe
156 . Au désir de « réaliser » répondent le reportage américain et le roman. Et c’est pourquoi l’information, dans le sens large que
157 r, compte davantage que le jugement aux yeux de l’ Américain moyen et de l’écrivain qui se propose de l’atteindre. Peut-être oubli
158 n’être point compris, peu lu, ou refusé. L’auteur américain , et pour d’autres raisons le soviétique, et d’une manière plus généra
159 es, enfin par le spectacle de leurs cultes.   Les États-Unis ont été fondés par des groupes successifs de colons, la plupart exilé
160 rejetés par l’Europe, et qui venaient chercher en Amérique la liberté de célébrer leur culte. Ils y trouvèrent aussi la possibil
161 gieux de leur civisme. La structure politique des États-Unis reflète encore, de nos jours, le jeu complexe de ces apports confessi
162 nt, avec les apports nationaux. C’est ainsi qu’un Américain qui appartient à l’Église réformée a bien des chances d’avoir des anc
163 onstitués, discrètement archéologiques. Le peuple américain — est-il puéril ou sain ? — adore plus que tout autre les costumes et
164 vie publique J’ai fait une découverte sur les États-Unis  : c’est qu’il n’est pas de pays moderne où la religion tienne dans la
165 en pour s’en étonner, me dit-on. De fait, pour un Américain qui connaît tant soit peu son histoire, rien n’apparaît plus naturel.
166 resque. tous les bons observateurs européens de l’ Amérique . Ouvrez le New York Times : vous y trouverez, le samedi, deux grandes
167 tre de prudences aussi, que l’on n’imagine pas en Amérique … Cherchant à louer une maison, je parcours les annonces. J’en trouve
168 de cultes. En tête : « Préservez votre privilège américain  : allez au culte de votre paroisse. » Certes, l’on peut sourire de la
169 ns les paroisses. Devenir membre d’une Église, en Amérique , c’est aussi trouver un milieu social, des amis, des appuis matériels
170 eur sens à certains incidents de la vie politique américaine . Imaginez, par exemple, le gouverneur d’un des grands États de l’Unio
171 t. Le choix de lord Halifax comme ambassadeur aux États-Unis est particulièrement approuvé, parce que, dit-on, sa piété profonde l
172 nt essentiels à la compréhension de la démocratie américaine . Il est important de savoir que les grandes cérémonies civiques et po
173 t, bref de toutes les grandes causes publiques en Amérique , vous trouverez une église ou des pasteurs, plus dynamiques au nom de
174 rai-je, et voilà bien le mystère du christianisme américain . Tout acte civique, social, moral, jugé conforme au bien du plus gran
175 ur jouir du paradis terrestre que pourrait être l’ Amérique , si seulement tous ses habitants se décidaient à mener une vie « déce
176 de Dieu, un martyr — un pécheur ! Cependant, ces Américains répètent le Credo chaque dimanche à haute voix tous ensemble et debou
177 de parler en général de 65 millions de chrétiens américains , j’entends de membres inscrits d’une paroisse, dont 40 millions de pr
178 ose à un esprit européen le spectacle des églises américaines . Ou bien l’église va dans le siècle, l’organise, et tend à se confond
179 rkegaard, précisément, est entièrement traduit en Amérique , et que j’ai trouvé partout des étudiants — non seulement chez les th
5 1947, Vivre en Amérique. Vie privée
180 IIIVie privée La guerre des sexes en Amérique Le flirt en public (outdoor love-making) vient d’être interdit à
181 ime avec un grain d’humour l’attitude de la jeune Amérique vis-à-vis du problème des sexes. Si vous tenez entre vos mains ce tex
182 que je voudrais dégager d’un séjour de six ans en Amérique . Les mœurs sexuelles de l’Europe peuvent être définies comme un jeu t
183 ègles sans les détruire. Les mœurs sexuelles de l’ Amérique ne sont point si faciles à définir. Comment expliquer le contraste en
184 et de l’importance de la sexualité. Tandis qu’en Amérique nous trouvons deux morales également admises, semble-t-il, l’une fait
185 ai de décrire. De la passion Je pense que l’ Amérique en tant qu’américaine ignore le phénomène que nous nommons passion. J
186 la passion Je pense que l’Amérique en tant qu’ américaine ignore le phénomène que nous nommons passion. J’écrivais dans un livr
187 stiné par un acte divin. » Ces lignes, écrites en Amérique , trahissent une critique inconsciente de l’atmosphère du Nouveau Mond
188 u Nouveau Monde : elles en peignent le négatif. L’ Américain paraît peu doué pour les raffinements spirituels, peu capable de conc
189 rande densité de la vie. Comme on demandait à une Américaine intelligente si le suicide par amour existait aux États-Unis : non, d
190 intelligente si le suicide par amour existait aux États-Unis  : non, dit-elle, si nous nous suicidons au lendemain d’une rupture ou
191 ue le business comme nous disons). Le mariage à l’ américaine est une institution d’un type nouveau. Il se fonde sur l’égalité écon
192 es se multiplient dans une cuisine et un sous-sol américain , c’est justement pour libérer la femme des soucis qui l’absorbent che
193 e, pour la plus grande satisfaction des hommes. L’ Américaine a renversé le rapport des forces. C’est le mari qui peine pour payer
194 s — ou d’en écrire. Regardez maintenant le couple américain au restaurant ou dans un train. Vous verrez une femme très soignée — 
195 ofondément dans la psychologie et dans l’économie américaine . On assure que les femmes possèdent plus des trois quarts de la fortu
196 ent plus des trois quarts de la fortune privée en Amérique , soit que le système de l’héritage les favorise, soit qu’elles montre
197 ent. Mais c’est dans la psychologie de la famille américaine que le statut royal de la femme a ses bases vraiment profondes. Et ce
198 cer le « momisme » comme la Gorgone du matriarcat américain . « Mom est partout, elle est tout et dans tous, et d’elle dépend le r
199 tout et dans tous, et d’elle dépend le reste des États-Unis . Déguisée en bonne vieille Mom, chère vieille Mom, votre Mom aimante,
200 , dit-on, sait occuper les mains oisives. La mère américaine , libérée des travaux qui la maintiennent ailleurs dans les limites de
201 ucune autre. Dans la femme qu’il épouse, le jeune Américain , inconsciemment, cherche la mère. Il la sert, elle l’endort et le sem
202 rnée d’un couple bourgeois, dans une grande ville américaine , ménage peu de contacts entre mari et femme, et sans doute n’en souff
203 ans les alcools. Tout se passe comme si l’homme d’ Amérique n’avait qu’un goût modéré pour la femme, dont il ne serait que la con
204 ui offrent le plus de garanties contre le divorce américain . Du divorce Les statistiques établissent qu’aux États-Unis l’on
205 Du divorce Les statistiques établissent qu’aux États-Unis l’on divorce davantage que dans tout autre pays du monde, Suède compr
206 t différente. Aux yeux des intéressés, le divorce américain ne saurait être, comme chez nous, la douloureuse rupture d’une longue
207 dont la rupture du couple entraînera la perte. En Amérique , tout cela pèse bien peu au regard des chances de repartir à neuf, de
208 vent les jambes : divorce accordé. La loufoquerie américaine se donne libre carrière dans ce domaine, comme si elle excusait tout
209 ’incline à croire que la facilité avec laquelle l’ Américain divorce, révèle que ses mariages manquent de sens et de sérieux. Il n
210 reviens à ma première définition : le divorce à l’ américaine est considéré avant tout comme la mise en ordre de deux vies. Derrièr
211 re offrir à l’Opinion une façade de normalité. En Amérique , on se refuse à cette hypocrisie sociale. Le premier accroc fait par
212 , du séjour et des avocats. L’hygiène morale de l’ Amérique ne tolère pas dans un foyer les miasmes d’une situation irrégulière,
213 t-être, en fin de compte, le phénomène du divorce américain . De la sexualité Je mets en fait que le puritanisme, hérésie mo
214 ienne, et transplantée dans toute sa virulence en Amérique , détermine de nos jours encore les mœurs sexuelles du Nouveau Monde.
215 n ou d’ascendance puritaine ne représente plus en Amérique qu’une infime minorité. Boston, son ancienne citadelle, est aujourd’h
216 t naturalisés. On leur inculque à tous qu’être un Américain , c’est être un homme « décent » ; et comme je demandais à quelques ét
217 trouver trace de ce qu’il nommait libertinage. L’ Américain , me semble-t-il, n’est pas vicieux. Il est moral ou sans morale, mais
218 eau de la culture. Puritain ou émancipé, le jeune Américain semblerait un peu fade à nos romanciers de l’amour. Il reste chaste o
219 les deux romans européens les moins pensables en Amérique seraient sans doute Adolphe et Les Liaisons dangereuses. Ajoutons-y l
220 livre. Mais il me paraît vain de l’écrire, car l’ Amérique est en pleine transition, à cet égard plus qu’à tout autre. Il convie
221 s sont par nature discutables. Certains critiques américains déclarent que la jeunesse de leur pays est sex-obsessed, mais il se p
222 lus intéressant de l’évolution actuelle des mœurs américaines , c’est qu’on y pressent un avenir qui sera sans doute celui de la Rus
223 ble qu’au contraire de ce que pensent la jeunesse américaine et ses censeurs de plus en plus timides, la violence primitive et la
224  » limites, fixées par le Comité Hays, — le jeune Américain , s’il trouve une voie saine et quelques disciplines praticables, sera
225 péciale. Or c’est bien ce qu’il pense être, étant Américain . Je ne l’observe pas sans inquiétude ; non plus sans beaucoup d’amiti
226 er traduirait trop faiblement ce terme courant en Amérique , même dans la bouche des prédicateurs qui le dénoncent. 4. Sauf dans
6 1947, Vivre en Amérique. Conseil à un Français pour vivre en Amérique
227 IVConseil à un Français pour vivre en Amérique 1.Comment on entre en Amérique Tous les Américains, sauf les I
228 pour vivre en Amérique 1.Comment on entre en Amérique Tous les Américains, sauf les Indiens, seuls « premiers possesseur
229 ue 1.Comment on entre en Amérique Tous les Américains , sauf les Indiens, seuls « premiers possesseurs du bois et du rocher 
230 étermineront le cours du siècle, la Confédération américaine et la Confédération soviétique, sont aujourd’hui ceux qui paraissent
231 , mais cela ne suffit pas. N’oubliez jamais que l’ Amérique est un pays d’immigration, non de tourisme. Elle exige, quand vous y
232 déologiques, et physiologiques. Trouvez donc deux Américains qui s’engagent à vous entretenir en cas de besoin. Rassemblez vos act
233 i vous examinera au port. (C’est ce que le Consul américain omet le plus souvent de vous indiquer.) L’Immigration Service est un
234 vous un usager décent des libertés et servitudes américaines , si l’on omet de vous donner les moyens de pénétrer l’âme du pays. C’
235 raité : Ce qu’il ne faut plus dire ni penser de l’ Amérique Mettez sur votre liste noire un certain nombre de lieux communs qu
236 rs en France, et que plusieurs récitent encore en Amérique après des années de séjour. En Amérique, tout se ressemble : vous tr
237 ncore en Amérique après des années de séjour. En Amérique , tout se ressemble : vous trouverez partout le même drugstore, le Coc
238 lage, les mêmes apéros, et la même grand-rue ? Un Américain pourrait le dire. Un Blanc débarquant en Chine ne manque jamais de re
239 ’ordonnance géométrique des rues. Et le reste des États-Unis  ! Drugstore à part (et ces magasins clairs, où l’on peut s’asseoir au
240 ien que de plaisant) les différentes régions de l’ Amérique se ressemblent bien moins entre elles que la Nouvelle-Angleterre, par
241 yant rentrer chez soi. Tout d’abord, les cottages américains , en bois blanc, entourés de gazon, et qui vous accueillent par une al
242 ieur par le confort, je n’ai jamais observé qu’un Américain , même saoul, ne reconnaisse pas son porch, sa large cheminée de briqu
243 oui. Partout ailleurs, dans la vie quotidienne, l’ Américain est plus lent que le Français. L’homme d’affaires arrivé se reconnaît
244 nnaît pas seulement dans la manière de danser des Américains , mais dans leur démarche, dans leur manière de prendre la vie, tantôt
245 ne se bouscule pas pour sortir. C’est la lenteur américaine qui agacera le Parisien. Leur matérialisme. Ils attachent beaucoup p
246 pensent que vous manquez d’idéalisme. Hypocrisie américaine . L’expression suppose que les Américains seraient notablement plus hy
247 pocrisie américaine. L’expression suppose que les Américains seraient notablement plus hypocrites que les Européens. Or s’il exist
248 éfaveur. Par tradition, éducation et situation, l’ Américain est l’un des êtres les plus ouverts et les plus francs de la planète.
249 l’hypocrisie, et de nos mœurs. Quant à l’attitude américaine vis-à-vis de la question sexuelle — mais c’est bien à cela que vous p
250 idéaux tout faits doive exclure l’autre. L’élite américaine a su les combiner, peut-être mieux que l’élite européenne, sans toute
251 délicates fantaisies. Quant au citoyen moyen des États-Unis , il tend de plus en plus à nous considérer comme des gens à qui l’on
252 elques points de comparaison entre les mœurs de l’ Amérique et de l’Europe. Les jugements de la morale courante, et non les lois
253 entons ici un catalogue rapide des standards de l’ Américain , que nous supposerons moyen pour l’occasion. Il est vrai que l’homme
254 ois de plus. Et cela se raconte chez les amis. En Amérique , je ne sais si l’on triche moins, mais je sais qu’on ne s’en vante ja
255 moins, mais je sais qu’on ne s’en vante jamais. L’ Américain moyen se plaint beaucoup des mille complications de sa feuille d’impô
256 t gratuitement dans tous les bureaux de poste des États-Unis , le jour de l’échéance.) Il achète, en réglant ses taxes, une bonne c
257 vées.   L’argent en général. — Tout le monde, en Amérique , en parle ouvertement. C’est qu’on n’y attache aucune pudeur. Et ce n
258   L’homme d’affaires. — Il prouve son succès, en Amérique par le calme olympien qui baigne ses bureaux. C’est un homme qui a to
259 ion créatrice ?   La religion. — Dans un village américain , si vous ne faites partie d’aucune église, ce qui est autant dire d’a
260 guère lentement à une espèce de respectabilité. L’ Américain moyen, l’Américaine surtout, considère, au contraire, que la durée d’
261 ne espèce de respectabilité. L’Américain moyen, l’ Américaine surtout, considère, au contraire, que la durée d’une affair mesure sa
262 Je crois qu’à cet égard les jugements moraux de l’ Américain sont exactement inverses des nôtres. Le sauteur est bien vu, ou n’est
263 nouveau mariage. Entre ou sors ! dit sans cesse l’ Amérique , qu’il s’agisse de visas ou de questions sentimentales. Et c’est peut
264 de métier, d’épouse, d’appartement. — Bien vu en Amérique . Mal vu chez nous. On dit là-bas : il sait ce qu’il veut, et il pours
265 sur le bilan de son passé.   Passe-droits. — Les Américains vous apprendront, par voie de fait s’il est besoin, à ne jamais coupe
266 équivalence des deux jugements dans l’esprit d’un Américain .) Grâce à quoi les mesures décrétées par l’État peuvent jouer. Chacun
267 vingt ans qui se donnaient encore du Monsieur. L’ Américain apprend votre prénom avant d’avoir bien compris votre nom, plus souci
268 en écrire. — Il arrive très souvent qu’un éditeur américain réponde à l’écrivain qui lui a soumis un manuscrit : « Votre livre es
269 ne vais pas la publier. » Pourquoi ? Parce que l’ Américain ne demande pas d’abord qu’un livre soit bon en soi, mais qu’il soit e
270 admiré. Et l’on se demande : va-t-elle durer ? L’ Américain , lui, se demande : va-t-elle se vendre ? Applique-t-elle la recette d
271 naient de tirer une invisible fermeture éclair. L’ Américain s’ouvre, au contraire, comme sa bouche sur des dents éclatantes, et c
272 s À la deuxième rencontre, ou tout de suite, l’ Américain vous dit votre prénom, vous raconte sa vie sentimentale et l’état de
273 rançais, de Montaigne à Paul Valéry. Tandis qu’en Amérique , il vous arrive souvent de vous sentir seul au monde en connaissant t
274 vaises fortunes, par chance… Le sourire large des Américains dissimule leur vraie tragédie : la solitude. 6.Comment ils s’uniss
275 sous-partis, tendances et nuances politiques. En Amérique , il y a les républicains et les démocrates, c’est simple ; mais il y
276 s ou naguère par des réfugiés religieux. Mais les Américains changent facilement d’église, selon leur domicile ou leur cercle d’am
277 et les récits de la Résistance pour que certains Américains pressentent enfin que la France est le pays du sérieux sobre, de l’in
278 sur la laïcité ou les écoles confessionnelles. L’ Américain lui, passe encore en Europe pour un Anglo-Saxon puritain du type dyna
279 as la jalousie. Le « réalisme terre-à-terre » des Américains dans ce domaine, présente un tel contraste avec les mœurs des Europée
280 se remonte même si rapidement qu’elle bat déjà l’ américaine sur le terrain le plus favorable à cette dernière. Mais tout compte f
281 l exemplaire. Et pendant qu’on le construisait, l’ Amérique a produit quelques milliers d’appareils plus lourds et plus lents, qu
282 ente sans relâche, et cent fois plus que le génie américain  ; mais aussitôt il généralise son invention, son prototype ; c’est à
283 d’avance, et passe à l’invention suivante. Vue d’ Amérique , l’Europe apparaît comme une petite région de la planète proprement s
284 te par la densité de ses inventions, tandis que l’ Amérique vue d’Europe stupéfie par sa production standardisée. C’est que l’Eur
285 vite et supporte moins de s’ennuyer. Tandis que l’ Américain se contente plus longtemps des mêmes idées, des mêmes types d’apparei
286 ou par les Suisses ou par les Hollandais. Mais en Amérique , on copie le gothique, tant pour les églises que pour les universités
287 hollandais ou espagnol… Par contre, les cottages américains ont infiniment plus d’originalité, de diversité et d’élégance, que le
288 es. 10.Comment ils sont scrupuleux ou non L’ Américain ne pardonne pas une erreur de 2 cents dans un compte, mais se trompe
289 entends vis-à-vis de l’État. Quand vous entrez en Amérique , on vous demande de remplir des questionnaires comportant des questio
290 octrines tendant au renversement des institutions américaines  ? » Vous pouvez répondre que vous êtes alcoolique et anarchiste, on v
291 n Service, déjà nommé, institution spécifiquement américaine dans ce sens qu’on n’en connaît point ailleurs l’équivalent, et cepen
292 endant bien faite pour exciter l’indignation de l’ Américain moyen s’il en soupçonnait les coutumes. Ce qui ne risque guère de se
293 le Japonais, ni par esprit quasi sportif comme l’ Américain , mai par une sorte de fatalisme inconscient. (Je ne parle pas du héro
294 s des siècles, et qu’on ne peut pas y échapper. L’ Américain , bien au contraire, considère la souffrance et la mort comme des acci
295 avancent sous le feu de l’ennemi, tandis que les Américains s’assurent d’abord — quitte à payer le prix qu’il faut en matériel —
296 se nourrit de sacrifices. Tandis que le bon sens américain trahit une certaine ignorance des conditions premières de la vie spir
297 ’ignorer ? 13.Comment vous réussirez ou non en Amérique L’Américain moyen vit encore sur l’idée qu’il a tout comme un autr
298 13.Comment vous réussirez ou non en Amérique L’ Américain moyen vit encore sur l’idée qu’il a tout comme un autre sa chance de
299 l’exporte. Vous pensez donc, quand vous entrez en Amérique , que c’est là que se cachait cette fortune qu’un juste sort vous doit
300 lure qu’on attribue chez eux à l’homme d’affaires américain . Soyez calmes, sans froideur mesquine, n’essayez pas d’en imposer. Su
301 cret des banques.) Sur le chapitre de l’argent, l’ Américain n’est point naïf, ni hâbleur. Il est exact et réaliste, exempt de nos
302 ni les choses, mais vous seul : alors vous serez Américain , et vous aurez une chance de réussir. Aux femmes de toute condition q
303 oute condition qui débarquent dans leur pays, les Américains recommandent : prenez un avocat, un docteur, un dentiste, un compte e
304 qui s’empare des Européens après quelques mois d’ Amérique , précisons : de grande ville américaine. Les mesures ont changé autou
305 ques mois d’Amérique, précisons : de grande ville américaine . Les mesures ont changé autour d’eux. Les cadres sociaux n’y sont plu
306 r même leurs dates de naissance. 15.Comment un Américain moyen juge la France Au lendemain de la démission d’un énième cabi
307 n de la démission d’un énième cabinet à Paris, un Américain me disait : — En France, n’importe quel problème d’ajustement économi
308 e dissout. C’est ainsi que de 1942 à 1946, l’État américain a contrôlé les prix, la répartition de la main-d’œuvre aux entreprise
309 oires. Ce qui veut dire que pendant quatre ans, l’ Amérique a « nationalisé » (ou plus exactement étatisé) toute son industrie et
310 éprisantes. Nous sommes adultes. 16.Comment un Américain moyen voit le monde Quels sont, se dit-il, les pays qui marchent l
311 es trois idéaux. Et je ne les vois réalisés qu’en Amérique . 17.Comment l’Europe peut aider l’Amérique Comme je m’en veux d
312 ’en Amérique. 17.Comment l’Europe peut aider l’ Amérique Comme je m’en veux de chacun de mes articles trop favorables ou tr
313 articles trop favorables ou trop critiques sur l’ Amérique  ! Car le contraire, chaque fois, peut aussi être vrai. Car ces rêveur
314 t qu’on l’éprouve.) Or justement, la civilisation américaine souffre d’une grave incohérence interne. Mais je vois bien que je n’a
315 s que l’Europe seule peut opposer ou proposer à l’ Amérique . Cinq choses témoignent de l’esprit et de sa présence active dans une
316 éer. La réduction du fait à une signification. L’ Américain croit aux faits, dur comme fer. Il les réduit d’ailleurs en chiffres
317 els malheurs historiques un réveil spirituel de l’ Amérique ne pourrait pas lui épargner ? Si l’Europe peut y contribuer, elle au
318 e aura bien mérité de la planète. 18.Comment l’ Amérique peut aider l’Europe Seuls, les Européens — je connais leurs comple
319 is leurs complexes — trouveront trop dures pour l’ Amérique les quelques pages qui précèdent. L’Amérique a les reins solides. Ell
320 ur l’Amérique les quelques pages qui précèdent. L’ Amérique a les reins solides. Elle a, sur tout autre pays que je connaisse, l’
321 orce. Qui n’a pas lu les éreintements de l’esprit américain auxquels se livrent avec exubérance les revues et les journaux améric
322 ivrent avec exubérance les revues et les journaux américains ne sait pas ce que c’est que la confiance en soi. Ceci dit, je me ret
323 ne vous contentez pas d’appeler périodiquement l’ Amérique à votre secours, quitte à la mépriser sitôt le travail fait. Sachez q
324 la mépriser sitôt le travail fait. Sachez que les Américains ont beaucoup mieux à nous donner que des frigidaires, des capitaux et
325 ivre. 5. Les grands et petits transatlantiques américains et français ont tous été transformés pendant la guerre en transports
7 1947, Vivre en Amérique. Épilogue. La route américaine
326 Épilogue La route américaine L’Européen parle parfois de sa conception de la vie ; l’Américain (
327 péen parle parfois de sa conception de la vie ; l’ Américain (l’Anglais aussi) de son way of life, littéralement : de sa route de
328 ouvement. C’est pourquoi je prendrai les routes d’ Amérique comme un symbole du rêve et de la volonté du Nouveau Monde. On croyai
329 à Wall Street. Un grand malaise étreignait l’âme américaine , prise de nausée dès qu’elle ressent l’approche d’une limite infranch
330 re des routes. Depuis quinze ans, les autostrades américaines allongent sans répit leur ruban de béton, semblables à la trace d’un
331 anger de régime pour le réaliser. Les autostrades américaines ne sont pas une réclame politique, ni même un expédient pour lutter c
332 n de prison… ou les deux ensemble… Dieu bénisse l’ Amérique … » Je ferme les yeux et j’écoute le grondement sourd des pneus qui mo
333 elphie et Baltimore. La vitesse rétrécit l’espace américain  ; les routes de la vitesse lui créent enfin des cadres. Quand cette s