1 1948, L’Europe en jeu. Trois discours suivis de Documents de La Haye. I
1 etit cap de l’Asie ». Aujourd’hui l’Europe, vue d’ Amérique , et j’imagine aussi, vue de Russie, paraît plus petite que nature : p
2 semble avoir évacué l’Europe pour émigrer vers l’ Amérique et la Russie. C’est une notion qui s’étiole chez nous d’autant plus v
3 le libéralisme politique, qui ont fait fortune en Amérique , venaient d’Europe ; comme en venaient le matérialisme dialectique, l
4 tous les barrages de douanes ou de coutumes que l’ Amérique ne connaît pas. Et de même le progrès social s’est vu bridé et contra
5 s, par leur masse, le colosse russe et le colosse américain , et malgré toutes les tentations que représentent leurs succès littér
6 es machines et par ses capitaux. Mais voici que l’ Amérique et la Russie viennent de lui ravir coup sur coup les machines et les
7 et les grands hommes d’affaires regardent vers l’ Amérique . À tort ou à raison — je n’en juge pas ici — ils s’imaginent que ces
8 e contente d’un double refus de la Russie et de l’ Amérique , se résigne à la décadence, ou la déplore mais sans faire mieux. Je n
9 rs, quand ils se demandent si c’est l’Europe ou l’ Amérique qu’il leur faut souhaiter pour leurs enfants. Car nous pensons à notr
10 comme à un « Vaterland », pays des pères, mais l’ Amérique , ou la Russie, ne serait-ce pas ce « Kinderland » qu’appelait Nietzsc
11 aint, le mystique, le martyr. Tandis que le héros américain ou russe sera l’homme le plus conforme au standard du bonheur, celui
12 gonismes, de l’opposition créatrice, tandis que l’ Américain et le Russe soviétique considèrent l’existence de l’opposition comme
13 ique et abstraite entre l’Européen, d’une part, l’ Américain et le Soviétique, de l’autre, je n’ai pas à chercher bien loin. Je pr
14 xemple de l’entreprise qui nous rassemble ici. En Amérique , je pense que ces rencontres seraient un four, ou un flop, comme ils
15 ait l’auditeur plus qu’elle ne l’intéresserait. L’ Américain moyen demande une solution qu’il puisse appliquer en sortant, là où n
16 banc des aveux spontanés. Et je ne dis pas que l’ Américain et le Russe n’aient quelques bonnes raisons de se comporter ainsi, je
17 préfère emprunter, pour un moment, à nos voisins américains leurs méthodes pragmatiques, et à nos voisins soviétiques leur sens a
18 e rebelle aux planifications sur table rase que l’ Amérique , et surtout la Russie — ces deux grandes plaines d’un seul tenant — p
19 souvent proposé cette petite parabole à mes amis américains « Vous croyez, leur disais-je, que le plus grand est nécessairement l
20 aux crises économiques qui menacent constamment l’ Amérique . Celle de 1930 eut pour effet de la réveiller, de l’humaniser, et par
21 et c’est là mon espoir, que les Russes, comme les Américains , viendront s’enquérir auprès de nous des secrets de notre désordre et
22 odernes, en verre et en ciment armé, tandis que l’ Amérique en est encore à bâtir des églises en gothique neuf. C’est parce que
23 anète unie ou la Bombe. Et je veux dire : Si les États-Unis et la Russie ne s’entendent pas, si la guerre atomique éclate, il n’y
24 er au plus vite soit au bloc russe soit au dollar américain . Mais les seconds proclament qu’ils ne choisiront pas entre la peste
25 , quand on compare le rôle de l’URSS et celui des États-Unis dans notre monde : c’est que nous avons chez nous un parti stalinien,
26 ope : c’est qu’elle veut diviser pour régner. Les États-Unis , au contraire, poussent à la collaboration européenne, et surtout sur
27 ns chaque pays sabotent notre reconstruction, les Américains la financent. Où faut-il donc chercher l’impérialisme ? Avouons qu’il
28 frappant. En Russie, on liquide l’opposition, en Amérique elle est entièrement libre, et, mieux que cela : on en tient compte.
29 res sans précédent dans les pays capitalistes. En Amérique , les ouvriers se mettent en grève et gagnent à peu près à chaque fois
30 le pacte germano-soviétique. Tout au contraire en Amérique on dénonce l’injustice commise ou établie — par exemple le sort des N
31 e est un bloc dans tous les sens du terme. Mais l’ Amérique n’en est pas un, elle qui vise aux libres échanges, tolère les pires
32 e et nous croit ses ennemis, et les esclaves de l’ Amérique . Et tout le verbiage des communistes contre un prétendu « bloc améric
33 erbiage des communistes contre un prétendu « bloc américain  » n’a d’autre but que de masquer ce fait brutal : la Russie ne veut p
34 ndre en nous jetant simplement dans les bras de l’ Amérique . Non seulement nous ne le devons pas, mais c’est pratiquement impossi
35 ns pas, mais c’est pratiquement impossible. Car l’ Amérique n’a nullement l’intention de nous entretenir à grands frais comme des
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36 e « l’homme moderne est démodé » comme l’a dit un Américain  : sa conscience est en retard sur le milieu nouveau, sur les périls c
37 n globe, il verrait que le plus court chemin de l’ Amérique à la Russie ne passe plus par l’Europe, mais par le pôle. La radio, l
38 est pas celle du Kremlin, ni celle du businessman américain . Nous ne voulons pas d’un régime de terreur, de parole asservie, d’ép
39 cupation russe, et dans les camps. Vis-à-vis de l’ Amérique , notre attitude doit être, évidemment, bien différente. Nous avons be
40 l’obsession de l’argent qui dénature les libertés américaines  ; un régime qui traduise en politique, dans l’économie et les mœurs,
41 e, qu’ils se cantonnent dans le double refus de l’ Amérique et de la Russie, qu’ils y ajoutent un troisième refus, celui de l’Eur
42 sommes plus libres qu’eux, et plus sages que les Américains . Mais nous restons les bras ballants, regardant à droite et à gauche
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43 ntité, plus que la Russie et deux fois plus que l’ Amérique  ; l’organiser au-delà des États en une grande unité politique et en u
44 i dans ce cas, soyez sérieux, devenez une colonie américaine , ou bien demandez aux Russes d’établir parmi nous l’ordre qui règne à
45 la Russie. Mais le croient-ils ? Il y a un an, en Amérique , je parlais de ces choses avec un homme qu’il serait difficile de sou
46 de Bernard Shaw à propos de l’Angleterre et de l’ Amérique  : « Nous sommes séparés par un langage commun. » Et la question n’est
47 ontinent. Il est temps de donner aussi à nos amis américains la certitude que nous ne sommes pas ce qu’ils ont parfois presque rai
48 veut que la Terre promise ne soit pour nous ni l’ Amérique ni la Russie, mais cette vieille terre à rajeunir, à libérer de ses c
49 t au plan européen le système de la Suisse et des États-Unis  : qu’à la Chambre nommée par les peuples, réponde une Chambre nommée
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50 se laisser gouverner par une commission d’experts américains … Et, d’autre part, si l’on prétend que la seule chose sérieuse, c’est