1 1929, Les Méfaits de l’instruction publique (1972). Avant-propos
1 rda. Le premier montre que la science apprise à l’ école appauvrit l’homme de tout ce que son ignorance respectait, et ne lui
2 1929, Les Méfaits de l’instruction publique (1972). 1. Mes prisons
2 e main du père qui fait de longs pas réguliers… L’ École , dans ce concert de souvenirs, n’est qu’une dissonance douloureuse. 3
3 ec ma sœur aînée. L’année suivante, on me mit à l’ école , parce que c’est la loi. La première classe fut agréable : j’alignais
4 ntrée, ma colère n’en fut que plus malfaisante. L’ école me rendit au monde, vers l’âge de 18 ans, crispé et méfiant, sans ces
3 1929, Les Méfaits de l’instruction publique (1972). 2. Description du monstre
5 Et pour cause : ils n’étaient jamais sortis de l’ école . Rien ne ressemble plus à un bon élève qu’un instituteur : de l’un à
6 bien préexiste-t-il dans les principes mêmes de l’ École , et attire-t-il les petits bourgeois comme le portrait de Numa Droz a
7 ce point. Pour l’instant je ne veux que décrire l’ école telle qu’on la voit. Après les personnes, le décor. La laideur des « 
8 éducatrice d’un tel milieu, moral et matériel ? L’ école publique, telle que nous la voyons est semblable à tous ces monuments
4 1929, Les Méfaits de l’instruction publique (1972). 3. Anatomie du monstre
9 sport, la tricherie est difficile, tandis qu’à l’ école elle est de règle. Car la qualité et la quantité des réponses « fourn
10 ension universelle et un caractère obligatoire. L’ école exige donc que les meilleurs ralentissent et que les plus faibles se
11 qu’aux médiocres, dont elle assure le triomphe. L’ école s’attaque impitoyablement aux natures d’exception, et les réduit avec
12 réfère au résumé comme à un aide-mémoire. Mais l’ école veut qu’on commence par apprendre le résumé. D’ailleurs elle s’arrête
13 ’est pas modèle, il est absurde. Mais où sont à l’ école les modèles de ce qu’on nommait autrefois la belle ouvrage ? On va su
14 sévère. D’où notre conception pénitentiaire de l’ école . Mais, s’il est des disciplines qui renforcent, il en est d’autres qu
15 ord sur ce point : l’école primaire doit être une école de Démocratie. Ils insistent sur le fait que les leçons d’instruction
16 aposez trente enfants sur les bancs d’une salle d’ école , vous n’aurez rien qui ressemble en quoi que ce soit à aucun état soc
17 connaissances indispensables qu’on lui donne à l’ école . (Cet argent de poche, ni plus ni moins). Ou encore : que le bon élèv
18 e au milieu des conditions anormales créées par l’ école publique. Mais l’idéal de l’école est autre ; il est même tout contra
19 es créées par l’école publique. Mais l’idéal de l’ école est autre ; il est même tout contraire. On ne peut pas exiger qu’il s
20 ves. Le bon élève est aussi l’élève discipliné. L’ école veut que partout la valeur cède le pas à la règle. Elle cherche à dév
21 s principes dérivent nécessairement du fait que l’ école est publique, obligatoire, et soumise au contrôle de l’État. Alors ?
22 s conduit souvent à l’imbécillité et au vice. » L’ école de demain, page 12. 5. Il est peut-être avantageux dans certains cas
5 1929, Les Méfaits de l’instruction publique (1972). 4. L’illusion réformiste
23 ndante littérature publiée sur le « problème de l’ école nouvelle ». On appelle école nouvelle tout établissement où l’on s’ef
24 r le « problème de l’école nouvelle ». On appelle école nouvelle tout établissement où l’on s’efforce d’enseigner selon des p
25 sme inhérent à toute science. On a constaté que l’ école actuelle est fondée sur une remarquable ignorance de la psychologie i
26 ans à lacer leurs souliers ; et cela s’appelle l’ école pratique. Plus tard, on fait apprendre à ces mêmes enfants, et récite
27 tion du pratique prévaut, il est à craindre que l’ école nouvelle n’apporte bientôt sa méthode rationnelle pour apprendre aux
28 pédagogique. De même, sous le louable prétexte d’ école active, on prétend faire apprendre la grammaire par le moyen de gesti
29 qu’elles sont comiques précisément. Je ferai à l’ école nouvelle un reproche d’une autre nature. Elle prétend donner plus de
30 ble trois enfants… Je reconnais que les buts de l’ école nouvelle sont honnêtement scientifiques, et désintéressés. Mais l’enf
31 -être l’humanité… Je songe à un enseignement sans école . Je songe au maître antique, dont toute la personne était un enseigne
32 ns qui appliquent avec ferveur les principes de l’ école libre, qui se moquent des programmes et dont les classes sont de vrai
33 échapper plus longtemps à MM. les Inspecteurs des Écoles . Je le crains, dis-je ; car le monde ne progresse qu’à la faveur de m
34 r de malentendus (si tant est qu’il progresse.) L’ école nouvelle n’échappe à l’absurdité primaire qu’à la faveur d’une équivo
6 1929, Les Méfaits de l’instruction publique (1972). 5. La machine à fabriquer des électeurs
35 urs siamoises. Continuons. La démocratie doit à l’ École de vivre encore. Mais ce n’est de la part de notre Institutrice qu’un
36 ne explication vraisemblable de cette incurie : l’ école , sous sa forme actuelle, remplit suffisamment son rôle politique et s
37 colaire ; car il ne faudrait pas moins pour que l’ école rattrape l’époque… Mais les gouvernements savent ce qu’ils font. Tout
38 révolte de ma sensibilité qui me dresse contre l’ École . Mes arguments ne se mettent en branle qu’après coup. Et quand vous l
39 idéologies politiques, et peu m’importerait que l’ École soit une machine à fabriquer de la démocratie — si je ne sentais mena
7 1929, Les Méfaits de l’instruction publique (1972). 6. La trahison de l’instruction publique
40 (Ici, le procureur prit un ton plus grave).   L’ école s’est vendue à des intérêts politiques. C’était là, nous venons de le
41 rop laid ».) À peine capable de nous instruire, l’ École prétend ouvertement nous éduquer. D’ailleurs elle y est obligée dans
42 comme le veut le cliché, mais schématiques. Or l’ École radicale ne peut pas être idéaliste : car elle deviendrait un danger
43 es de la famille sont falsifiées. Non seulement l’ École ne constitue pas le pôle idéaliste nécessaire à l’équilibre d’une civ
44 révolte qui apparaissent de toutes parts. Mais l’ école empoisonne les germes d’une renaissance de l’esprit dont elle devrait
45 rne à un vaste établissement de travaux forcés. L’ école donne à l’enfant ce qu’il faut pour se résigner à l’état de citoyen b
46 ne qu’en tant qu’elle est cultivée par l’État), l’ École , après avoir entraîné l’âme moderne dans ses collèges, l’y enferme et
8 1929, Les Méfaits de l’instruction publique (1972). 7. L’instruction publique contre le progrès
47 progrès, elles corrigent, stimulent, vivifient. L’ École se contente d’être figée. Est-ce un frein ? Même pas. C’est plutôt un
48 conserver des siècles encore… Or si je dis que l’ École est contre le progrès, c’est que le progrès consiste à dépasser la Dé
49 ns les principes démocratiques, et dans ceux de l’ École , mais encore dans toute la conduite moderne de la vie. C’est notre am
9 1929, Les Méfaits de l’instruction publique (1972). Appendice. Utopie
50 al. Un nouvel état d’esprit : voilà bien ce que l’ École empêche même de concevoir. Elle cultive ce qu’il y a d’anti-irrationn
51 t une révolution qu’il faut. Alors, supprimer les écoles , raser les collèges, renvoyer les instituteurs aux pommes de terre ?
52 es de terre ? Impossible. Le peuple qui déteste l’ école a pourtant faim d’instruction 15, et se croirait lésé dans un de ses
53 empêcher. Il s’agit de lui faire comprendre que l’ école est le plus gros obstacle à sa culture. Et c’est cela, préparer le te
54 de l’organisation existante peut-on imaginer ? L’ école devrait donner à l’enfant ce que son entourage ne peut plus lui donne
55 ses fait des soldats en moins de trois mois. Si l’ école appliquait en les transposant des méthodes de concentration analogues
56 ces facultés atrophiées que devrait s’employer l’ école . Nous avons vu qu’elle préfère les étouffer. Cependant, je ne crois p
57 seil de paroisse. Je préciserai donc : je tiens l’ École pour criminelle. Mais je ne tiens pas tous les instituteurs pour gibi
58 s pédagogiques encore très actuels, du fait que l’ école n’a pas bougé depuis. 16. On promet des confitures à l’enfant s’il e
10 1972, Les Méfaits de l’instruction publique (1972). Suite des Méfaits (1972)
59 stater que mon texte n’a pas vieilli, parce que l’ École n’a pas changé. C’est du moins ce que m’incitent à croire les descrip
60 un Victor Hugo 18, d’un Grundtvig, je décrivais l’ École comme une prison ou une caserne, et dénonçais la « conception péniten
61 que les instituteurs « ne sont jamais sortis de l’ école  » et que du « bon élève » à l’instituteur la différence n’est qu’une
62 eurs érudits. En somme, ils n’ont jamais quitté l’ école  » 19. Je parlais d’une « vaste distillerie d’ennui », d’une « puissan
63 s insolentes de mon pamphlet de 1928. Toutes les écoles sont de parfaits abattoirs où des fournées de gosses vont quotidienne
64 itut d’études politiques de Paris, constate que l’ École d’aujourd’hui « émascule l’imagination » et au surplus le fait à dess
65 ent remises en cause » 22. Faut-il vraiment que l’ École ait peu changé pour provoquer des réactions aussi peu différentes, pa
66 nais) oserez-vous prétendre qu’il faut détruire l’ École  ? » Je le disais implicitement. Ivan Illich, aujourd’hui le proclame 
67 entrave au droit à l’instruction ». En effet, l’ École s’est chargée — ou plutôt : l’État l’a chargée — de l’ensemble des at
68 trois postulats : « Les enfants doivent aller à l’ école  ; ils apprennent à l’école ; l’école est le seul endroit où ils puiss
69 ants doivent aller à l’école ; ils apprennent à l’ école  ; l’école est le seul endroit où ils puissent apprendre. » Mais confo
70 nt aller à l’école ; ils apprennent à l’école ; l’ école est le seul endroit où ils puissent apprendre. » Mais confondre l’édu
71 c’est confondre le salut et l’Église ». (p. 27) L’ École est devenue la religion de l’État-nation. (p. 27) Elle doit en inculq
72 ssource naturelle, dont le traitement revient aux écoles , afin qu’ils soient prêts à être absorbés par la machine industrielle
73 ar la machine industrielle ». (p. 114) 24 Mais l’ École s’est laissé étatiser, l’État en retour s’est laissé scolariser, et t
74 ionnelle nous dit que les enfants ont besoin de l’ école . Elle nous affirme qu’ils s’y instruisent. Mais cette sagesse, d’où l
75 ais cette sagesse, d’où la tenons-nous, sinon des écoles  ? » (p. 56) Ivan Illich propose alors trois thèses : — « La Société e
76 ntenant besoin d’une séparation de l’État et de l’ École . » (p. 27) — Il faut remplacer l’École par « des structures qui mette
77 at et de l’École. » (p. 27) — Il faut remplacer l’ École par « des structures qui mettent les hommes en rapport les uns avec l
78 e vivre, d’agir et de penser conditionnés par nos écoles , je ne crois pas que notre société soit « susceptible » d’être déscol
79 ce serait une autre société. On ne changera pas l’ École sans changer l’État qui l’a faite. Or, les hommes de l’actuelle socié
80 i pourraient changer l’État, ont été formés par l’ École pour le servir : ils n’admettront jamais l’idée de modifier ses struc
81 les têtes, non dans les faits. Quant à séparer l’ École de l’État, qui pourrait le faire aujourd’hui ? Ni l’État, qui s’y ref
82 solument indépendants à la fois de l’État et de l’ École , et qui imposeront une redistribution des pouvoirs et niveaux de déci
83 formels de communes autonomes. Alors seulement l’ École pourra redécouvrir ses finalités véritables, qui sont universelles et
84 ch est convaincu que l’homme naît bon, mais que l’ École étatique le corrompt. Livré à lui-même, en revanche, l’homme n’aurait
85 s intentions d’Illich, et avec ses critiques de l’ École actuelle, souvent anticipées par mon pamphlet. Je crains pourtant qu’
86 oirs d’Illich, ou de certains gauchistes, ou de l’ École nouvelle sous toutes ses formes. ⁂ « Notre enseignement est irréel. I
87 s attendre « ce que je mettrais à la place » de l’ École dénoncée comme irréelle, ou de l’aimable anarchie proposée par certai
88 girait précisément d’éliminer. Avant d’imaginer l’ École de demain, il faudra surmonter l’éducation d’hier. Toute la difficult
89 tion de crédits supplémentaires aux hôpitaux, aux écoles et à tous les organismes intéressés. ⁂ Que pourrions-nous imaginer d
90 ue pourrions-nous imaginer d’un régime idéal de l’ École pour demain ? J’ai indiqué la seule hypothèse prospective qui me para
91 ective qui me paraisse utilisable : l’avenir de l’ École sera lié — comme le fut sa genèse — au sort de l’État national. Napol
92 litaire, ou qu’il se donne encore pour libéral, l’ École devient un instrument de conditionnement économique et militaire. Si
93 alières, se constituent, les données de base de l’ École deviennent susceptibles de modification. Voici comment : Les régions
94 vie de la cité devient praticable. Et alors, une École nouvelle peut se créer selon les besoins réels de la communauté, mais
95 ouvons ni savoir ni voir clairement ce que sera l’ École demain. Nous pouvons seulement reconnaître que le fait de forcer tous
96 , une torture, à la limite, pour les meilleurs. L’ école est devenue synonyme de malheur quotidien pour des millions d’enfants
97 le bonheur et l’excitation, avec des amis qu’à l’ école  ; avec n’importe qui d’accidentel ou de clandestin qu’avec un « ensei
98 es esprits moyens — ce que nie systématiquement l’ École primaire. ⁂ Il serait donc possible, et l’on en voit le profit, de ra
99 e consacrer tous les après-midi (à l’exemple de l’ école chinoise) à des travaux pratiques aux champs, en ville ou à l’usine.
100 e dernier cargo n’a pas de sens dans une classe d’ école  : le dernier de la classe et le premier n’ont pas la même destination
101 ntact du monde extérieur que dans l’enceinte de l’ école … Les innovateurs en matière de scolarité se plaisent à raconter que l
102 arité se plaisent à raconter que les enfants de l’ école maternelle passent leurs récréations à discuter vitesse, rayon d’acti
103 l McLuhan, Mutations.) S’il nous faut conserver l’ école actuelle, pour un temps, nous pouvons demander au moins qu’elle offre
104 avers les programmes, bride sur le cou. ⁂ Mais l’ École se replie sur elle-même et se prend pour sa propre fin, c’était fatal
105 formité ? Parce que le but tacite et dernier de l’ École est de former des agents d’accroissement du PNB, si l’on est aux État
106 péens, ouverte sur le monde ; « Introduire dans l’ École l’enseignement des réalités économiques et sociales, qui se trouvent
107 est d’elle que dépend l’avenir non seulement de l’ École mais de l’Europe et du Monde. Je la résume en une seule phrase : Le c
108 s en 1680, refusèrent d’envoyer leurs enfants à l’ école , comme la loi veut les y obliger. Ils viennent de remporter une premi
109 t pouvoir élever leurs enfants dans leurs propres écoles , qui ressemblent à ce que demande Ivan Illich : une classe unique, le
110 élit autre que le refus d’envoyer ses enfants à l’ école . » On peut lire dans les attendus du jugement de la Cour suprême : U
111 , Le Seuil, 1971, p. 151 à 161. 18. « Ouvrir une école , c’est fermer une prison », V. Hugo. Si c’était en ouvrir une autre ?
112 s de l’argent, beaucoup d’argent, je quitterais l’ école , Paris, François Maspero, 1971. 21. Gérard Vincent, Les Lycéens, Par
113 il 1972. 23. (Mgr) Ivan Illich, Une Société sans école , New York 1970, Paris, Le Seuil, 1971. 24. Je disais cela un peu par