(1930) Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930) « Princesse Bibesco, Catherine-Paris (janvier 1928) » pp. 121-122

Princesse Bibesco, Catherine-Paris (janvier 1928)aq

C’est un livre sympathique ; et il vaut la peine de le dire car la chose n’est pas si fréquente dans la production actuelle.

On retrouve aux premiers chapitres de Catherine-Paris cette magie des sensations et des rêves de l’enfance et cette féminité du sentiment, du tour de pensée même, qui faisaient déjà du Perroquet Vert un petit chef-d’œuvre de poésie proprement romanesque, naissant des situations mêmes et non de dissertations lyriques à leur propos. Mais dans ce roman, il n’y a plus seulement la femme, avec le miracle perpétuel de sa sensibilité. Il y a encore la princesse, le témoin intelligent et un peu ironique des cours d’Europe à la veille de la guerre. De cette espèce de collaboration résultent à la fois le défaut de composition du livre et sa richesse. L’enfance de Catherine à Paris est du roman pur ; la tournée des cours de l’Europe centrale, qu’elle subit comme jeune épouse d’un comte polonais, grand seigneur médiatisé, vaguement prétendant au trône de Pologne, est plutôt d’un mémorialiste. Madame Bibesco y montre beaucoup de liberté d’esprit, une pénétration de jugement et une ironie assez amère qui étonnent de la part d’une femme aussi femme que l’auteur du Perroquet Vert. Mais là-dessus, le roman repart dans une troisième action (l’amour de Catherine pour un aviateur français) assez peu intéressante à vrai dire, parce qu’elle n’est pas à l’échelle de ce qui la précède. Ces défaillances de la technique du roman sont sauvées par un style brillant, plein de trouvailles spirituelles, malicieuses ou poétiques ; et ce n’est pas qu’il ne s’y glisse quelque préciosité ou quelques « pointes » faciles mais cela même ne manque pas de naturel…

On peut regretter que ce livre ne réalise pas une synthèse plus organique du roman et des mémoires. Mais si son début permet de croire que le Perroquet Vert ne restera pas une réussite isolée dans l’œuvre purement romanesque de la princesse Bibesco, Catherine-Paris annonce par ailleurs un mémorialiste captivant, dans la tradition d’un Ligne par exemple.