Pierre Naville, La Révolution et les intellectuels (novembre 1928)at
Les derniers écrits des surréalistes débattent la question de savoir s’ils▶ vont se taire ou non. Mais leur silence ne doit pas entraîner, à leur point de vue, celui d’autrui sur eux-mêmes. ◀Ils▶ se tournent donc naturellement vers l’action, c’est-à-dire — nous sommes en France — vers la politique. Or ces ennemis de toute littérature voient leurs avances dédaignées par les communistes, gens d’action à jugements simples, qui les trouvent trop littérateurs. Rien d’étonnant à cela dans une époque où les valeurs de l’esprit sont en pratique universellement méprisées. Mais les surréalistes ont leur responsabilité là-dedans ; leur défense de l’esprit s’est bornée jusqu’ici à une rhétorique très brillante contre un état de choses justement détesté, mais dont ◀ils▶ participent plus qu’◀ils▶ ne le croient. Certes ◀il▶ était urgent de faire la critique de « cette réalité de premier plan qui nous empêche de bouger », comme dit fort bien M. Breton. Mais à condition d’aller plus loin et de prendre une connaissance positive de ce qu’il y a sous cette réalité. ◀Il▶ est certain que s’◀ils▶ avaient le courage de se soumettre au concret de l’esprit, ◀ils▶ comprendraient que le « service dans le temple » s’accommode mal de tant de gesticulations, de gros mots et de discours en très beau style contre un monde très laid dont ◀ils n’ont pas encore renoncé à chatouiller le snobisme.