Ernest Seillière, Alexandre Vinet, historien de▶ ◀la▶ pensée française (octobre 1925)k
Peut-être n’est-il pas trop tard pour parler du Vinet ◀de▶ M. Seillière, ◀de▶ ce nouveau chapitre qu’il vient ◀d’▶ajouter à sa grande étude sur ◀les▶ rapports du christianisme et du romantisme. M. Seillière cherchait dans ◀l’▶époque romantique un témoin dont ◀le▶ jugement eut « ◀l’▶autorité ◀d’▶un verdict essentiellement chrétien sur ◀le▶ mysticisme naturiste ». Il ne pouvait trouver mieux que Vinet. Et j’imagine son étonnement à découvrir dans ◀l’▶œuvre du penseur vaudois ◀la▶ substance originale ◀de▶ la plupart des idées dont lui-même s’est fait ◀le▶ moderne champion. Pour ce qui concerne ◀le▶ Vinet juge des romantiques, il n’a pas eu trop ◀de▶ peine à ◀l’▶annexer à son propre corps ◀de▶ doctrines critiques. Dirai-je pourtant que je crains qu’il n’ait été incité parfois, et presque inconsciemment, à gauchir légèrement ◀la▶ pensée ◀de▶ Vinet pour lui ajuster sa terminologie particulière ? Mais par ailleurs Vinet déborde ◀le▶ « sellièrisme » ◀de▶ tout son mysticisme protestant. Et cela n’est pas sans gêner M. Seillière. C’est peut-être pourquoi il insiste sur ◀le▶ fait que Vinet se déclarait « un chrétien sans épithète ». Croit-il éluder ainsi ◀le▶ protestantisme ◀de▶ Vinet ? Ne voit-il pas que rien n’est plus protestant qu’une telle attitude ?
Mais ces réserves sont ◀de▶ peu ◀d’▶importance si ◀l’▶on songe au service que M. Seillière nous rend en réintroduisant dans ◀l’▶actualité ◀la▶ plus brûlante ◀les▶ richesses intellectuelles et morales du grand vaudois. Vraiment, tout ce qui semble viable et humain dans ◀la▶ critique moderne du romantisme, Vinet ◀l’▶avait trouvé. Mais sa position purement chrétienne — un mysticisme ◀de▶ cadre solidement moral, c’est-à-dire rationnel, dit M. Seillière — me paraît infiniment plus forte que celle ◀d’▶un Maurras ou que celle ◀d’▶un Maritain. Son unité est plus réellement profonde, son point ◀d’▶appui plus central. Pour notre époque déchirée entre un thomisme et un nihilisme exaspérés, pour notre nouveau mal du siècle, il n’est peut-être pas ◀de▶ pensée plus vivante, ni de plus tonique que celle ◀de▶ ce « Pascal protestant ».