Conférence de▶ René Guisan « Sur ◀le▶ Saint » (2 février 1926)c
M. René Guisan, professeur ◀de▶ théologie à Lausanne et directeur ◀de▶ ◀la▶ Revue ◀de▶ théologie et ◀de▶ philosophie, inaugura lundi soir à ◀l’▶aula, devant un très nombreux public, ◀la▶ série des conférences que nous promet ◀le▶ groupe neuchâtelois des « Amis ◀de▶ ◀la▶ pensée protestante ». M. Guisan avait choisi un sujet qui permet ◀de▶ façon particulièrement frappante ◀la▶ comparaison des points de vue catholique et protestant : ◀la▶ notion ◀de▶ « Saint » et son évolution au cours des siècles.
Primitivement, ◀le▶ Saint est un homme que Dieu a mis à part par grâce pour qu’il serve. Mais très vite on étend ◀l’▶appellation ◀de▶ saint à ceux qui par leur élévation morale ou leurs souffrances semblent s’être ◀le▶ plus rapprochés du Christ ; et dans ◀l’▶Église persécutée, ◀le▶ martyre devient ◀le▶ signe par excellence ◀de▶ ◀la▶ sainteté. ◀Le▶ peuple, encore païen, voit dans ◀la▶ vénération des pèlerins pour ◀les▶ tombes ◀de▶ leurs saints une forme ◀d’▶adoration ◀de▶ dieux protecteurs. Cette croyance se répand, favorisée par ◀la▶ souplesse dont fait preuve ◀l’▶Église ◀d’▶alors quand il s’agit ◀d’▶adapter des traditions antiques au dogme en formation. Au Moyen Âge ◀l’▶évolution se continue dans ◀le▶ même sens. On spécialise ◀les▶ « compétences » des saints, ou ◀de▶ leurs reliques qui se multiplient prodigieusement. Alors éclate ◀la▶ protestation ◀de▶ ◀la▶ Réforme. Honorons ◀les▶ saints pour ◀l’▶exemple ◀de▶ leur vie : mais Christ est ◀le▶ seul médiateur à qui doit s’adresser ◀le▶ culte, en son cœur, du croyant. ◀Le▶ centre ◀de▶ gravité religieux est replacé en Christ. — Comment ◀l’▶Église catholique réagit-elle ? En codifiant ◀l’▶état de choses antérieur. Donc ◀l’▶Église continue à faire des saints, tandis que ce terme n’a plus qu’un sens relatif pour nous protestants. Est-ce là nous juger ? ◀Les▶ catholiques nous reprochent ◀d’▶avoir méconnu ◀l’▶élément ◀de▶ grandeur morale que ◀les▶ saints maintiennent dans ◀l’▶Église. M. Guisan va très loin dans ses concessions à ◀de▶ telles critiques. Mais c’est pour affirmer avec ◀d’▶autant plus ◀de▶ force que « en situant tout ◀le▶ devoir chrétien dans ◀l’▶accomplissement scrupuleux, joyeux et fidèle ◀de▶ ◀la▶ vocation, ◀le▶ protestantisme affirme qu’il existe divers ordres ◀de▶ sainteté ». Cette mère qui s’est sacrifiée aux siens, n’était-ce pas une sainte, comme ce missionnaire et cette diaconesse ? S’il n’y a pas ◀de▶ saints protestants, il existe des saints dans ◀le▶ protestantisme. Mais il n’est pas ◀de▶ fin aux œuvres ◀de▶ Dieu. ◀La▶ sainteté parfaite ne commence qu’aux limites ◀les▶ plus hautes ◀de▶ ◀la▶ vertu. Dans ce sens, il ne peut exister ◀de▶ saint véritable. Il n’y a pas ◀de▶ saints, mais il faut être parfait. Tel est ◀l’▶enseignement ◀de▶ Jésus, telle est ◀la▶ pensée qu’a voulu restaurer ◀le▶ protestantisme.
◀La▶ place nous manque pour louer comme il conviendrait ◀la▶ clarté ◀d’▶un exposé solidement documenté, et ◀le▶ scrupule ◀d’▶historien et ◀de▶ chrétien qui permet à M. Guisan ◀de▶ montrer ◀le▶ point de vue adverse avec autant ◀de▶ compréhension et ◀de▶ sympathie que le sien propre. Cela donne à ses conclusions cette sécurité dont trop souvent un brillant appareil dialectique ne sait produire que ◀l’▶illusion. C’est ◀la▶ revanche du fameux scrupule protestant, qui ne peut être un danger lorsqu’il n’est, comme ici, que ◀la▶ loyauté ◀d’▶un esprit animé par une foi agissante.