Jean Cocteau, Rappel à l’ordre (mai 1926)t
Sous ce titre, le plus étonnant peut-être qu’il▶ ait trouvé, Jean Cocteau a réuni ce qui me paraît le meilleur de son œuvre : ses récits de critique et d’esthétique (Le Coq et l’Arlequin, la Noce massacrée, le Secret professionnel, etc.) Sans doute faudrait-◀il▶ préciser ce qu’◀il▶ entend par ordre, et montrer que si cet ordre l’écarte de Dada, ◀il▶ ne le conduit pas pour autant à l’Académie. Disons pour aller vite que sa recherche de l’ordre révèle simplement une volonté de construire jusque dans le grabuge, qu’◀il▶ aime pour les matériaux qu’on en peut tirer.
L[e] malheur de Cocteau est qu’◀il▶ se veuille poète. ◀Il▶ ne l’est jamais moins qu’en vers. Sa plus incontestable réussite à ce jour est le Secret professionnel, petit catéchisme cubiste qui dépasse de beaucoup les limites de cette école, et qu’◀il▶ eut le tort à notre sens de vouloir illustrer de pédants exercices poétiques.
Mais quelle intelligence, et dont l’audace est de se vouloir plus juste que bizarre. ◀Il▶ sait bien d’ailleurs que les miracles les plus étonnants sont ceux de la lumière. « Le mystère se passe en plein jour et à toute vitesse. » Telle est bien la nouveauté de son théâtre et de l’art qu’◀il▶ défend en peinture, en musique. Suppression du clair-obscur et de la pénombre. Ôter la pédale à la poésie. (« Le poète ne rêve pas, ◀il▶ compte. ») Six projecteurs convergent sur une machine luisante et tournante.
L’esprit de Cocteau est une arme admirable de précision, d’élégance mécanique et de rapidité. ◀Il▶ lassera, parce que c’est toujours le même déclic. Cocteau le sait, et pour varier ◀il▶ tire tantôt à gauche tantôt à droite, sur Barrès, sur Wagner, sur quelques fantômes, sur le public. (Bientôt sur lui-même je le crains, pour renaître catholique.) Certes, ◀il▶ bannit le charme et toute grâce vaporeuse. Mais ses fleurs de cristal, si ◀elles sont sans parfum, ne se faneront pas.