L’▶atmosphère d’Aubonne : 22-25 mars 1926 (mai 1926)f
Cette conférence s’ouvrit par une bise qu’on peut bien dire du diable et se termina sous ◀le▶ plus beau soleil de printemps. Libre à qui veut d’y voir un symbole. On ne saurait exagérer ◀l’▶importance des conditions météorologiques du succès d’une telle rencontre : tout alla froidement jusqu’à ce que ◀la▶ bise tombée permît à « ◀l’▶atmosphère » de s’établir. Alors ◀le▶ miracle apparut, grandit.
◀Le▶ miracle, c’est ◀l’▶esprit d’Aubonne. C’est ce miracle tout ce qu’il y a de plus protestant — mais oui, M. Journet — et je ne crois pas qu’il puisse se produire ailleurs qu’en terre romande. C’est ◀l’▶esprit de liberté, tout simplement. Mais précisons : c’est bien plus que ◀la▶ liberté de défendre sa petite hérésie personnelle et de s’affirmer aux dépens d’autrui, — c’est ◀la▶ liberté dans ◀la▶ recherche. Chose plus rare qu’on ne pense, à Aubonne on se sent prêt à tout lâcher pour une vérité nouvelle, on tient moins à convaincre qu’à se convaincre. Après ◀les▶ exposés de Janson, de Brémond, j’en sais plusieurs qui ont ainsi « lâché » pas mal de préjugés en matières sociales. Mais ce qui est peut-être plus important, on eut ◀l’▶impression, durant ◀les▶ discussions entre de Saussure et Bertrand, que ◀les▶ orateurs exprimaient tour à tour ◀les▶ objections que chacun se faisait à part soi, qu’ils incarnaient ◀les▶ voix contradictoires d’un débat que tous menaient en eux-mêmes loyalement. Et ce désir d’arriver à quelque chose de définitif à la fois et d’intelligent, je ◀le▶ mesure aussi à ◀l’▶émotion qui accueillit ◀l’▶étude de Maury sur Jacques Rivière : combien reconnurent dans ◀le▶ tourment de cette âme leur propre recherche, — et dans ses lumineuses conquêtes sur ◀le▶ doute, ◀le▶ modèle des réponses désirées.
Tout cela, c’est ◀l’▶atmosphère de ◀la▶ chapelle où ont lieu travaux et méditations. Dehors, on honore ◀la▶ liberté d’un culte moins platonique : n’est-ce pas Léo qui prétendit qu’on ne peut juger ◀les▶ Associations qu’à leur façon de jouer ◀le▶ volley-ball ? ◀Le▶ Casino offrit pendant quelques nuits ◀la▶ vision étrange d’une salle où ◀les▶ spectateurs étendus en pyjamas sur des paillasses attendraient en vain ◀le▶ lever d’un rideau sur une pièce inexistante. Enfin le dernier soir, ◀l’▶on vit apparaître un fakir…
Il y eut aussi une assemblée délibérative en pleine forêt, où Henriod debout sur un tronc coupé n’eut pas trop de toute sa souplesse pour maintenir ◀l’▶équilibre des discussions et de sa propre personne. Et il y eut encore un dîner très démocratique pendant lequel ◀le▶ philosophe Abauzit chanta « ◀les▶ Crapauds » avec âme, appuyé d’une main sur ◀l’▶épaule de Janson, et de l’autre dessinant dans ◀l’▶air des phrases musicales. Après quoi Richardot, entrant par ◀la▶ fenêtre, vint annoncer qu’on était libre — comme si on ◀l’▶avait attendu pour ◀le▶ manifester ! — et qu’il suffisait de souscrire à ◀la▶ brochure de ◀la▶ conférence3 pour savoir tout ce que je n’ai pas dit dans ces quelques notes.