Henry de Montherlant, Les Bestiaires (septembre 1926)x
J’▶éprouve quelque gêne à porter un jugement littéraire sur ce nouveau tome des mémoires de Montherlant : dans ce récit plus encore que dans les œuvres précédentes, on voit beaucoup moins l’œuvre d’art que l’auteur ; dans ce portrait de Montherlant toréador, à 16 ans, c’est surtout le Montherlant actuel que l’on sent. C’est dire que le livre vaut par son allure plus que par des qualités de composition ou de perfection formelle. Pour quelques-uns de ces traits d’énergie ou de savante sensualité, pour ces insolences jolies et les subites violences, qui composent la séduction de cet « homme de la Renaissance », pour quelques descriptions des prairies espagnoles pleines de simple grandeur, ◀j’▶ai supporté mille fastidieux détails techniques et des délires taurologiques avec lesquels, pour communier, il faudrait sans doute être né sous le signe du Taureau. Mais il sera pardonné à Montherlant beaucoup de défauts bien agaçants pour sa souveraine désinvolture. Elle est tonique comme le spectacle des athlètes. Et c’est elle avant tout que ◀j’▶admire dans ces Bestiaires, presque malgré leur sujet trop pittoresque.
« Honneur et longue fidélité aux taureaux braves et simplets d’esprit ! Qu’ils paissent éternellement dans les prairies célestes, pour avoir donné une grande gloire aux jeunes hommes ! » Mais ce jeune homme qui écrivit naguère sur les Fontaines du désir certaines pages magnifiques et sobres, jetées de haut avec la nonchalance des vrais puissants, ◀je compte qu’il saura fonder sa gloire future sur des valeurs plus humaines.