Avant-propos (décembre 1926)a b
Une mauvaise humeur qui flotte dans l’▶air nous proposerait ◀de▶ débuter par ◀l’▶inévitable discours sur ◀les▶ difficultés du temps, en général, et sur celles en particulier qu’implique ◀la▶ publication ◀de▶ notre revue. Mais nous savons, tout comme M. Coué, que ce serait ◀de▶ mauvaise méthode. Et, comme M. Coué, nous nous persuadons que tout ira très bien. ◀Les▶ circonstances ◀l’▶exigent, d’ailleurs, plus que jamais, et plus que jamais, nous semble-t-il, notre revue a sa ◀raison▶ ◀d’▶être.
◀La▶ vie ◀d’▶aujourd’hui, on ◀le▶ sait, nous oblige à nous affirmer ou à refuser ◀de▶ nous affirmer avec une netteté qui a pu paraître parfois quelque peu impertinente. ◀Le▶ fait est que nous éprouvons irrésistiblement ◀l’▶obligation ◀d’▶être nous-mêmes. Et, disons-◀le▶ tout de suite, c’est en cela uniquement — être nous-mêmes — que consistera notre programme.
Sans doute, ◀les▶ différences s’accusent : mais n’est-ce pas ◀la▶ meilleure ◀raison▶ pour nos aînés ◀de▶ chercher plus patiemment encore à nous comprendre et ◀de▶ nous accorder une confiance sans laquelle nous ne saurions aller, et qui, nous voulons ◀l’▶espérer, ne sera pas sans leur donner quelque bénéfice en retour.
Certes, nous ne demandons pas qu’on prenne toutes nos obscurités pour des profondeurs. Et nous n’allons pas procéder à quelque sensationnelle révision des valeurs. Nous savons bien que nous ne faisons que passer, après tant d’autres, avant tant d’autres. « Amis, ce sont ◀les▶ jeunes qui passent… » Pas question ◀de▶ ◀les▶ saluer ni ◀d’▶emboîter ◀le▶ pas, mais seulement ◀de▶ retenir sa place au spectacle qu’ils offrent et ◀de▶ ◀les▶ considérer avec sympathie.
Il est bien facile ◀de▶ s’écrier : « Après moi, ◀le▶ déluge ! », et ◀de▶ se détourner ◀de▶ ce qu’on a coutume ◀d’▶appeler notre « désordre ». Mais on est toujours ◀le▶ fils ◀de▶ quelqu’un… Et, peut-être, ◀la▶ considération du « déluge » peut-elle faire réfléchir utilement sur ses causes…
Nous ne proposerons pas, lecteur bénévole, un exercice mensuel à votre faculté ◀d’▶indulgence. Par contre, nous nous empressons ◀de▶ vous laisser ◀le▶ soin ◀de▶ juger si nous avons ◀de▶ quoi faire ◀les▶ modestes…
Être nous-mêmes, avons-nous dit, c’est à la fois notre but et notre excuse en publiant cette revue. Nous ne sommes pas « une revue littéraire de plus » ; nous ne voulons pas être « ◀l’▶expression ◀de▶ ◀la▶ jeunesse romande ». Nous sommes autre chose. (Belles-Lettres est toujours « autre chose ».) Nous ne prétendons pas plus être « bien bellettriens » — prétention éminemment peu bellettrienne.
Que sommes-nous donc ? ◀Le▶ plus qu’on puisse dire, c’est que vous ◀le▶ saurez un peu mieux quand vous aurez lu nos huit numéros.
Il faut que notre revue reste cette chose unique et indéfinissable, comme toute chose vivante… Gerbe ◀de▶ fleurs disparates, aux tiges divergentes, mais qu’un ruban rouge et vert lie par ◀la▶ grâce ◀d’▶une volonté sans doute divine…