Guy de Pourtalès, Montclar (février 1927)ad
L’▶on aime que, pour certains hommes, écrire ne soit que ◀le▶ recensement passionné de leur vie, ou ◀l’▶aveu déguisé d’une insatisfaction qu’elle leur laisse. Montclar est ◀l’▶auteur de vers de jeunesse auxquels il ne tient guère, et ◀l’▶on comprend que ce journal bientôt ◀les▶ rejoindra dans ◀l’▶armoire aux souvenirs. Cette façon de ne pas y tenir, qu’il manifeste en toute occasion de sa vie est peut-être ce qui nous ◀le▶ rend ◀le▶ plus sympathique. « Officiellement comblé, et par dedans… comment bien dire ? inquiet ? aride ? heureux ? » pour lui, comme pour Barnabooth, il s’agit de « déjouer ◀le▶ complot de ◀la▶ commodité ». Mais plus voluptueux que philosophe, c’est à ◀l’▶amour qu’il ira demander ◀la▶ souffrance indispensable au perfectionnement de son âme. Et qu’importe si ◀les▶ Allemands qui, fréquente sontae, pour notre plaisir, un peu plus viennois que naturel s’il parle de choses d’art comme on fait dans Proust, si ◀les▶ passions qu’il nous peint sont ici tant soit peu russes, et là, gidiennes. Il se connaît assez pour savoir ce qui est en lui de ◀l’▶homme même, ou de ◀l’▶amateur distingué, — et ne peut pas nous tromper là-dessus. Il se connaît avec une sorte de froideur que ◀l’▶on dirait désintéressée si elle n’avait pour effet de souligner, plus que ses succès, certaines faiblesses qu’il recherche secrètement, parce que de ces « ratages » naît ◀le▶ perpétuel besoin d’évasion qui est ◀la▶ condition de son progrès moral. C’est ainsi qu’il consent, non sans une imperceptible satisfaction, ◀l’▶aveu d’une fondamentale indifférence du cœur qui contraste avec une vie voluptueuse et assez désordonnée. Pourtant, entre Montclar et Ameline, un amour se noue, qui commence où souvent ◀l’▶on finit. Et peut-être ◀l’▶amour n’est-il possible qu’entre deux cœurs que ◀l’▶épreuve du plaisir n’a pas exténués. Mais alors quelle avidité cruelle, et peut-être tendre, à se faire souffrir rejette l’un vers l’autre ces êtres égoïstes, et fonde lentement leur amour, à force de petites blessures. Ce n’est pas ◀le▶ moins troublant d’une telle vie, cette sagesse un peu sombre qui s’en dégage, sagesse qui veut « que nous appelions ◀les▶ âmes à ◀la▶ vie après seulement toutes ◀les▶ morts du plaisir », car elle sait « qu’entre ◀les▶ êtres, ◀le▶ bonheur est un lien sans durée. Seules ◀la▶ souffrance ou de secrètes anomalies ont un pouvoir d’éternité. »
Il est juste, ce me semble, d’insister sur ce qui forme dans ◀le▶ récit de cette vie comme une arrière-pensée inquiète et un peu hautaine. Que ◀la▶ composition de cette réminiscence soit assez facile et « artiste » on hésite à en faire reproche à ◀l’▶auteur. Cette espèce de modestie de ◀l’▶allure est rare autant que sympathique, dans ◀le▶ temps que sévit ◀l’▶inflation littéraire ◀la▶ plus ridicule. Pourtant, qu’elle ne laisse point oublier que ce livre d’une résonance si humaine, est mieux que charmant, — douloureux et désinvolte, glacé, passionné.