René Crevel, La Mort difficile (mai 1927)ai
Le jeu de▶ tout dire est une des plus tragiques inventions ◀de▶ l’inquiétude actuelle. Sous couleur de démasquer l’humain, et par l’acharnement angoissé qu’on y apporte, l’on en vient à une conception ◀de▶ la sincérité qui me paraît proprement inhumaine. Tout dire, vraiment ? C’est l’exigence ◀d’▶une détresse cachée ; elle fait bientôt considérer toute joie comme illusoire et livre l’individu pieds et poings liés à l’obsession qu’il voulait avouer pour s’en délivrer peut-être. Cette sincérité ne serait-elle à son tour que le masque ◀d’▶un goût du malheur ? Le sujet profond ◀de▶ ce roman, où l’on voit comment Pierre en vient à sacrifier Diane, son apaisement, pour Arthur, sa « maladie », c’est encore l’« élan mortel » que décrivait Mon Corps et Moi.
Quand l’analyse féroce ◀de▶ Crevel fouille les pensées ◀de▶ Pierre ou ◀de▶ Diane, les gestes ◀d’▶Arthur, le roman vit et nous touche par la force ◀de▶ ce tourment ou ◀de▶ ce sauvage égoïsme ; mais qu’elle s’acharne sur le détail dégoûtant et mesquin ◀de▶ certain milieu bourgeois, et l’on voit bien que l’auteur n’est pas encore détaché ◀de▶ la matière pour en tirer une œuvre ◀d’▶art. La sincérité audacieuse mais sans bravade qui donne à ce livre sa valeur ◀de▶ document humain, nuit à sa valeur littéraire. Je n’aime guère ce style abstrait, semé ◀de▶ redites et ◀d’▶expressions toutes faites qui trahissent une écriture hâtive. Mais il y a dans l’œuvre ◀de▶ René Crevel un sens ◀de▶ la douleur et un sérieux humain qui forcent la sympathie.