Adieu au lecteur (juillet 1927)x
Nous▶ passons la main au central de Genève, fidèles à la tradition — en ceci au moins.
◀Nous▶ ◀nous▶ retirons : et ce n’est pas que ◀nous▶ ayons brûlé toutes ◀nos▶ cartouches. Ni que l’indignation provoquée sur tous les bancs par certains de ◀nos▶ articles ◀nous▶ épouvante. ◀Notre▶ retraite est toute « statutaire » — si l’on ose dire. Elle ◀nous▶ permet donc de considérer la situation sans fièvre, sans lamentations d’adieu.
On ◀nous▶ a parfois traités de fous (avec ou sans sourire). ◀Nous▶ sommes à l’âge de ◀nous▶ en réjouir.
On s’est beaucoup étonné de ◀nous▶ voir « si différents » de ◀nos▶ aînés. ◀Nous▶ avons l’énorme candeur de trouver ça naturel.
On ◀nous▶ a fait des reproches contradictoires. ◀Nous▶ les additionnons : ils s’annulent.
Il reste à dire deux mots sur la paradoxale situation intellectuelle d’une revue d’étudiants comme la ◀nôtre▶.
D’un côté, en effet, on s’accorde pour trouver légèrement ridicule un jeune homme qui recherche activement la Sagesse (« Ça n’est pas de votre âge ! ») ; de l’autre, on se scandalise des « énormités » qui peuvent échapper à un jeune homme moins grave et qui manifeste franchement sa jeunesse. (« Vous vous souciez vraiment trop peu des conséquences de ce que vous écrivez ! »)
En définitive, il semble que certains n’attendent de ◀nous▶ que d’innocentes farces — ou bien de ces affirmations dont en vérité l’on n’a pas à se préoccuper de prévoir les conséquences, puisqu’il n’en est aucune qui ne soit connue d’avance et stérilisée par la loi, les mœurs et l’habitude.
◀Nous▶ n’avons aucun remords d’avoir déçu cette catégorie de lecteurs. Aucun remord non plus d’avoir troublé quelques bonnes petites somnolences par des cris intempestifs.
Il y a des gens qui n’ont pas encore admis que
jeunesse = révolution
Tous les malentendus viennent de là. ◀Nous▶ sommes assez sages et assez fous pour ne pas en gémir et pour en accepter les conséquences.
Et puis, de temps à autre, voici que ◀nous▶ parvient un signe d’amitié qui ne trompe pas. Deux ou trois mots, on s’est compris. Que pouvions-◀nous▶ espérer d’autre ? Il y eut quelques découvertes qui ◀nous▶ consolèrent de tout le reste.
Et maintenant voici Genève et son mystère.
Car chaque année, renaissant des décombres où s’anéantirent l’honneur et la fortune de ses derniers rédacteurs, ◀notre▶ Revue-phénix s’élance avec une ardeur rajeunie d’un an dans une direction absolument imprévisible.
Que ◀nous▶ apportera le Central de Genève ?
Tout est possible : la guerre et la paix, la tradition, l’anarchie, l’ironie, le sentiment, un réveil des vieux, Maurras, Lounatcharsky, la SDN, et même Edmond Gillard, et même, et surtout, un miracle.
Et puis, ils ont des vieux un peu là, du grand Arthur-Alfred-Albert au non moins grand Tanner. (On a fait ses preuves, quoi !) Et puis, qui sait, peut-être sauront-ils rallier le dernier disciple du Bienheureux Jean… Et puis, en voilà assez pour ranimer la curiosité des plus blasés.
Lecteur, fais confiance au Central de Genève. Souviens-toi de la grandeur de ses traditions et ne va pas ajouter à cette lourde charge le poids de ◀nos▶ péchés. Ils sont bien nôtres. Et ◀nous▶ y tenons, ah ! comme ◀nous y tenons !