Aragon, Traité du style (août 1928)as
Ce n’est pas le▶ seul talent de M. Aragon qui ◀le▶ rendrait digne à mes yeux, de considération. J’admire autant ◀le▶ talent de celui qui mène 60 parties d’échecs simultanément, et c’est naturel : je m’en avoue plus éloigné et m’en sais plus dépourvu si possible. Je ne demande aux écrivains que des révélations, ou mieux, qu’ils ◀les▶ favorisent par leurs écrits. Aragon, qui a ◀le▶ sens de ◀l’▶amour, a dit conséquemment beaucoup de choses vraies (belles). Il est même un des très rares parmi ◀les▶ jeunes qui ait vraiment donné quelque chose. C’est pourquoi j’ai lu ce livre, malgré son premier chapitre, variation sur un mot bien français et ses applications faciles à cent célébrités locales. (Quant à Goethe, traité de clown, cela ne va pas loin.) C’est une belle rage (ô combien partagée !) vainement passée (quitte à renaître heureusement) sur des gens qui ne m’intéressent pas ou bien qui ne sont pas atteints par ces épithètes drôles ou quelconques. Mais la seconde partie du livre est admirable ; il suffit.
◀Le▶ titre ne ment pas ; ce livre traite du style, à coups d’exemples qui méritent de ◀l’▶être. Et ◀l’▶on voit bien ici qu’Aragon dépasse ces surréalistes, ces orthodoxes de ◀l’▶absurde confondu avec ◀le▶ poétique, ou ces disciples de Rimbaud, ou enfin ces littérateurs antilittéraires, ces « Messieurs ◀les▶ Nymphes ». Mais donner ◀l’▶air bête à ceux qui ◀le▶ sont en créant une belle œuvre serait, par exemple, plus efficace. Aragon se retourne sans cesse pour crier : Lâches, vous refusez d’avancer ! Mais il reste à portée de voix du troupeau. C’est sans doute son rôle. Il ◀le▶ tient magnifiquement. Mais qu’on nous laisse chercher plus loin, dans ce silence où ◀l’▶on accède à des objets qui enfin valent ◀le respect.