Guy de Pourtalès, Louis II de Bavière ou Hamlet-Roi (décembre 1928)av
L’▶histoire ◀de▶ Louis II exalte et déçoit ◀l’▶imagination. On comprend que ce doux-amer ait séduit Barrès, mais ne ◀l’▶ait point trompé : « Avec son beau regard ◀de▶ rêve, — lit-on dans ◀l’▶Ennemi des Lois — son expression amoureuse du silence et cet ensemble idéal ◀d’▶étudiant assidu aux sociétés ◀de▶ musique… » Barrès cherchait dans ses châteaux en Espagne lamentablement réalisés ◀les▶ témoignages ◀de▶ ◀l’▶éthique ◀de▶ cet « illustre réfractaire ». N’◀est▶-ce point trop demander à une existence bien indécise, que son échec même ne relève pas, et qui tire sa grandeur ◀de▶ celle du décor ? Guy de Pourtalès n’hésite pas à baptiser son héros « prince ◀de▶ ◀l’▶illusion et ◀de▶ ◀la▶ solitude ». Mais un prince rêveur n’◀est▶ pas forcément prince du rêve ; et par ailleurs ce livre sait bien ◀le▶ laisser voir. ◀La▶ qualité ◀de▶ ◀l’▶illusion dont se nourrit Louis II n’◀est▶ ni aussi pure ni aussi rare qu’on voudrait ◀l’▶imaginer. Il reste qu’il a voulu ◀la▶ vivre et qu’il ◀l’▶a pu, ◀étant▶ roi. Il offre ainsi ◀l’▶image ◀d’▶un romantisme assez morose ; mais à grande échelle. M. de Pourtalès a su rehausser ◀le▶ tableau avec beaucoup ◀d’▶adresse et ◀de▶ charme : Wagner et Nietzsche lui fournissent deux tons fermes dont ◀le▶ jeu donne aux nuances assez troubles du personnage central une résonance plus profonde.
Louis II, ce chimérique, disposait par hasard ◀de▶ moyens ◀d’▶action puissants : s’il ◀les▶ a gâchés, c’est qu’il a eu peur, et s’il a eu peur c’est qu’il n’a pas su aimer. ◀Le▶ sujet ◀de▶ Liszt et ◀de▶ Chopin, c’était ◀l’▶amour, donc ◀la▶ douleur ; ici, c’est ◀l’▶absence ◀d’▶amour, par refus ◀de▶ souffrir. Mais chez un ◀être▶ raffiné, ◀la▶ peur ◀d’▶étreindre aboutit à ◀l’▶amour ◀de▶ soi dans « ◀l’▶illusion ». Sachons gré à M. de Pourtalès ◀de▶ ce qu’il préfère parler ◀d’▶illusion là où nos psychiatres proposeraient ◀de▶ moins jolis mots ; mais ce n’◀est▶ pas ◀la▶ moindre habileté du biographe. D’ailleurs, réussir un livre attrayant sur une vie manquée n’◀était▶ pas un problème aisé : Guy de Pourtalès ◀l’▶a résolu ◀d’▶une façon fort adroite mais non moins franche.