Daniel-Rops, Le Prince menteur (décembre 1928)aw
Au hasard d’▶une rencontre, l’auteur ◀de▶ ce récit se lie avec un inconnu qui se dit prince russe et entretient autour de sa vie le plus grand mystère. Cependant il aime à raconter certaines scènes terrifiantes ◀de▶ la révolution : il a été condamné à mort, il s’est évadé, on le traque à Paris même… Il subjugue le jeune Français par ces évocations et l’espèce ◀de▶ fièvre qu’il y apporte. Mais plusieurs incidents éveillent les soupçons du « petit-bourgeois » qu’il a choisi comme public, et brusquement le mot éclate : menteur. Feintes et esquives adroites du « prince » qui disparaît, néanmoins. Enfin, le Français reçoit une lettre trouvée sur le corps ◀de▶ son ami suicidé, pathétique confession qui doit expliquer sa mort et qui est aussi fausse que le reste.
Ce mensonge qui va jusqu’à la mort, inclusivement, n’étonnera pas ceux qui ont connu ◀de▶ semblables mythomanes. Le cas méritait ◀d’▶être exposé. Je regrette seulement que Daniel-Rops se soit borné à une courte nouvelle, d’ailleurs assez dense, et dont le mérite est ◀d’▶être simple et précise dans l’exposé, sans rien simplifier ni préciser à l’excès dans le caractère. Daniel-Rops voit bien que l’épithète ◀de▶ mythomane n’épuise pas une question dont l’importance dépasse celle du cas pathologique. Il y a dans ce culte ◀de▶ la mythomanie qu’on a vu sévir parmi certains milieux ◀d’▶avant-garde une confusion assez tragique, parce qu’elle constitue une tentation pour tous les poètes. Le désir ◀de▶ « plus vrai que le vrai » surexcité par l’insolence ◀d’▶une psychologie qui rabaisse tout, peut conduire à préférer un mensonge qui n’est, hélas, qu’une déformation ◀de▶ cette réalité détestée. Le mythomane brouille les cartes mais reste dans le jeu. Jusque dans la ruse que ses mensonges exigent, il se reconnaît tributaire ◀de▶ la « vérité trop évidente » ; alors qu’il la faudrait, sans rien fausser, transcender…