Souvenirs d’▶enfance et ◀de▶ jeunesse, par Philippe Godet (avril 1929)aa
Quand avec un air fin mais un ton convaincu l’on a répété dans une ballade fameuse « Que voulez-vous, je suis bourgeois ! », l’on peut se permettre quelques malices, quelques jeux ◀d’▶esprit ou ◀de▶ méchanceté, assuré que l’on est désormais ◀d’▶être absous avec le sourire par la clientèle des librairies romandes, en mal ◀de▶ cadeaux ◀de▶ Noël ou ◀de▶ première communion. Parmi les compatriotes ◀d’▶Amiel, Godet restera l’un des rares qui ont réussi à se connaître et que cela n’a point stérilisé : sa nature, il est vrai, s’y prêtait, peu complexe et comme réduite à deux dimensions ; la conscience ne pouvait y tuer un lyrisme quasi inexistant, mais bien y exciter un esprit critique fort alerte. Jugez-en à la façon dont il parle ◀de▶ « ses quelques succès, si disproportionnés avec son mérite ». Il ajoute : « j’ai eu la chance ◀de▶ discerner très jeune, avec une clairvoyance singulière, mes propres limites, et j’ai eu la sagesse ◀de▶ ne rien tenter au-delà ». C’est le comble ◀de▶ l’économie bourgeoise que cette administration exacte ◀d’▶un petit capital. Le contraire ◀de▶ la poésie, bien sûr. Mais on n’en demande pas tant dans les familles. Et qu’importe si la perspective manque souvent à ces récits : ce n’est point un paysage ◀d’▶âme qu’on y cherche, mais l’anecdote bien tournée, des noms connus. Tout est sur le même plan ; le dessin d’ailleurs est élégant.
Mais comme tout cela manque ◀de▶ chair. Et ◀de▶ rêve. Est-ce qu’en ce temps-là on ne se nourrissait vraiment que ◀de▶ petits mots ◀d’▶esprit et ◀de▶ malices ? Noisettes et cornichons ?