Jean Cassou, La Clef des songes (août 1929)az
Après cet austère Pays qui n’est à personne paru l’année dernière — un livre assez troublant et qu’on a trop peu remarqué —, Jean Cassou revient à son romantisme, à notre cher romantisme. La Clef des songes est de nouveau une dérive fantaisiste dans ce monde un peu plus léger, un peu plus profond que le vrai, où l’Éloge de▶ la folie nous entraînait naguère.
Jean Cassou vagabonde à travers ses histoires comme son Pierangelo dans la vie. Le hasard, complice des poètes, lui fait rencontrer des êtres bizarres avec lesquels il n’hésite pas à faire un bout ◀de▶ chemin, Hans le gardeur ◀d’▶oies, le gueux Joseph qui parle à son chien en mourant, une fille qui chante et des enfants surtout, dès le début, puis plus tard encore, dans les songes des grandes personnes, — puis tous se perdent, comme des souvenirs, et l’on retrouve un peu plus loin d’autres souvenirs attristés par le temps, des visages qui ne sont plus tout à fait les mêmes, des bonheurs qui signifient plus ◀de▶ désespoir qu’ils ne s’en doutent… C’est un dévergondage sentimental, plein ◀de▶ malices et ◀d’▶envies ◀de▶ pleurer. Quel dommage qu’il s’égare parfois dans les maisons des grands bourgeois, où tout, soudain, devient plus terne. Mais bien vite un intermède bouffon, impossible et ◀d’▶une désopilante poésie nous replonge dans une atmosphère autre, où les personnages ont cet air un peu ivre et capable ◀de▶ n’importe quoi, cet air dangereux et tendre que prennent les ◀hommes▶ en liberté. Mais ils ne sont jamais méchants, et seulement aux dernières pages du livre, un peu amers…
On voudrait un livre ◀de▶ Cassou qui ne serait fait que ◀de▶ ces intermèdes ; pur ◀de▶ tout souci ◀de▶ vraisemblance extérieure ; qui ne serait qu’invention, qui inventerait sa vérité. Ce serait un ◀de▶ ces miracles ◀de▶ liberté dont nous avons besoin pour croire que le monde actuel n’est pas un cas désespéré. Mais voici déjà dans l’œuvre ◀de▶ Jean Cassou, et singulièrement dans ce livre, beaucoup de ces petites merveilles qui valent ◀de▶ gros romans « bien faits ». Car il y a toujours assez ◀de▶ vérité dans une histoire où il y a ◀de▶ la poésie.