Pourquoi ils sont socialistes (juillet 1933)c
« Toujours à gauche, mais pas plus loin ! »
Il y a des gens qui sont nés avant 1850, on ne peut pas leur en vouloir. Il y a des gens qui ont le▶ cœur à gauche et qui croient y voir une indication politique : c’est une espèce ◀de▶ fétichisme sentimental. (Voir Lévy-Brühl : ◀La▶ Mentalité primitive.) Il y a quelques vieux proudhoniens : c’est un malentendu. (Qu’ils prennent rendez-vous au plus vite avec nous, 23 ter, boulevard Brune.)
Il y a quantité ◀de▶ gens que ◀l’▶aspect financier du capitalisme effraye ou indigne, mais qui ne veulent pas pour autant renoncer à ◀la▶ « culture » bourgeoise ni au pavillon ◀de▶ banlieue. « Avec ce que je dois au proprio, je pourrais payer des études à mon fils ! » Or ◀le▶ fils rêve ◀d’▶être notaire.
Ils souffrent ◀de▶ ◀l’▶injustice, mais sans force pour concevoir ◀l’▶ordre. Ni ◀l’▶infamie, ni ◀l’▶utopie ! disent-ils. Entendons — et c’est ◀la▶ véritable définition du centrisme — qu’ils se tiennent à égale distance ◀de▶ ◀la▶ participation et ◀de▶ ◀l’▶action, ◀de▶ ◀l’▶assiette au beurre et ◀de▶ ◀la▶ révolution. Seule position « pratique », affirment-ils, non sans une sincérité qui fait peine. Car des deux attitudes proprement socialistes : vouloir réformer ◀le▶ capitalisme en louchant vers ◀les▶ thèses marxistes ; vouloir préparer une révolution en louchant vers « ◀l’▶aisance » bourgeoise, — on chercherait en vain quelle est ◀la▶ plus inactuelle : ◀la▶ décision « pratique » appartient aux fascismes.
Il est grand temps — s’il en est temps encore — qu’on se ◀le▶ dise parmi ◀les▶ camarades : quand on s’avance dans ◀la▶ vie politique sans autre intention claire que ◀de▶ prendre toujours à gauche, on arrive fatalement devant ◀la▶ Banque ◀d’▶État. Juste à temps pour voir se fermer ◀les▶ guichets, aux sons du Horst-Wessel-Lied.