Saint-Évremond ou L’▶humaniste impur, par Albert-Marie Schmidt (octobre 1933)m
Il est plaisant ◀de▶ voir un jeune auteur obtenir ◀de▶ nos jours un effet ◀de▶ surprise par ◀l’▶emploi ◀d’▶un style poli, nombreux, toujours plein ◀d’▶onction, parfois même ◀de▶ pompe. Tel est le premier succès ◀de▶ cet ouvrage. Il en révèle peut-être aussi certain défaut : Albert-Marie Schmidt domine trop constamment et trop aisément son sujet. Non point qu’il ◀le▶ maintienne arbitrairement dans ◀les▶ cadres ◀d’▶une dogmatique morale : c’est plutôt qu’il suit Saint-Évremond ◀de▶ trop près dans ◀les▶ méandres ◀de▶ son éthique. Certes, il en fait valoir ainsi toutes ◀les▶ nuances, avec un art égal à son modèle. On voudrait pourtant qu’il lui donne parfois libre carrière, qu’il ne ◀le▶ garde point sans cesse à portée ◀d’▶un coup ◀de▶ patte qu’il s’abandonne lui-même à sa fantaisie, ◀la▶ plus joyeusement érudite que je connaisse. Tel qu’il est, ce petit volume nous offre un jeu serré et subtil, et dont ◀le▶ spectacle n’est pas vain.
M. Schmidt ne s’en laisse point imposer par ◀la▶ « réussite classique ». Il place Saint-Évremond, théoricien spirituel et serein ◀de▶ ◀la▶ sagesse du grand siècle, sous ◀le▶ coup ◀de▶ ◀la▶ question capitale qu’on voudrait poser sous cette forme : ◀la▶ vérité est-elle en déca ou au-delà du désespoir, dans ◀les▶ mesures humaines ou dans ◀la▶ folie divine ? Il semble bien que Saint-Évremond ait jusqu’au bout refusé ◀de▶ choisir. Il croit pouvoir entretenir avec Dieu des rapports ◀de▶ politesse. Cela pourrait bien être ◀la▶ formule du désordre intérieur maximum. Rien ne ◀le▶ dissimule mieux que ◀le▶ demi-sourire ◀d’▶une raison éclairée et mondaine.
◀La▶ nouveauté ◀de▶ ◀l’▶essai ◀d’▶Albert-Marie Schmidt est ◀d’▶avoir su déceler ◀la▶ corruption secrète ◀de▶ cet art trop parfait, « qui supprime ◀les▶ plus angoissants problèmes, à force de ◀les▶ éclaircir », et ◀l’▶impureté ◀d’▶un humanisme que ◀l’▶on croyait tempéré et limpide, mais que ◀l’▶on voit « s’échauffer, se brouiller » aux premières instances ◀d’▶un choix radical et véritablement ordonnateur. ◀Le▶ chapitre ◀le▶ plus remarquable ◀de▶ cette brève et dense biographie intellectuelle, ◀le▶ plus juste aussi pour Saint-Évremond, expose ses idées sur ◀la▶ société. On y verra comment il se peut faire que ◀les▶ tyrannies sociales, mondaines ou politiques, trahissent par leur raffinement, par leur perfection même, une anarchie spirituelle dont elles constituent probablement ◀l’▶unique remède. C’est comme ◀la▶ genèse individuelle et religieuse ◀de▶ ce fait trop actuel, qu’Albert-Marie Schmidt nous restitue au cours de son essai ◀de▶ critique exemplaire.