« Pour qui écrivez-vous ? » [Réponse à une enquête] (janvier-février 1934)j k
J’écris à ceux qui ont des oreilles pour entendre, amis que ma parole n’atteindrait pas, mais ce message. J’écris pour ceux qui attendent courageusement une réponse. Ce n’est pas que je puisse donner cette réponse, loin de là. Je voudrais seulement les▶ aider à prendre au sérieux leur question. J’écris pour ceux qui sont en marche, pauvres hommes, pauvres impuissants, restant ◀de▶ ◀la▶ Colère ◀de▶ Dieu, aussi ◀de▶ sa miséricorde. Il n’y a pas ◀de▶ communion humaine hors ◀l’▶unanime attente trébuchante, hors ◀la▶ Promesse accordée à notre acte, humble et violent.
Voilà ce que je veux. Mais je ne sais pas ce que je puis. Je ne sais pas pour combien ◀d’▶hommes, ni pour quels hommes j’aurai pu être « ◀le▶ prochain » (Luc 10. 36/37), — ◀le▶ prochain ◀de▶ ces misérables qui vivent au milieu des brigands, victimes et complices.
On reconnaît ici ◀le▶ cri : À bas ◀les▶ Voleurs !, mot d’ordre des troupes fascistes ces dernières semaines dans ◀les▶ rues ◀de▶ Paris. À part cela, M. de Rougemont, malgré ses appels à Luc, n’a pas répondu à notre question, il fait métier ◀d’▶être incapable ◀de▶ répondre aux questions. Aussi quittant ◀le▶ ton des prophètes ajoute-t-il à ◀l’▶usage des importuns qui posent des questions un petit post-scriptum ◀d’▶une atroce perfidie :
P.-S. On voudrait bien savoir pour quelle espèce ◀d’▶hommes on écrit, en fait, mais il faudrait des statistiques difficiles à établir. Par exemple : combien ◀de▶ petits-bourgeois, combien ◀de▶ bourgeois, combien ◀de▶ paysans, combien ◀d’▶intellectuels parmi ◀les▶ lecteurs ◀de▶ Commune ?