Albert Soulillou, Nitro (février 1935)n
Ce livre aussi est vrai. À peine moins autobiographique, semble-t-il, que celui du jeune homme de tout à l’▶heure. Mais ici c’est un ouvrier qui parle. D’avoir travaillé chez Ford ne donne pas forcément plus de valeur que d’avoir traîné son vague à ◀l’▶âme par ◀les▶ rues d’une ville de province ; mais cela donne au moins une matière. ◀Les▶ pages de Soulillou qui décrivent ◀les▶ conditions de travail dans ◀l’▶industrie de ◀la▶ nitrocellulose sont précises, acharnées, saisissantes. Vous fermez ◀le▶ livre : vous avez vécu quelque chose, tout au moins par ◀la▶ sympathie, dans une communion de révolte. Par malheur, ◀l’▶auteur a voulu romancer ce documentaire authentique, et il en a saboté ◀le▶ rythme. Dès qu’il part dans ◀l’▶idéologie, ◀la▶ critique d’art ou ◀l’▶érotisme (effréné comme du mauvais Zola), ◀l’▶intérêt humain faiblit, ◀la▶ critique littéraire reprend ses droits et proteste une fois de plus contre ◀les▶ poncifs populistes. Ce qui manque peut-être à M. Soulillou, c’est ◀la▶ patience de laisser mûrir ses livres ; d’attendre qu’un sujet impose sa forme propre, ses proportions et ses « valeurs », dirait un peintre.
Il est remarquable que presque tous ◀les▶ écrivains de ces années éprouvent simultanément ◀le▶ besoin de s’exprimer par des romans du format standard : 224 ou 600 pages exactement. Il me semble que ce conformisme, dont on sait ◀les▶ raisons commerciales, couvre pas mal d’infidélités profondes. Certains sujets mériteraient à peine 50 pages, d’autres demandent trois volumes… Mais Adolphe ou ◀l’Idiot seraient aujourd’hui des « compte d’auteur ».