Erskine Caldwell, Le▶ Petit Arpent du Bon Dieu (novembre 1936)z
◀Les▶ descendants des puritains sont en train de prendre une revanche qui fait pâlir toutes nos petites pornographies romancées. Lawrence, Faulkner, aujourd’hui Caldwell. On parlait autrefois ◀de▶ gauloiserie. Il faudra dire désormais : américanisme. Mais on risque bien ◀de▶ commettre, à l’endroit de ce nouvel érotisme, ◀la▶ même erreur que ◀la▶ critique française à l’endroit de ◀la▶ gauloiserie : on s’imagine que c’est du réalisme, que c’est enfin ◀la▶ « vraie » nature délivrée ◀de▶ ◀la▶ contrainte « artificielle » des convenances ou du sentiment…
Huizinga, dans son admirable Déclin du Moyen Âge 62, a là-dessus un passage qui pourrait être écrit tout exprès pour ◀l’▶œuvre ◀de▶ Caldwell :
On aime à opposer ◀l’▶esprit gaulois aux conventions ◀de▶ ◀l’▶amour courtois, et à y voir ◀la▶ conception naturaliste ◀de▶ ◀l’▶amour, en opposition avec ◀la▶ conception romantique. Or ◀la▶ gauloiserie, aussi bien que ◀la▶ courtoisie, est une fiction romantique. ◀La▶ pensée érotique, pour acquérir une valeur ◀de▶ culture, doit être stylisée. Elle doit représenter ◀la▶ réalité complexe et pénible sous une forme simplifiée et illusoire. Tout ce qui constitue ◀la▶ gauloiserie : ◀la▶ licence fantaisiste, ◀le▶ dédain ◀de▶ toutes ◀les▶ complications naturelles et sociales ◀de▶ ◀l’▶amour, ◀l’▶indulgence pour ◀les▶ mensonges et ◀les▶ égoïsmes ◀de▶ ◀la▶ vie sexuelle, ◀la▶ vision ◀d’▶une jouissance infinie, tout cela ne fait que donner satisfaction au besoin humain ◀de▶ substituer à ◀la▶ réalité ◀le▶ rêve ◀d’▶une vie plus « heureuse ». C’est encore une aspiration à ◀la▶ vie sublime, tout comme l’autre, mais cette fois du côté animal. C’est un idéal quand même : celui ◀de▶ ◀la▶ luxure.
Et c’est encore une évasion, encore un exotisme à ◀l’▶usage ◀d’▶une génération sans foi.