VIII
Décadence des lieux communs
Je ne trouve pas ce jeu juste du tout, dit Alice. Ils se disputent tous tellement qu’ils vous assourdissent. Ils ne suivent pas la▶ règle du jeu et je ne sais même pas s’ils savent qu’il y en a une.
Alice au pays des merveilles
On peut penser que notre langue est plus malade que n’était ◀le▶ latin à ◀l’▶époque ◀de▶ ◀la▶ Renaissance. ◀Le▶ latin ◀de▶ Bembo et ◀de▶ Sadolet était encore une rhétorique des lieux communs. Forme vide, forme idolâtrée, c’est-à-dire pure rhétorique — ◀d’▶où son déclin — mais forme encore et convention admise par tous ◀les▶ clercs européens. On ne saurait en dire autant du langage ◀de▶ nos bons écrivains. Car non seulement il est mal entendu par ◀la▶ grande masse des lecteurs ordinaires, disons des lecteurs ◀de▶ journaux, mais encore il s’est divisé en une foule ◀de▶ dialectes ésotériques. Non seulement ◀l’▶écrivain moderne use ◀d’▶une langue dont ◀le▶ lecteur moyen trouve parfaitement normal ◀de▶ déclarer que « c’est du latin » pour ses oreilles, mais encore il existe autant ◀de▶ ces latins-là que ◀de▶ chapelles littéraires, que ◀d’▶écoles philosophiques, que ◀de▶ théories politiques. Ainsi ◀les▶ mots n’ont plus ◀le▶ même sens pour ◀les▶ intellectuels et pour ◀la▶ masse — cela s’est vu en d’autres siècles. Ils n’ont plus ◀le▶ même sens pour ◀les▶ divers partis intellectuels — c’est plus nouveau. Mais surtout, ils n’ont plus un sens auquel on puisse se référer et qui fixe vraiment ◀l’▶usage : un sens commun.
La plupart des débats qui nous occupent, qu’il s’agisse ◀de▶ politique, ◀de▶ religion ou ◀de▶ littérature, nous offrent ◀l’▶image ◀d’▶un jeu dont ◀les▶ différents partenaires changent ◀la▶ règle à leur fantaisie, chacun croyant gagner à sa façon, et que ◀les▶ autres trichent ou font défaut. N’est-ce pas ◀la▶ partie ◀de▶ croquet dans Alice au pays des merveilles ? ◀Les▶ boules étaient des hérissons vivants, et ◀les▶ soldats s’arc-boutaient sur ◀le▶ sol pour former des arceaux vivants. Quand Alice avait réussi à mettre en boule son hérisson, et se préparait à ◀le▶ frapper avec ◀la▶ tête du héron, celui-ci tordait son long cou et ◀la▶ regardait ◀d’▶un air ◀d’▶ahurissement profond. Quand elle ◀l’▶avait remis en position, c’était ◀le▶ hérisson qui se déroulait et courait dans ◀la▶ haie voisine. Si par hasard ◀la▶ boule et ◀le▶ maillet restaient en place, c’était alors ◀l’▶arceau-soldat qui se levait et s’en allait un peu plus loin. Tandis que ◀la▶ Reine, au comble ◀de▶ ◀la▶ fureur, parcourait ◀le▶ terrain en hurlant au hasard son cri ◀de▶ guerre : « Qu’on lui coupe ◀la▶ tête ! » — Ainsi nos mots se déforment entre nos mains, nos problèmes se déplacent au hasard, chacun joue sa partie comme il ◀le▶ peut, sans souci ◀de▶ ◀la▶ règle commune, et ◀la▶ terreur domine cette anarchie, distribuant des condamnations ◀d’▶autant plus excessives d’ailleurs que personne ne se soucie ◀de▶ ◀les▶ mettre à exécution34. « Vous n’avez pas idée, conclut Alice, combien c’est affolant ◀de▶ jouer avec des choses vivantes. »
Prenons cinq mots parmi ◀les▶ plus fréquents dans ◀le▶ langage et ◀les▶ écrits ◀de▶ notre temps : esprit, révolution, liberté, ordre, patrie. Voilà ◀les▶ instruments du jeu philosophique, ou politique, que nous sommes en train de jouer, écrivains ou lecteurs, citoyens ou hommes d’État.
◀Les▶ uns tiennent ◀le▶ parti ◀de▶ ◀l’▶esprit et ◀les▶ autres celui ◀de▶ ◀l’▶ordre, ◀les▶ uns ◀le▶ parti ◀de▶ ◀la▶ révolution, ◀les▶ autres celui ◀de▶ ◀la▶ patrie… ◀Les▶ uns voudraient ◀la▶ liberté dans ◀l’▶ordre, ou ◀la▶ révolution par ◀l’▶esprit, ou un esprit patriotique, ou une patrie spirituelle… Tandis que d’autres opposent ◀l’▶esprit à ◀la▶ révolution, ◀l’▶ordre à ◀la▶ liberté, ou encore ◀les▶ patries ◀de▶ ◀l’▶ordre à ◀la▶ patrie ◀de▶ ◀la▶ révolution… Toutes ces combinaisons et ces permutations seraient néanmoins assez simples à débrouiller dans ◀la▶ pratique, et pourraient définir utilement ◀les▶ partis, si seulement chacun ◀de▶ ces mots avait ◀le▶ même sens pour tout ◀le▶ monde. Ou, parmi plusieurs sens variés, un sens prépondérant sur lequel puisse se faire ◀l’▶accord.
Or, sans parler des 29 sens que Littré donne pour ◀le▶ seul mot : esprit, si j’interroge au hasard ceux qui veulent défendre « ◀l’▶esprit » contre ◀les▶ menaces dites matérialistes, je constate qu’on entend par ce mot tantôt ◀l’▶intelligence, tantôt ◀le▶ Saint-Esprit, tantôt ◀le▶ luxe des délicats, tantôt ◀les▶ facultés créatrices ◀de▶ ◀l’▶homme, ou encore une sagesse asiatique, ou une mentalité ◀de▶ classe, ou simplement toute ◀la▶ culture et ses produits. Une simple équivoque sémantique dresse parfois l’un contre l’autre deux hommes qui auraient dû « s’entendre » et s’allier : c’est que pour l’un, esprit signifie évasion, spiritualisme et duperie bourgeoise ; pour l’autre, présence effective ◀de▶ ◀la▶ pensée et ◀de▶ ◀la▶ foi à nos misères, activité concrète et créatrice, et garantie contre ◀les▶ préjugés intéressés.
« Voyez, gémit Alice, ◀l’▶arceau sous lequel je dois passer se promène à l’autre bout du jeu et j’aurais dû croquer ◀le▶ hérisson ◀de▶ ◀la▶ Reine s’il ne s’était mis à courir juste au moment où j’allais jouer. »
Tout le monde ou presque veut faire une révolution. Mais là, aux neuf sens très précis que nous donne ◀le▶ dictionnaire, il nous faut ajouter une dizaine ◀de▶ sens parfois contradictoires, créés par ◀la▶ crise actuelle et très mal distingués ◀les▶ uns des autres par la plupart de ceux qui ◀les▶ prononcent. Ainsi révolution signifiera selon ◀les▶ cas : émeute, prise ◀de▶ pouvoir légal, désordre et anarchie, établissement ◀d’▶une dictature militaire, plan quinquennal, conversion personnelle, application ◀d’▶une série ◀de▶ mesures économiques., transmutation ◀de▶ toutes ◀les▶ valeurs morales, etc. Et tous ces sens se chevauchent pour former dans ◀l’▶esprit des polémistes ◀les▶ plus étranges surimpressions35.
◀La▶ liberté sera invoquée par ◀la▶ concurrence et ◀l’▶oppression capitalistes, par ◀les▶ intellectuels anarchistes ou libéraux, par ◀la▶ presse ◀d’▶opposition, par Staline qui fait taire cette presse au nom de ◀la▶ Révolution, par Hitler dénonçant ◀le▶ Diktat ◀de▶ Versailles, par ◀l’▶Italie partant à ◀la▶ conquête ◀de▶ ◀l’▶Éthiopie, etc.
◀L’▶ordre sera tantôt ◀le▶ statu quo, si absurde soit-il, tantôt ◀la▶ dictature brutale et arbitraire, plus rarement ◀la▶ revendication ◀d’▶un équilibre vrai, ◀d’▶une hiérarchie naturelle et féconde.
Et quant au mot patrie, on ◀le▶ voit confondu, dans ◀les▶ discours et ◀les▶ articles ◀de▶ journaux, avec état, nation, mystique raciale, peuple et coutumes, ou terre natale, clocher, etc.
◀D’▶où ◀l’▶embrouillamini ◀de▶ ◀la▶ politique et des partis, et ◀la▶ confusion meurtrière ◀de▶ termes dangereusement chargés ◀de▶ passion et ◀de▶ préjugés, tels que patriotisme, nationalisme, impérialisme…
Tout concourt à créer et aggraver cette crise du sens des mots et ◀de▶ ◀la▶ sémantique vivante. D’une part, ◀la▶ somme des échanges écrits ou verbaux a crû depuis ◀la▶ Renaissance dans des proportions formidables. D’autre part, ◀le▶ public capable ◀de▶ goûter une œuvre rigoureuse ou novatrice, et qui pourrait servir ◀de▶ norme ou ◀de▶ repère, a tout au plus triplé, et c’est sans doute encore trop dire. Racine avait un millier ◀d’▶auditeurs ; Valéry, Claudel, Gide, Péguy n’ont guère eu davantage ◀de▶ lecteurs durant ◀la▶ période ◀de▶ leur vie où paraissaient leurs œuvres capitales. Et je doute qu’un Meyerson soit sérieusement compris et discuté par beaucoup plus ◀de▶ personnes que Descartes n’en convainquit ◀de▶ son vivant. Cependant ◀les▶ journaux du soir tirent à 500 000 exemplaires et ◀la▶ radio atteint des millions ◀d’▶auditeurs. Dans cette disproportion impressionnante entre ◀l’▶aire ◀de▶ ◀la▶ vraie culture créatrice et régulatrice et ◀l’▶aire des sous-produits standardisés ◀de▶ ◀la▶ culture ◀de▶ consommation, on aperçoit ◀la▶ raison immédiate ◀de▶ ◀la▶ crise actuelle du langage. ◀La▶ presse, ◀la▶ radio, ◀l’▶éloquence politique et ◀les▶ ouvrages populaires à grand tirage, voilà tout un domaine que ◀l’▶écrivain digne du nom ne contrôle pas, ne forme pas, n’atteint même pas. On a dit que cette « seconde zone culturelle » préparait peu à peu un public pour ◀les▶ auteurs du niveau supérieur. Cette accession démocratique des grandes masses à ◀la▶ vie ◀de▶ ◀l’▶esprit me paraît tout à fait improbable dans l’état actuel du régime. Elle est à tout ◀le▶ moins invérifiable. Par contre, on peut très nettement constater ◀le▶ déficit que représente pour ◀la▶ culture ◀la▶ création ◀de▶ ces grandes zones ◀d’▶échanges incontrôlés. Ces échanges en effet aboutissent rapidement à démonétiser ◀les▶ mots. ◀Le▶ vocabulaire des journaux est vague, impropre, sans saveur et sans pouvoir ◀d’▶évocation active du vrai. Il habitue des millions ◀de▶ lecteurs au rendu approximatif des faits, des choses, ou des idées. Il flatte ainsi ◀la▶ paresse ◀de▶ ◀l’▶esprit, décourage ◀le▶ sens critique, décontenance ◀les▶ expressions ◀les▶ plus concrètes. Ainsi ◀les▶ mots perdent leur force et leur délicatesse ◀d’▶appel. Et ◀les▶ bons écrivains, qui n’ont pas d’autres armes, se voient privés ◀de▶ tous moyens ◀d’▶agir. Leurs coups ne portent plus, ne marquent pas dans ce magma inconsistant. Et leurs conseils paraissent obscurs dans ◀la▶ mesure où ils se veulent scrupuleux. C’est pourquoi la plupart renoncent à enseigner au milieu d’une rumeur générale, où leurs paroles ne sont plus distinguées du bavardage quotidien. Ils se retirent dans leurs appartements. Écrire dès lors n’est pour eux que tromper un besoin ◀d’▶expression qui n’a plus ◀de▶ mission réelle. C’est un jeu formel et précis, dont ils sont seuls à connaître ◀les▶ règles. (Encore ne sont-ils guère d’accord pour enregistrer ◀les▶ réussites ou ◀les▶ tricheries !) Leur style devient de plus en plus « exquis » et par suite inapte à traduire une volonté ◀d’▶action bientôt jugée vulgaire.
Nous décrirons plus loin ◀l’▶aspect spirituel ◀de▶ cette maladie du langage, dont nous venons ◀d’▶énumérer quelques causes accidentelles. ◀La▶ vraie raison ◀de▶ tout ◀le▶ mal — et ◀le▶ fait qui nous intéresse directement dans ce chapitre — c’est que ◀la▶ civilisation occidentale a perdu ◀le▶ sens des fins dernières à quoi elle tend.
Quand ◀le▶ peuple ◀d’▶Israël oublie sa vocation et se détourne ◀de▶ ◀l’▶Éternel son Dieu, il perd aussi ◀le▶ sens des noms et bientôt sa langue délire : « Il prononce des paroles vaines, des serments faux ! » s’écrie ◀le▶ prophète Osée.
Quand ◀les▶ clercs ◀de▶ ◀la▶ Cour ◀de▶ Rome cessent ◀d’▶être ◀les▶ dociles instruments ◀de▶ ◀la▶ vocation catholique, pour devenir ◀de▶ raffinés rhéteurs, ils perdent leur autorité et suscitent contre eux des révoltes qui s’expriment dans des langues nouvelles, au détriment de ◀l’▶unité sacrée.
Ainsi toujours : pour peu que ◀le▶ sens des fins vienne à faiblir et que ◀la▶ mesure commune cesse ◀d’▶être effectivement perçue et observée, ◀l’▶on assiste à ◀la▶ même dégradation des instruments ◀de▶ ◀la▶ culture : — d’une part ◀les▶ écrivains se mettent à raffiner ◀l’▶expression propre ◀de▶ chaque chose séparée, au détriment de ◀l’▶expression générale, d’autre part, ◀la▶ grande masse des usagers ◀de▶ ◀la▶ langue cesse ◀d’▶exercer aucun contrôle sur son parler, qu’elle ne rapporte plus à un modèle unique, et qu’elle ne soumet plus à un but unanime. Si bien que ◀les▶ écrivains ne sont plus compris du peuple, et que ◀la▶ langue vulgaire s’encombre ◀d’▶équivoques, ◀de▶ confusions et ◀de▶ malentendus parfois tragiques : ◀l’▶oubli des fins dernières entraîne nécessairement ◀la▶ ruine ◀de▶ ◀la▶ communauté, par ◀le▶ seul fait qu’il ruine ◀le▶ langage.
Cette absence ◀d’▶un principe communautaire vivant et puissant dans nos vies, c’est ◀le▶ drame ◀de▶ ◀la▶ civilisation, ◀de▶ ◀la▶ culture, ◀de▶ ◀la▶ cité modernes. Tous ◀les▶ hommes ◀de▶ ce temps, s’ils ont quelque conscience, souffrent obscurément ◀de▶ leur séparation. Ils sont ensemble et ils sont seuls. Ils sont pressés ◀les▶ uns contre ◀les▶ autres et étrangers. Ils échangent des paroles en plus grand nombre que jamais, et ne se disent rien qui compte. « Paroles vaines, serments faux ! » Or, quand ◀la▶ parole se détruit, quand elle n’est plus ◀le▶ don qu’un homme fait à un homme, et qui engage quelque chose ◀de▶ son être, c’est ◀l’▶amitié humaine qui se détruit.
Telle est ◀l’▶inquiétude des masses. Elle n’est pas d’abord matérielle, elle est d’abord cette inquiétude du cœur et ◀de▶ ◀l’▶esprit qui naît ◀de▶ ◀la▶ mort des amitiés. Plus angoissante encore, elle règne innommée et panique partout où ◀l’▶amitié humaine n’a jamais rien noué, rien engagé, rien sacrifié, là où elle n’a pas même laissé ◀les▶ traces ◀d’▶une coutume ancestrale : dans ◀les▶ villes.
Mais ce que ◀l’▶homme ne fait pas pour ◀l’▶homme, ◀le▶ diable ◀le▶ fait à sa place, et contre ◀l’▶homme qu’il séduit et qu’il trompe. Cette fin commune, cet idéal commun que nous devions servir ensemble dans ◀la▶ fraternité que crée ◀l’▶œuvre unanime, nous ◀les▶ cherchions en vain, et sans ◀le▶ savoir, dans ◀la▶ cité qu’on nous a faite. C’est une faim, une soif, une nostalgie que tous nos gestes, à notre insu, trahissent. Mais quelqu’un s’en est aperçu. Quelqu’un a formé ◀le▶ projet ◀de▶ tromper cette faim et cette soif. Au païen ignorant du vrai Dieu, ◀les▶ prêtres donnent des idoles faites à ◀l’▶image des terreurs ◀de▶ ◀l’▶homme. Dans ◀le▶ culte ◀de▶ ces images, ◀le▶ peuple croit trouver son unité, et il y retrouve en effet ◀le▶ symbole agrandi ◀d’▶un désespoir qu’il sent vivre dans tous ◀les▶ cœurs. ◀L’▶homme ◀d’▶aujourd’hui méprise ◀les▶ religions. Il sait ce qu’il faut penser des prêtres. On lui donnera donc autre chose : ◀les▶ mêmes choses sous d’autres noms, des mystiques et des dictateurs.
◀Les▶ lieux communs sont morts et embaumés : déjà, on leur fait des musées. Ou pire : ils n’ont jamais été vivants pour cette génération sans but. On nous en donnera donc ◀de▶ nouveaux fabriqués à notre mesure, — et quelle misérable mesure ! « Slogans » publicitaires, mots d’ordre politiques, tels sont ◀les▶ ersatz pitoyables que nous proposent ◀l’▶Argent et ◀l’▶État. Giovinezza ! Tod den Juden ! Nous ferons mieux que ◀l’▶Amérique ! Achetez français ! Passez vos vacances à ◀la▶ mer ! C’est avec ça qu’on fait ◀les▶ bons fascistes, ◀les▶ bons nazis, ◀les▶ vertueux komsomols, ◀les▶ petits bourgeois disciplinés. C’est ce conformisme enthousiaste qui tient lieu de conscience commune aux grandes masses européennes, quel que soit leur régime politique. Ainsi ◀la▶ mesure n’est plus cette loi qui vit en ◀l’▶homme réel et personnel, cette alliance du peuple avec sa vocation, qui faisait ◀la▶ grandeur des cultures authentiques. Elle est devenue ◀la▶ loi inexorable et mécanique qui plie ◀l’▶individu à des calculs ◀de▶ masses, à des disciplines extérieures, à des ambitions inhumaines. Nous vivons à ◀l’▶âge des mots d’ordre. ◀L’▶on peut penser que c’est une espèce ◀de▶ progrès sur ◀l’▶âge des clichés bourgeois. Mais si ◀les▶ mots d’ordre sont faux ? Si ◀l’▶ordre qu’ils imposent est arbitraire, ou s’il ne mise que sur ◀l’▶indignité humaine ? Et si ◀la▶ propagande et ◀la▶ publicité qui ont pris ◀la▶ place des lieux communs spirituels et affectifs ne nous ordonnent qu’à des fins provisoires ou dégradantes : ◀l’▶état totalitaire et ◀la▶ richesse matérielle ? Que vaut alors cette communauté ◀de▶ réflexes et ◀d’▶obsessions ? N’est-elle pas une somme ◀de▶ nos défaites intimes, ◀de▶ nos dénis ◀d’▶humanité, — ◀le▶ contraire absolu ◀de▶ ◀la▶ culture, si ◀la▶ culture est justement ◀la▶ part active que prend ◀l’▶homme à tout ce qui est création dans ◀la▶ nature, dans ◀l’▶histoire, dans ◀la▶ vie ◀de▶ ◀l’▶esprit ?