Marius Richard, Le▶ Procès (juin 1937)am an
Un petit livre qui sait s’arrêter dès qu’il nous a fait voir ◀le▶ monde pitoyable : sans ajouter à ce qui est, dire ce qui est comme un homme ◀l’▶a senti, — c’est assez rare. « Ce serait si bien si ◀l’▶on pouvait, chaque soir et chaque matin, écrire dans ◀les▶ journaux qui s’impriment quelques heures plus tard, exactement ce que ◀l’▶on pense, ce que ◀l’▶on a ressenti…, tout ce qui a pu vous frapper, quels qu’en soient ◀le▶ sens, ◀l’▶esprit, ◀le▶ caractère, ◀la▶ longueur. Je crois bien que cela me suffirait. » Et quelques pages plus loin : « Écrire ne m’intéresse que si j’ai ◀le▶ sentiment que ce que j’écris, par ◀la▶ forme et par ◀le▶ fond, serait ◀de▶ nature à modifier ◀la▶ conscience humaine, si celle-ci pouvait être modifiée. » Nulle fiction ; un journal ◀de▶ méditations dans ◀la▶ vie, ◀de▶ rêves dans ◀l’▶affreuse vie, où ◀l’▶on condamne avec indifférence, et où tout le monde en fait est coupable ◀de▶ tout : du sort des filles publiques, des bourgeois endormis, des malades dans ◀les▶ hôpitaux « qui ont des chemises ◀de▶ prisonniers » et « n’ont plus guère que ◀le▶ nom ◀de▶ leur mal » et même « du polémiste prenant son chien à témoin ◀de▶ ◀la▶ lâcheté des hommes, qu’il exploite ». Ce procès Stavisky, que ◀l’▶auteur suit au jour ◀le▶ jour, par profession, s’étend ainsi à toute ◀la▶ société, à tout cet embrouillamini ◀de▶ responsabilités, ◀d’▶inconsciences, ◀de▶ misères médiocres, que quelques femmes, dans une église, présentent au pardon ◀de▶ Dieu. Il y a ◀le▶ refuge du rêve, tout en marchant le long du quai aux Fleurs. Mais ◀la▶ prière n’est pas un refuge ; elle est un acte ◀d’▶accusation, et un aveu ◀de▶ chaque homme pour tous ◀les▶ autres : « Je suis plus près de leur erreur que ◀de▶ ma vérité. »
Parfois ◀l’▶on songe au Rilke des Cahiers, — sans ◀la▶ vibration slave, métaphysique. Mais c’est une sympathie peut-être plus virile que ◀l’▶auteur demande au lecteur pour tous ◀les▶ êtres auxquels il est mêlé. Et qu’il ◀l’▶obtienne à cette profondeur, donne ◀la▶ mesure ◀d’▶un art qui ne se prend pas pour idole.