Violence et brutalité (1er juin 1937)a
À plusieurs reprises, les▶ collaborateurs ◀de▶ ces Cahiers ont déclaré qu’ils rejetaient ◀la▶ violence, ◀les▶ méthodes ◀de▶ violence, ◀les▶ solutions ◀de▶ violence, et qu’ils s’efforçaient ◀d’▶y substituer une méthode ◀de▶ collaboration et ◀de▶ compréhension réciproque.
Or, une collaboration et une compréhension réciproques ne peuvent être fécondes que si elles réunissent des éléments réellement divers, c’est-à-dire opposés à ◀l’▶origine. Toute collaboration créatrice suppose un but nouveau, que des hommes auparavant antagonistes (c’est-à-dire dont ◀les▶ intérêts et ◀les▶ desseins divergeaient) s’imposent et cherchent à atteindre au moyen ◀d’▶une discipline commune. Mais toute nouveauté « fait violence » à un état de choses donné ; réduire ou surmonter des antagonismes, c’est leur « faire violence » ; et s’imposer une discipline en vue ◀d’▶atteindre un but commun, c’est encore « faire violence » aux intérêts particuliers. Toute collaboration créatrice implique donc une certaine violence. Autrement, il ne s’agirait que ◀d’▶un assemblage purement quantitatif ◀d’▶éléments semblables ou apparentés. ◀La▶ compréhension réciproque ne serait qu’une constatation pure et simple, une tautologie, une formalité ennuyeuse. Il n’y aurait ni effort, ni création. On aboutirait, dans ◀le▶ cas ◀le▶ plus favorable, à un banal échange ◀d’▶informations, dans ◀l’▶indifférence générale. Il y a donc, me semble-t-il, un intérêt urgent pour ◀le▶ groupe des Nouveaux Cahiers, à préciser ◀la▶ signification du mot violence, dans ◀la▶ mesure où cela dépend ◀de▶ nous, c’est-à-dire à ◀l’▶intérieur du groupe et dans ces pages.
Sur ◀le▶ « pouvoir des mots »
« Simple question ◀de▶ vocabulaire », a-t-on coutume ◀de▶ répliquer, ◀de▶ nos jours. Mais nous avons ouvert ◀la▶ rubrique intitulée « Pouvoir des mots » pour montrer justement que ◀les▶ questions ◀de▶ vocabulaire ne sont ni simples ni indifférentes ; qu’elles sont mêlées à toutes nos activités, dans ◀la▶ mesure où ◀la▶ pensée y est mêlée ; qu’elles entraînent et symbolisent à peu près toutes ◀les▶ « questions actuelles » ; bref, que rien n’est plus immédiatement important pour « ◀l’▶action » que ◀la▶ définition des mots qui ◀la▶ désignent, ou qui ◀la▶ trahissent ; qui en assurent ◀la▶ signification et ◀l’▶efficacité, ou qui faussent cette signification et masquent une inefficacité réelle. Toute définition ◀de▶ mot, qu’on ◀le▶ sache ou non, suppose et définit une attitude générale, une certaine conception ◀de▶ ◀la▶ vie. C’est ainsi — entre autres — que ◀le▶ « pouvoir des mots » est réel. Peut-être dira-t-on qu’il n’est que trop réel : c’est que la plupart des mots ont été vidés du sens — primitif ou secondaire — qu’une société et une culture, aujourd’hui fortement compromises, s’accordaient à leur attribuer.
Aussi ont-ils pris peu à peu des contenus mal définis, souvent contraires aux usages anciens, et qui paraissent « anarchiques » ou « faux » selon ◀le▶ système ◀de▶ référence qui est en train de se constituer dans divers groupes. ◀Les▶ mots que nous étudions ici ne sont pas « vides » — ◀le▶ vocabulaire a horreur du vide — mais ils ont été mal remplis, ou remplis au hasard, — et en tout cas, ils ont pris des valeurs ou des sens nouveaux qu’il importe au plus haut point ◀de▶ redéfinir et ◀de▶ réorganiser, si ◀l’▶on entend recréer un corps social vivant, et une « commune mesure » pour ◀les▶ diverses activités ◀de▶ ◀l’▶homme dans ◀le▶ cadre ◀de▶ ◀la▶ nation.
Essayons donc ◀de▶ définir ◀le▶ mot « violence », c’est-à-dire ◀de▶ décrire son contenu actuel d’une part, et d’autre part ◀le▶ contenu qu’il paraît juste ou utile ◀de▶ lui attribuer dans l’ordre nouveau.
Origine du préjugé contre ◀la▶ violence
Il faut reconnaître, tout d’abord, que ◀la▶ violence est généralement « mal vue » ◀de▶ ◀la▶ majorité des Français. (Mais c’est peut-être, justement, parce qu’on ◀la▶ regarde mal ?) On en est venu à assimiler violence à brutalité, à contrainte par ◀la▶ force matérielle : on parle des « violences policières ». On ◀la▶ considère comme une passion basse et vulgaire, ou comme une nécessité désespérée à laquelle il faut recourir lorsqu’on se trouve « injustement attaqué » (toute attaque apparaît d’ailleurs injuste à ceux qui ◀la▶ subissent). Un homme violent, c’est une espèce ◀de▶ brute qui refuse ◀de▶ discuter, ◀de▶ donner ses raisons, et qui frappe du poing sur ◀la▶ table. Ainsi violence ne se confond pas seulement avec brutalité, mais avec bêtise.
Qu’il y ait là un glissement ◀de▶ sens, c’est évident. Mais encore faut-il expliquer comment il a pu se produire.
J’en vois ◀la▶ principale raison dans ce qu’on est convenu ◀d’▶appeler ◀la▶ morale bourgeoise, ou mieux : dans ◀la▶ conception du monde née ◀de▶ ◀l’▶établissement ◀de▶ ◀la▶ bourgeoisie au pouvoir. Conception qui se fonde d’ailleurs dans une tendance permanente ◀de▶ ◀l’▶homme ; ◀le▶ besoin ◀de▶ sécurité. Mais ce besoin s’est exagérément développé, et comme fixé, par suite des conditions particulières dans lesquelles ◀la▶ bourgeoisie a conquis ◀le▶ pouvoir et ◀l’▶a gardé pendant un siècle et demi.
◀La▶ bourgeoisie établie sur ◀l’▶argent, et sur un « capital » ◀de▶ traditions, a doublement « intérêt » au maintien ◀d’▶un ordre public et culturel immuable. (Préservé contre ◀les▶ mutations brusques.) Elle a donc tout avantage à nier ou à dissimuler ◀les▶ antagonismes qu’elle domine ou étouffe, tels que ◀la▶ lutte des classes, dans ◀l’▶ordre économico-social, ou ◀les▶ « idées subversives » que produit inévitablement ◀la▶ culture créatrice. Elle tend à substituer aux conflits déclarés des « gentlemen’s agreements ». Elle essaie ◀de▶ sauvegarder à tout prix une évolution continue et sans heurts. (◀D’▶où ◀le▶ retard permanent et voulu ◀de▶ ◀l’▶enseignement officiel sur ◀la▶ culture ◀d’▶avant-garde, et ce vaste système ◀de▶ contrôle méfiant des idées que constitue ◀la▶ filière universitaire.)
Il faut à tout prix que « tout s’arrange » (c’est-à-dire que rien ne change vraiment) ; il faut « sauver ◀la▶ face » (c’est-à-dire ◀les▶ situations acquises). ◀D’▶où cette espèce ◀d’▶optimisme désarmant qui se manifeste dans des expressions telles que : « Cela ne peut pas être vrai : ce serait trop horrible » (c’est-à-dire : cela obligerait à envisager ◀le▶ monde ◀d’▶une façon nouvelle). En même temps, ◀les▶ organismes ◀de▶ ◀l’▶économie et ◀de▶ ◀la▶ culture sont devenus si complexes et délicats qu’on a ◀l’▶impression que toute intervention ◀d’▶une nouveauté réelle entraînerait des conséquences imprévisibles et non mesurables, où « tout risquerait ◀de▶ sombrer ». Et ◀l’▶on perd peu à peu ◀de▶ vue cette vérité fondamentale : que ◀les▶ institutions ne durent qu’à force ◀d’▶être recréées, réinventées, reprises sans relâche à ◀la▶ base…
Ayant peur ◀de▶ ◀la▶ chose, on rabaisse ◀le▶ mot qui ◀la▶ désigne : c’est une espèce ◀de▶ conjuration magique. Nous retrouvons ici ◀le▶ glissement sémantique ◀de▶ « violence » à « brutalité ». Puis, ayant ◀de▶ ◀la▶ sorte disqualifié ◀la▶ violence — car tout le monde est d’accord pour condamner ◀la▶ brutalité —, on se met à abuser du mot dans ◀le▶ sens ◀le▶ plus péjoratif. J’en donnerai un exemple qui fait bien voir toute ◀l’▶équivoque ◀de▶ ◀la▶ situation : on a coutume, à droite et au centre, ◀de▶ vilipender ◀le▶ marxisme en ◀le▶ traitant ◀de▶ « doctrine ◀de▶ violence ». Or, rien n’est moins « violent » que ◀la▶ doctrine ◀de▶ Marx, rigoureusement évolutive en tant que doctrine1, et par là même, conforme au mouvement profond ◀de▶ ◀la▶ pensée bourgeoise, sinon aux intérêts immédiats des bourgeois. ◀Les▶ seules véritables doctrines ◀de▶ violence apparues dans notre époque sont celles ◀de▶ Nietzsche et ◀de▶ Georges Sorel : elles s’accordent au plus mal avec ◀le▶ style ◀de▶ ◀la▶ pensée marxiste.
◀La▶ vraie violence
Nous pouvons maintenant essayer ◀de▶ préciser une distinction radicale entre violence et brutalité, — avec ◀l’▶espoir ◀de▶ sauver ◀le▶ mot « violence » ◀de▶ ses déviations sémantiques intéressées, et ◀de▶ ◀le▶ restaurer dans sa puissance active, libératrice.
◀La▶ violence est ◀le▶ fait même ◀de▶ ◀l’▶esprit, j’entends ◀de▶ ◀l’▶esprit créateur.
Dès que ◀l’▶esprit fait irruption dans ◀le▶ monde, pour y réaliser ses vues, il fait violence à un état de choses. Et ceci dans n’importe quel domaine, qu’il s’agisse ◀d’▶élever des blocs ◀de▶ pierre à ◀la▶ hauteur ◀d’▶un cintre, ◀de▶ labourer ◀la▶ terre, ou ◀d’▶écrire un ouvrage dont ◀la▶ nécessité n’est sentie tout d’abord que par ◀l’▶auteur qui ◀l’▶imposera. Tout acte créateur ◀de▶ ◀l’▶esprit — et c’est ◀l’▶esprit seul qui crée — est une « transgression » des lois admises jusqu’alors : ◀d’▶où ◀le▶ malaise que crée naturellement cet acte, malaise qui est à ◀l’▶origine ◀de▶ ◀l’▶état d’esprit conservateur que nous décrivions tout à ◀l’▶heure. ◀D’▶où aussi ◀le▶ risque que ◀l’▶acte institue pour celui qui ◀l’▶ose. Mais c’est précisément ce sentiment ◀de▶ malaise, lié à ◀l’▶euphorie du risque encouru, qui est ◀le▶ signe normal ◀d’▶une création ◀de▶ ◀l’▶esprit humain. ◀Les▶ époques ◀de▶ décadence sont celles où ◀l’▶on en vient à redouter par-dessus tout ce malaise (à ◀le▶ qualifier ◀de▶ scandale) et à ◀l’▶éprouver plus fortement que ◀l’▶euphorie du risque, du jeu.
C’est un affadissement et une trahison certaine ◀de▶ ◀l’▶Évangile qui ont conduit ◀les▶ chrétiens moyens à insister uniquement sur ◀la▶ douceur et ◀la▶ subtile aménité ◀de▶ ◀l’▶esprit. Cette fausse « charité » sentimentale est nettement condamnée par ◀l’▶Évangile : « Je ne suis pas venu apporter ◀la▶ paix, mais ◀le▶ glaive. » Et ◀le▶ terme même ◀de▶ violence que la plupart des moralistes chrétiens ◀d’▶aujourd’hui ont coutume ◀de▶ condamner au nom de ◀la▶ « charité », se trouve avoir été glorifié par ◀l’▶Évangile : Violenti rapiunt illud, ◀le▶ Royaume ◀de▶ Dieu est promis aux violents. Là encore, c’est ◀l’▶influence ◀de▶ ◀la▶ morale bourgeoise qui a fait perdre sa vigueur au christianisme, et non ◀l’▶inverse, comme ◀le▶ soutiennent des polémistes ignorants.
◀La▶ violence étant ◀le▶ fait ◀de▶ ◀l’▶esprit, elle se confond avec ◀la▶ liberté. C’est elle seule qui délivre ◀l’▶homme ◀de▶ ◀la▶ chaîne des routines et des lois qu’il se forge, c’est elle seule qui ◀l’▶empêche ◀de▶ se laisser emprisonner dans ses propres institutions, lorsque celles-ci ont cessé ◀de▶ ◀le▶ servir. Telle est ◀l’▶origine du concept occidental ◀de▶ révolution. ◀La▶ révolution est toujours spirituelle : elle est ◀l’▶acte ◀de▶ ◀l’▶homme qui rejette ses vieilles commodités, qui violente ses habitudes devenues tyrannies, et qui crée des possibles nouveaux. ◀La▶ révolution ainsi comprise est aussi indispensable à ◀la▶ vie sociale que ◀l’▶imagination ◀l’▶est à ◀la▶ vie individuelle.
D’ailleurs, si ◀la▶ violence est libératrice, elle n’est pas pour autant anarchique. Elle libère pour construire, elle détruit pour ré-ordonner. Violence et construction sont si loin de s’opposer que j’y verrais plutôt deux synonymes. Reprenons ◀l’▶exemple du bloc ◀de▶ pierre élevé jusqu’au cintre : on y retrouve ces trois caractères ◀de▶ ◀la▶ vraie violence spirituelle, ou ◀de▶ ◀la▶ vraie création révolutionnaire : ◀la▶ pierre est élevée, c’est-à-dire « libérée » ◀de▶ ◀la▶ loi ◀de▶ pesanteur, puis elle est placée dans une « organisation » nouvelle, et tout cela s’opère en vertu d’une décision ◀de▶ ◀l’▶esprit2.
Enfin, ◀la▶ vraie violence n’exclut nullement ◀la▶ délicatesse (voir Nietzsche), ni ◀la▶ subtilité des moyens, ni ◀la▶ sérénité du ton. Bien au contraire ! Tout ceci n’apparaîtrait paradoxal qu’à ceux qui n’auraient pas su distinguer ◀la▶ vraie violence ◀de▶ ◀la▶ brutalité, du simple fait qu’elles sont souvent liées. (Il y a peu de tons purs dans ◀la▶ vie.)
◀La▶ brutalité tue ◀la▶ violence
Par opposition à ◀la▶ violence, signe ◀de▶ ◀l’▶esprit agissant, ◀la▶ brutalité peut être définie comme un aspect et un caractère avant tout matériels. Elle est ◀le▶ fait ◀d’▶une contrainte purement extérieure, donc incapable en soi ◀de▶ rien créer et animer. C’est ◀la▶ brimade, ◀la▶ vexation, ◀le▶ choc qui blesse sans régénérer, ◀la▶ suppression inutile et absurde, ◀l’▶interdiction qui offense ◀la▶ vitalité, qui nie ◀la▶ signification profonde ◀de▶ toute existence. C’est tout d’abord un processus matériel grossier et brusque, qui se produit comme au hasard, sans discernement, sans « signification » précise, — ◀le▶ sens étant toujours donné par ◀l’▶esprit. Ôte-toi ◀de▶ là que je m’y mette, et je n’ai pas ◀de▶ raisons à te donner, il n’y en a pas, ou pas ◀d’▶avouables…
Mais ◀la▶ brutalité peut aussi revêtir un aspect non matériel : par exemple, il y a dans ◀la▶ logique une certaine brutalité, reconnaissable à un caractère ◀de▶ contrainte externe, comme mécanique, et qui ne tient pas compte ◀de▶ ◀la▶ nature spirituelle, passionnelle ou vitale des réalités auxquelles s’applique ◀le▶ règlement. ◀La▶ sensibilité féminine réagit ◀d’▶ordinaire avec précision à cette brutalité ◀de▶ ◀la▶ logique ; elle ◀la▶ déteste absolument, tandis que ◀la▶ violence ◀l’▶effraye mais ◀la▶ tente en même temps.
◀La▶ définition ◀la▶ plus frappante et ◀la▶ plus voyante, si je puis dire, ◀de▶ ◀la▶ brutalité, est fournie par ◀les▶ régimes totalitaires. ◀La▶ dictature totalitaire est ◀la▶ brutalité même, en ce qu’elle est fondée sur ◀le▶ principe ◀de▶ ◀la▶ contrainte par corps, — même lorsqu’il s’agit des choses ◀de▶ ◀l’▶esprit. Elle ne déteste rien tant que ◀la▶ vraie violence, inventive et imprévue, qui viendrait déranger ses constructions à la fois matérielles et abstraites, géométriques. ◀La▶ libre manifestation des antagonismes réels lui est encore plus intolérable qu’elle ne ◀l’▶était à ◀l’▶ordre bourgeois. Aussi se donne-t-elle pour première tâche ◀de▶ tuer dans ◀la▶ jeunesse toute velléité ◀de▶ violence spirituelle. ◀L’▶éducation fasciste ou stalinienne a pour effet systématique ◀de▶ substituer à ◀l’▶esprit ◀d’▶autonomie, ◀de▶ responsabilité spirituelle et ◀de▶ risque personnel, des instincts brutaux : ◀l’▶instinct ◀de▶ puissance, ◀l’▶instinct ◀de▶ conformité au grand nombre, ◀l’▶instinct ◀d’▶obéissance aveugle. Mais il se produit là un phénomène curieux : alors que ◀la▶ bourgeoisie disqualifiait ◀la▶ violence en ◀la▶ confondant avec ◀la▶ brutalité, ◀les▶ dictatures totalitaires tentent ◀de▶ requalifier ◀la▶ brutalité en ◀la▶ baptisant violence. ◀D’▶où ◀le▶ recours constant des nationaux-socialistes à Nietzsche, abus flagrant (que toute ◀la▶ pensée du poète-philosophe dénonce).
Là encore, il semble qu’une certaine logique à courte vue préside à cette stérilisation profonde des jeunes générations fascistes et staliniennes : on cherche à obtenir par des moyens brutaux, par des contraintes externes, un « rendement social » immédiat, et ◀l’▶on ne s’aperçoit pas que ce faisant, ◀l’▶on détruit ◀les▶ racines ◀de▶ ◀l’▶esprit créateur, ◀les▶ promesses ◀de▶ fécondité révolutionnaire ◀de▶ ◀l’▶avenir. Montesquieu a dit ◀l’▶essentiel sur cette brutalité-là, dans son fameux chapitre en trois ◀lignes▶ ◀de▶ ◀L’▶Esprit des Lois : « Quand ◀les▶ sauvages ◀de▶ ◀la▶ Louisiane veulent avoir du fruit, ils coupent ◀l’▶arbre au pied et cueillent ◀le▶ fruit. Voilà ◀le▶ gouvernement despotique. »
◀Le▶ refus ◀de▶ ◀la▶ violence appelle ◀la▶ brutalité
Confondre ◀la▶ violence et ◀la▶ brutalité, c’est se placer dans une position spirituelle inférieure, pour autant que ◀la▶ défensive est en principe inférieure à ◀l’▶agressivité. Se méfier ◀de▶ ◀la▶ violence, avoir peur des risques féconds qu’elle institue, c’est se priver des meilleures armes dont nous disposions contre ◀la▶ brutalité. ◀La▶ vraie violence est en définitive pacifiante : elle accepte ◀les▶ conflits, ◀les▶ fait mûrir et ◀les▶ résout en créations. Mais ◀la▶ méthode qui règne actuellement dans ◀les▶ « démocraties ◀de▶ ◀l’▶Ouest » — comme dit ◀le▶ Führer — et qui consiste à biaiser avec ◀les▶ difficultés, à masquer ◀les▶ antagonismes ◀de▶ fait, et à ◀les▶ déconcerter provisoirement à force de « combines » et ◀de▶ compromis, cette méthode qui ne crée rien, n’ordonne rien, temporise indéfiniment, ne peut conduire qu’à un état ◀de▶ désordre où ◀la▶ brutalité ne trouvera plus ◀de▶ résistance sérieuse. ◀L’▶histoire ◀de▶ ◀l’▶après-guerre et ◀de▶ ◀l’▶établissement des trois fascismes ◀le▶ démontre avec éclat : ◀la▶ crainte ◀de▶ ◀la▶ violence suscite mécaniquement une brutalité qui, à son tour, ne peut pas supporter ◀la▶ vraie violence. ◀Le▶ libéralisme et ◀la▶ dictature affectent l’un et l’autre ◀la▶ violence (spirituelle) du signe moins (en fait sinon en théorie). C’est pourquoi l’un prépare l’autre, qu’il redoute, et se trouve désarmé lorsqu’il survient.
◀Le▶ destin des démocraties est lié à ◀l’▶éducation ; celui des dictatures à ◀la▶ contrainte. ◀Le▶ seul moyen ◀de▶ prévenir cette contrainte, c’est ◀d’▶orienter ◀l’▶éducation vers une prise de conscience vigoureuse ◀de▶ ◀la▶ valeur libératrice ◀de▶ ◀la▶ violence. Que ceux qui pensent qu’il est déjà trop tard sachent qu’ils sont par là même les premiers à rendre ◀le▶ tyran fatal.