Une révolution refoulée (juillet 1938)al
Est-il possible d’▶indiquer une raison simple ◀de▶ ◀l’▶échec du Front populaire ? ◀La▶ psychanalyse nous propose un type ◀d’▶explication qui me paraît bien tentant : c’est ◀le▶ mécanisme du « refoulement » ◀d’▶où procèdent ◀les▶ « actes manqués ».
S’il y a eu « expérience Blum », elle a consisté à empêcher ◀la▶ révolution. Juin 1936 était un espoir que ◀les▶ accords Matignon trompèrent. C’est tout ce que ◀l’▶Histoire retiendra. Ce fait initial a déterminé ◀la▶ courbe ◀de▶ ◀l’▶expérience : il s’agissait ◀d’▶affirmer une mystique, mais ◀de▶ ne faire que ◀les▶ réformes qu’imposait ◀la▶ pression des « masses ».
Dans une telle situation historique, ◀les▶ réformes vont toujours à l’encontre des buts allégués.
Chacun sent très bien que l’autre triche. ◀D’▶où cet affaiblissement du sens civique tellement frappant dans ◀la▶ France actuelle. (Au moins dans celle qui se manifeste.) Et ◀les▶ réformes obtenues apparaissent comme ◀les▶ résultantes ◀de▶ deux lâchetés, non ◀de▶ deux volontés.
Or, quand ◀le▶ sens civique fléchit, c’est-à-dire quand chacun veut avoir plus qu’il ne peut et ne sait faire, seule une révolution est capable ◀de▶ faire aboutir des réformes.
Mais personne ne ◀la▶ prépare. M. Staline a d’autres plans, et Ce soir a d’autres vertus. S’il se fait une révolution, elle sera donc improvisée, donc sanglante, donc destinée à se figer dans ◀le▶ rictus ◀d’▶une dictature.
Tout le monde ◀le▶ sent, tout le monde ◀le▶ craint — et ◀le▶ désire sans se ◀l’▶avouer. Voilà pourquoi personne ne bouge. C’est effrayant, cette immobilité devant ◀le▶ péril. ◀La▶ dictature fascine ◀les▶ masses, et ◀les▶ élites. Sous prétexte de lui résister, ◀les▶ voilà qui ◀d’▶elles-mêmes se mettent en rang, lèvent ◀le▶ poing, acclament des caporaux. Ainsi ◀l’▶Autriche fascinée s’est jetée dans ◀la▶ gueule du dragon, après avoir trompé et désarmé ◀la▶ résistance prolétarienne.
On a refoulé dès sa naissance ◀la▶ révolution ◀de▶ 36. ◀D’▶où ◀le▶ « complexe » qui s’est noué. Complexe fasciste, avoué sous ◀le▶ nom ◀d’▶antifascisme, c’est normal.
On n’arrête pas une révolution lorsqu’elle est nécessaire, et c’est ◀le▶ cas. Mais il arrive qu’on ◀la▶ dénature en ◀la▶ refoulant trop longtemps. Elle cherche alors d’autres voies, et ◀les▶ trouve. Encore un peu de mystique Front populaire, encore quelques réformes à contretemps, à contre-fins, quelques crises gouvernementales, ◀la▶ livre à 600, ◀le▶ chômage ; — et le premier dictateur venu tirera ◀les▶ conclusions logiques. Sera-t-il Français ?
Je voudrais me tromper, croire au miracle. Je préfère opposer un pessimisme actif à tant ◀d’▶espérances bernées.