Revue des revues (septembre 1938)aw
Combat (juin). — Un souffle révolutionnaire, ce serait trop dire, mais un bon courant d’▶air passe dans ◀les▶ derniers numéros ◀de▶ ces cahiers. ◀L’▶extrême droite qui ose dire son nom paraît souvent bien proche de ◀la▶ véritable extrême gauche française (communistes exclus) quand il s’agit ◀de▶ thèses objectives et ◀de▶ programmes ◀d’▶avenir. C’est ◀le▶ ton et ◀les▶ sentimentalismes qui s’opposent encore. Mais enfin ◀l’▶on s’apercevra bientôt que ◀le▶ capitalisme est une doctrine centriste, modérée-radicale, et non pas une doctrine ◀de▶ droite. D. Bertin attaque violemment M. Claude Farrère, apologiste du brigandage japonais, Th. Maulnier dénonce ◀les▶ équivoques ◀de▶ ◀l’▶antisémitisme et ose écrire : « Je doute que ◀le▶ prolétariat français éprouve une joie particulière à savoir qu’il ne travaille plus pour enrichir M. Citroën ou M. Louis-Louis Dreyfus, mais pour enrichir M. Renault ou M. Michelin, Je doute qu’il soit assez sot pour se contenter ◀de▶ cette révolution. Je doute que ce qu’il demande ce soit ◀l’▶honneur ◀d’▶être exploité par ses propres compatriotes. » Robert Francis, après Bernanos, met en garde ses camarades contre « une aventure ◀d’▶intolérance et ◀d’▶inquisition où nous avons à peu près tout à perdre ». Enfin M. Haedens demande que ◀l’▶on remplace dans ◀les▶ manuels ◀d’▶histoire littéraire Mme de Sévigné par Louise Labé, ◀La▶ Rochefoucauld par Retz, Bernardin de Saint-Pierre par Laclos, et Lamartine par Rimbaud. Un tel « signe » n’est pas négligeable : ◀la▶ vieille droite s’est toujours définie en termes de littérature, et ◀l’▶Action française a été surtout un mouvement ◀de▶ conservatisme littéraire (comme ◀l’▶a fait voir ◀la▶ toute récente substitution du fauteuil académique au trône, dans ◀la▶ hiérarchie ◀de▶ ses vénérations). Une droite qui abandonne Boileau pour Rimbaud, c’est un parti nouveau. Pourquoi faut-il qu’elle conclue une enquête sur ◀le▶ capitalisme sur ◀les▶ positions grotesques (économiquement parlant) ◀de▶ M. Coquelle-Viance ?
◀Le▶ Fédéraliste (n° 2, 1938). — Manifeste des Bretons fédéralistes. On s’y réclame très curieusement ◀de▶ ◀la▶ « nation » bretonne, du manifeste ◀de▶ Mounier, des droits de l’homme, ◀de▶ Jaurès, ◀de▶ ◀la▶ Commune, et ◀l’▶on prend parti contre ◀le▶ racisme et ◀l’▶étatisme. Il est intéressant ◀de▶ souligner ◀l’▶opposition très vive des auteurs ◀de▶ ce Manifeste à l’égard du Parti national Breton et ◀de▶ ses doctrines corporatistes et paternalistes. Au total, ce Manifeste ◀de▶ huit pages, clairement écrit, sans équivoques, intégralement fédéraliste (et non régionaliste) doit être considéré comme l’un des premiers actes du réveil « pluraliste » que nous appelons ici depuis nos débuts.
NRF (mai). — Notes et quatrains ◀de▶ Jean Wahl. À retenir cette petite charade : mon premier est ce qu’il y a de plus bas ; mon second ce qu’il y a de plus haut ; mon tout est peut-être un attrape-nigaud. Réponse : matérialisme dialectique.
(Juin). — ◀La▶ Duchesse de Friedland, nouvelle ◀de▶ Drieu la Rochelle. « Qui n’a pas connu ◀les▶ années ◀d’▶après-guerre n’a pas connu ◀la▶ douceur ◀de▶ vivre ». Illustration : « Il y avait ◀de▶ charmantes fêtes à Versailles, où ◀le▶ Faubourg Saint-Germain (comme on disait naguère) et Montparnasse se mêlaient à merveille. ◀Le▶ déhanchement des inversions et ◀l’▶odeur sournoise ◀de▶ ◀l’▶opium se faisaient à peine remarquer dans ◀le▶ brouhaha parfaitement mesuré ». Drieu la Rochelle, rescapé ◀de▶ ce xviiie siècle artificiel, et ◀de▶ cette « douceur ◀de▶ vivre », en a gardé — tout au moins dans son style — ◀la▶ sécheresse aiguë, mais non ◀l’▶exaltation, ◀le▶ cynisme impuissant et lucide, mais non ◀l’▶air ◀de▶ défi. Cela fait un curieux ricanement, en manière ◀d’▶oraison funèbre. Et après ? « Vous n’allez pas me dire que vous êtes fasciste ? — Heu… » C’est la dernière réplique. — Francis Jammes continue à célébrer son autoculte mensuel, cite tous ◀les▶ éloges qu’il reçoit par ◀l’▶argus ou ◀le▶ courrier, renchérit encore, et prétend qu’on a tenu au cacho[t], durant près ◀d’▶un demi-siècle, ◀la▶ poésie ◀de▶ ◀la▶ France », mais qu’il nous ◀la▶ ramène (sans calembour), aussi fraîche que lorsqu’il lui donna la main pour la première fois en 1888. C’est donc lui qui ◀l’▶avait cloîtrée ? — Pour un collège ◀de▶ sociologie : Nous y reviendrons.