ACTE II.
Prologue.
Chant des pèlerins.
Une des ombres. — Hé ! Qui sont ceux-là ? Encore des pèlerins ?
Un des pèlerins. — On nous appelle ◀les▶ Amis ◀de▶ Dieu, ou ◀les▶ Sauvages. Nous sommes venus ◀d’▶Alsace, pour voir ◀le▶ frère Claus.
◀L’▶ombre. — À ◀la▶ bonne heure ! On n’attendait plus que vous ! ◀Le▶ village est plein comme une arche. Nos beaux seigneurs et ◀les▶ paysans, veau, vache, cochon, couvée, tout ronfle ensemble. Tu n’y logerais pas une seule puce de plus ! Nous autres ◀les▶ valets, on se chauffe sur ◀la▶ place. Belle nuit ◀de▶ mai ! Approchez-vous, ◀les▶ frères.
◀Le▶ valet. — Oh ! moi, je ne suis pas du pays. Monseigneur ◀l’▶abbé ◀d’▶Einsiedeln est arrivé ici hier soir, avec une suite brillante et nombreuse, dont vous avez ◀la▶ queue devant vous en ma personne, sauf mon respect.
◀Le▶ pèlerin. — J’en connais qui ont plus ◀de▶ respect pour ◀la▶ queue que pour ◀la▶ tête ◀de▶ ce cortège ! Ces beaux seigneurs et princes ◀de▶ ◀l’▶Église s’entendent comme larrons en foire avec ceux qui nous ont ruinés, taillés et chassés ◀de▶ nos foyers. Plus on est maigres, nous autres, plus ils sont gros ! Que viennent-ils faire ici ?
Un valet. — ◀Le▶ frère Claus est devenu ◀la▶ bête curieuse du pays. Ils arrivent ◀de▶ partout, rien que pour ◀le▶ voir.
2e valet. — On peut dire que ◀les▶ affaires marchent, pour ceux d’ici ! D’abord ils se moquaient ◀de▶ lui : « Tu vis comme une bête sauvage », qu’ils lui disaient. ◀L’▶illuminé ! qu’ils ◀l’▶appelaient. Et maintenant qu’il vient du beau monde, c’est frère Claus par-ci, frère Claus par-là, notre grand saint, ◀le▶ vénérable ermite, et ils inventent encore des miracles, pour ◀le▶ bon poids.
1er valet. — Pour moi, s’il vient tant de monde, c’est un signe que ◀les▶ temps sont troublés. Plus ◀d’▶un attend conseil du frère Claus. Écoutez bien : plus ◀d’▶un voudrait ◀l’▶avoir ◀de▶ son côté ! Ainsi, pour moi, ◀le▶ citoyen ◀de▶ Berne et ◀l’▶Autrichien qui sont arrivés hier au soir, ce n’est pas pour ◀la▶ curiosité que ces messieurs ont fait ◀le▶ voyage.
Un pèlerin. — Alors ?
Un pèlerin. — Est-il vrai que ◀le▶ frère Claus n’a rien mangé depuis des mois, sauf ◀la▶ très sainte hostie une seule fois par semaine ?
2e valet. — On en raconte, vous savez…
1er valet. — Et tu crois ça ?
2e valet. — C’est pas que j’y croie directement… Mais ça pourrait bien être vrai quand même…
1er valet (aux pèlerins). — Il faut vous dire : nous autres, en Suisse, on est religieux, c’est une affaire en règle, mais on n’est pas tellement porté sur ◀les▶ miracles.
3e valet (aux pèlerins). — Paraît qu’à force de rien manger, il n’a plus ◀de▶ chaleur naturelle, comme on dit. Tu touches ses mains, c’est des glaçons. Et une figure ◀de▶ mort qu’on porte en terre.
1er valet. — Y en a un qui a voulu ◀l’▶imiter, ◀le▶ frère Ulrich. Ben celui-là, au bout de trois jours, il était à moitié mort !
2e valet. — Ça lui donne toujours moins à faire qu’à ◀la▶ Dorothée avec ses dix gosses ! Misère ◀de▶ sort ! Dire qu’il ◀les▶ laisse se débrouiller dans ◀la▶ purée à une heure ◀de▶ marche ◀de▶ son ermitage ! On a beau avoir du respect pour ◀les▶ saints…
1er valet. — Nous autres, à sa place, on se serait arrangé pour disparaître une fois pour toutes. Faut quand même avoir des égards pour ◀la▶ famille !
3e valet. — Moi, je vais vous dire une chose : pendant qu’on est ici à discuter, lui, là-haut, il est déjà levé pour ses prières. Il se lève toujours à minuit. Ça fait quand même quelque chose, ◀de▶ penser qu’il est là-dessus, tout seul, comme qui dirait directement devant le bon Dieu !
1er valet (aux pèlerins). — Ils sont tous comme ça, par ici. ◀Le▶ frère Claus leur fait une ◀de▶ ces peurs ! Y a pas plus superstitieux que ◀les▶ montagnards.
Scène i.
Chœur céleste4.
Nicolas. — Et que veux-tu ?
Nicolas. — Je n’ai rien que ma robe, tu ◀le▶ sais, et cette corde qui ◀la▶ tient serrée contre mon corps. ◀Les▶ voici.
◀Le▶ vieil homme. — Garde-◀les▶ ◀de▶ ma part, et souviens-t’en : rien n’est à toi, pas même cette bure, pas même ◀la▶ corde qui ◀la▶ tient contre ton corps. Un jour nous en aurons besoin.
Chœur céleste.
Scène ii.
Ulrich. — Ô frère Claus, quel signe heureux sur ◀la▶ journée nouvelle ! N’est-ce pas un ange qui t’a visité ?
Nicolas. — Un signe heureux et un avertissement ! Quand Dieu nous envoie tel message, cela veut dire que ◀la▶ journée s’annonce dure.
Récitatif.
Ô sentinelle, guetteur aux yeux fermés, à ◀la▶ frontière du ciel et ◀de▶ ◀la▶ terre, témoin frugal et prophétique !
Une épreuve sévère est promise à ton peuple. Tu ◀la▶ devines, au plus secret ◀de▶ ◀la▶ lumière trop sereine qui baigne aujourd’hui ces rochers.
Scène iii.
Un héraut (précédant ◀le▶ cortège). — Monseigneur ◀l’▶abbé ◀d’▶Einsiedeln et sa suite saluent ◀le▶ frère Claus et lui demandent sa bénédiction.
Nicolas (qui vient de se relever et qui s’approche). — Bénis soyez-vous ◀de▶ Dieu, chers pères et frères. Pourquoi êtes-vous venus dans cette solitude ?
◀L’▶abbé. — Notre cœur brûlait du désir ◀de▶ voir ◀l’▶homme dont on parle tant. Souffriras-tu que nous t’interrogions sur des miracles qu’on raconte au loin ?
1er seigneur. — Depuis longtemps, nous nous disputons à ton sujet. Lui prétend que tu t’es vanté ◀de▶ ne plus rien manger depuis quatre ans. Et moi je dis que ce sont là des racontars. Nous avons donc fait un pari. Qui a gagné ?
Nicolas. — Vous avez perdu l’un et l’autre ! Dieu me pardonne si je me suis jamais vanté ◀de▶ ne prendre aucun aliment ! Je me nourris du pain du ciel, à ◀la▶ très sainte communion.
Nicolas. — Dieu ◀le▶ sait, et ◀les▶ humbles ◀le▶ croient. Notre Seigneur n’a-t-il pas dit : « Celui qui mange ma chair en sera rassasié » ?
Nicolas. — D’autres n’éprouvent aucun besoin ◀de▶ ◀l’▶âme. Comment vivent-ils, ceux-là ? Voilà ◀la▶ chose qui m’étonne.
2e seigneur. — Si tous ◀les▶ pauvres étaient comme toi, bon frère, ils ne songeraient pas à ◀la▶ révolte.
Nicolas. — Tu dis vrai. Mais écoute-moi : si tous ◀les▶ riches étaient ◀de▶ bons chrétiens, ils n’auraient pas à craindre ◀de▶ révoltes. Hélas ! je vois des clercs gras et richement vêtus comme jamais ne ◀le▶ furent ◀les▶ apôtres ! N’est-ce pas un bien grand mal pour ◀l’▶Église et nous tous ? Si ◀les▶ clercs donnent ◀l’▶exemple ◀de▶ ◀l’▶avidité, ◀le▶ peuple un jour ◀les▶ imitera. Craignez alors ◀les▶ plus grands maux pour ◀la▶ Patrie ! Qui veut être puissant et riche aux yeux du monde, c’est celui-là qui fait des guerres ! Je vous ◀le▶ dis, seigneurs : ◀la▶ Suisse est menacée par ◀de▶ perfides séducteurs ! Ils vous feront ◀de▶ belles promesses : Viens avec nous, tu auras ◀de▶ ◀l’▶or… Fais alliance avec moi, je te donnerai des terres… Et alors, ce sera ◀la▶ fin ◀de▶ notre union, et ◀la▶ fin ◀de▶ nos libertés ! (Violent.) Princes ◀de▶ ◀l’▶Église, je vous en conjure, n’abandonnez jamais ◀le▶ pauvre pour ◀le▶ riche ! Sinon notre Seigneur fera paraître ◀d’▶humbles témoins pour votre confusion ! (Se radoucissant.) Mais qui suis-je pour vous avertir ? Pardonnez-moi, chers pères et frères. C’est un plus grand que nous qui peut nous éclairer.
◀L’▶abbé. — Tu es rude, frère Claus, comme ◀les▶ vrais montagnards. Mais nous savons apprécier ta franchise. Nous admirons et nous louons en toi ◀les▶ plus solides vertus ◀de▶ notre race ! Puisse-t-elle ◀les▶ conserver toujours ! Et maintenant, cher frère Claus, nous nous recommandons à tes prières et t’accordons notre bénédiction toute spéciale !
Scène iv.
◀Le▶ 1er pèlerin. — Nous sommes venus ◀d’▶Alsace, chassés par ◀la▶ misère et par ◀les▶ guerres continuelles, en chemin ramassant hommes et femmes, tous pauvres gens des cantons suisses et des bailliages. Ils ont appris nos mélodies le long des routes. Chanter nous donne du courage, ◀la▶ nuit, dans ◀la▶ forêt horrible et noire !
◀Le▶ pèlerin. — ◀Les▶ ducs ◀d’▶Autriche et ◀de▶ Bourgogne font leurs querelles dans nos champs. Par chance encore, ◀les▶ Suisses sont restés à ◀l’▶écart ◀de▶ ◀la▶ guerre. Autrement, où pourrions-nous fuir ? Mais ◀la▶ vie est dure, chez vous ! ◀Le▶ pain est cher ! Il y a trop ◀de▶ monde partout, et jamais ◀de▶ travail pour nous autres.
Tous. — Nous avons faim !
◀Le▶ pèlerin. — On dit au loin que ton pouvoir est grand, frère Claus ! ◀Les▶ seigneurs eux-mêmes te redoutent ! Voici notre requête fraternelle : sois notre chef et notre défenseur ! Nous te suivrons comme ◀les▶ pauvres jadis suivaient ◀le▶ bon Berger ◀de▶ Galilée. Et tu nous obtiendras justice !
Tous. — Sois notre chef !
Nicolas. — Si Jésus-Christ est votre ami, pourquoi faut-il encore un autre chef ?
◀Le▶ pèlerin. — Écoute ! Notre misère crie jusqu’au ciel ! ◀Le▶ temps ◀de▶ ◀la▶ révolte est là. Si tu marches devant, frère Claus, plus rien ne nous résistera !
Nicolas. — Pauvres enfants ! Vous voulez faire ◀la▶ guerre pour obtenir du pain ? Oh ! malheureux ! Partout où ◀la▶ guerre a passé, ◀les▶ pauvres ◀l’▶ont payée, ◀de▶ leur famine. Si vous prenez ◀les▶ armes, on vous écrasera, et vous perdrez votre seule force, ◀la▶ justice !
Tous. — Du pain ! Du pain !
Nicolas. — Ils en auront encore bien moins si vous allumez ◀l’▶incendie qui dévaste champs et greniers. Vous n’avez pas assez ◀de▶ pain, c’est une chose très injuste et très cruelle. Mais celui qui n’a rien du tout, celui qui vit du pain céleste, pourra-t-il vous donner un conseil ? (Un temps.) Gardez ◀la▶ justice entre vous, et ◀la▶ charité dans vos cœurs. Alors vous serez invincibles. Quand ◀le▶ pauvre loue Dieu et vit ◀de▶ sa parole, ◀la▶ victoire sur ◀le▶ monde est à lui !
Cris. — Il vient ! Il accepte ! Sois notre chef !
Nicolas. — Je reste ici. Ici, je vous aiderai. Si Dieu ◀le▶ veut, j’écarterai ◀la▶ guerre ◀de▶ nos cantons où vous avez trouvé refuge. Mais renoncez vous-même à faire ◀la▶ guerre, car autrement ◀le▶ mal n’a pas ◀de▶ fin. Et souvenez-vous qu’un plus pauvre que vous loue Dieu et lui rend grâce ◀de▶ ses dons !
Scène v.
Ulrich. — J’aperçois deux chevaliers qui se hâtent vers nous. (Au premier, en lui montrant Nicolas en prière.) Quel souci vous amène en ce lieu, seigneur ?
Diesbach. — Chargé ◀d’▶une mission ◀de▶ très haute importance, je sollicite une entrevue ◀de▶ frère Claus. Leurs Excellences ◀de▶ Berne saluent par moi ◀le▶ vénérable solitaire.
Ulrich. — Et quel est le second visiteur ? Peut-il se présenter lui-même ?
Hornek. — ◀Le▶ chevalier Burckhardt de Hornek ! J’apporte au frère Claus un très urgent message. De la part de mon noble maître, Sigismond, archiduc ◀d’▶Autriche.
Récitatif.
Ainsi ◀les▶ affaires du monde, des plus humbles jusqu’aux plus grandes, vont retentir dans ta pure solitude, ô toi qui fuis ◀le▶ monde pour trouver ◀la▶ seule chose nécessaire !
Et voici qu’au jour du danger tout ton peuple se tourne vers toi pour t’écouter !
Choral ii.
Nicolas. — Parlez, seigneurs, et je vous répondrai, au nom de Dieu qui nous entend, et ◀de▶ mon peuple qui m’écoute.
Hornek. — ◀L’▶empereur t’envoie son salut ! Il se souvient ◀de▶ ta vaillance dans ◀la▶ guerre, quand tu luttais contre nos gens. Mais ta sagesse est plus illustre encore, et vénérée. Un peuple entier t’écoute et reçoit tes conseils. ◀De▶ toi seul dépend ◀le▶ succès du grand dessein dont je veux te faire juge. Voici ◀l’▶objet ◀de▶ ma requête. Fatigué ◀de▶ luttes stériles avec ◀les▶ indomptables Suisses, et prévoyant des menaces nouvelles qui se préparent pour vous autres vers ◀l’▶ouest, Sigismond vous offre sa paix, à toujours et à perpétuité.
Hornek. — Il n’attend rien que votre paix !
Diesbach. — Je pense à cette menace dont il est bruit, vers ◀l’▶ouest, ce grand duché occidental sous ◀le▶ règne ◀d’▶un tyran fou, que ◀l’▶on a surnommé ◀le▶ Téméraire. Lourde menace pour qui n’a pas ◀d’▶alliés puissants et proches.
Diesbach. — Il tient en un mot que tu aimes, ô frère Claus : c’est ◀la▶ paix. Je t’apporte ◀l’▶heureuse nouvelle ◀d’▶un traité conclu par nos soins avec ◀le▶ roi de France Louis XI. ◀Le▶ secret en est bien gardé… Il n’est pas sûr que tous ◀les▶ cantons soient d’accord — et ceux d’ici n’écoutent que ta voix, frère Claus ! Voilà pourquoi je suis venu.
Nicolas. — Tu ◀l’▶as dit, je ne veux que ◀la▶ paix. Mais ce n’est pas ◀le▶ mot que j’aime, c’est ◀la▶ chose, c’est ◀la▶ réalité miraculeuse que Dieu seul fait régner parmi nous ! (Un temps.) Dieu seul et non pas nos calculs. (Un temps.) Deux alliances, pour nous chétifs ! Grandes alliances ! C’est beaucoup… ◀La▶ force ◀d’▶un côté, et ◀de▶ l’autre ◀la▶ ruse… Petit troupeau des Suisses, te voilà bien gardé par ◀le▶ renard et par ◀le▶ loup !
Nicolas (brusquement). — Et moi, je vois que l’un et l’autre chérissent moins nos libertés qu’ils ne craignent ◀le▶ duc d’Occident ! Riche contrée, dit-on, que ◀la▶ Bourgogne ! Vin chaleureux et tonnes ◀d’▶or ! Ne tentez pas ◀les▶ Suisses, beaux seigneurs !
Hornek. — Nous n’offrons que ◀la▶ paix. Pourquoi parler ◀de▶ tentation ? Est-ce là ta grande sagesse, ô frère Claus ?
Nicolas. — Votre paix est tournée vers ◀la▶ guerre ! Je vois sa face ◀d’▶ombre et ◀de▶ sang, au travers des reflets dorés que vos promesses font luire aux yeux des Suisses ! Ah ! vous êtes deux bons oiseleurs ! Qu’avons-nous besoin ◀de▶ richesses ? Je vous ◀le▶ dis en vérité : ◀la▶ pauvreté fait notre force, car notre force est dans ◀l’▶union, et ◀les▶ richesses divisent un peuple. (Un temps.) Et pourquoi ces alliances étrangères ? Nos ancêtres n’en voulaient point.
Diesbach. — Pour assurer notre sécurité.
Nicolas. — Notre sécurité n’a qu’une seule base sûre : ◀l’▶alliance des cantons entre eux, au nom de Dieu. Si nous gardons ◀le▶ Pacte, nulle puissance, et pas même ◀le▶ duc Téméraire, nulle puissance ne peut rien contre nous.
Hornek. — Prends garde, frère Claus ! ◀Le▶ Téméraire vous guette, il s’arme ! Que pourrez-vous, seuls contre lui ?
Nicolas. — Tu ◀l’▶avoues donc, chevalier ! Vous voulez nous pousser dans ◀le▶ dos. Ce Téméraire vous fait trembler encore, et c’est avec ◀les▶ piques des Suisses que vos princes ont dessein ◀de▶ ◀l’▶abattre ! À nous ◀la▶ guerre, à vous ◀la▶ gloire, c’est ton marché ?
Hornek. — Réfléchis, frère Claus !
Diesbach. — Un mot ◀de▶ toi peut déclencher cette avalanche, ◀la▶ grande colère des Suisses croulant sur ◀la▶ Bourgogne !
Scène vi.
Récitatif.
(Tutti.) Tout un peuple a prêté ◀l’▶oreille. Mais ◀le▶ grand vent des plaines s’est levé, il emporte ◀la▶ voix du guetteur. Nicolas ! Nicolas ! Hélas ! Est-ce en vain que là-haut tu veilles ?
(Voix ◀d’▶hommes.) À ◀l’▶horizon paraissent des présages. Nous, d’ici, voyons une aurore éclatante ◀de▶ gloire et ◀d’▶or. Toi, ◀de▶ là-haut, vois ◀l’▶orage futur et ◀la▶ dévastation des liens sacrés.
(Voix ◀de▶ femmes.) Quel est ce rêve qui se lève avec ◀le▶ vent des plaines et ◀de▶ ◀la▶ guerre ? Hélas ! où courons-nous ?
Choral ii.
Nicolas. — Seigneur ! ◀La▶ voix du solitaire est faible. Parle toi-même à tes enfants, je t’en supplie ! ◀Le▶ chant du monde éclate à leurs oreilles et ◀les▶ rend sourds au cri du vieux guetteur !
Chœur des puissances. (Plan 1.)
Autrichiens. (À droite.)
Français. (À gauche.)
Scène vii.
Récitatif.
Ô Seigneur, aie pitié ◀d’▶un peuple divisé contre lui-même ! Vois ◀la▶ folie des villes, et ◀le▶ Pacte trahi pour ◀l’▶alliance étrangère. Où sont ◀les▶ présages certains ? Que dit ◀la▶ voix du saint dans ◀le▶ lointain ? Quelle est cette ombre rouge qui nous couvre ? Ô Seigneur, aie pitié ◀de▶ nous !
Chœur des suisses.
Demi-chœur des suisses. (À droite.)
Demi-chœur des suisses. (À gauche.)
Chœur des français.
Demi-chœur des suisses. (À droite.)
Chœur des autrichiens.
Demi-chœur des suisses. (À gauche.)
Chœur des puissances.
Scène viii.
L’astrologue.
Voix des campagnes. — Funeste conseiller des villes ! Vendu ! Vendu !
◀L’▶astrologue (après quelques simagrées). — Au ciel visible, Mars entre au Lion. ◀L’▶Ourse est dressée ◀la▶ gueule ouverte et ◀le▶ Taureau baisse ◀les▶ cornes, prêt au bond. Je vois ◀la▶ guerre !
Voix des suisses. — Et que vois-tu ? Dis, que vois-tu ?
◀L’▶astrologue. — À ◀l’▶Occident, je vois des chevaliers s’avancer par milliers en grand arroi. Signe du ciel ! Une épée nue brandie par une main coupée ! À ◀l’▶Orient, j’entends mugir un cor lugubre et retentir un nouveau chant ◀de▶ mort. ◀Le▶ moral ◀de▶ ◀l’▶armée est excellent ! Haut ◀les▶ cœurs ! Tous ensemble ! Union sacrée ! Courage ! Déjà, ils fuient là-bas comme un nuage !
Voix des suisses. — Qui vient ? Qui fuit ? Et que vois-tu ?
◀L’▶astrologue (criant). — Je vois ◀de▶ ◀l’▶or, ◀de▶ ◀l’▶or, du sang, des morts, ◀de▶ ◀l’▶or, ◀de▶ ◀l’▶or, ◀de▶ ◀l’▶or ! Ha ! ha ! ha ! ha ! ha ! ha !
Voix des suisses. — Pour qui cet or ? Sur qui ce rire ? Et plus tard, que vois-tu ? Plus tard !
◀L’▶astrologue (laissant retomber ses bras). — ◀Les▶ signes ont paru. ◀Les▶ sages ont appris. ◀Les▶ fous sont confondus. J’ai dit.
Nicolas (criant du plan 3). — Marchand ◀de▶ vent ! Impie ! Voyez qui ◀l’▶a payé ! Il n’ouvre ◀la▶ bouche que pour mentir, et ne ◀la▶ ferme que pour taire ◀la▶ vérité !
Voix des villes. — Pardieu non ! Son oracle me plaît, à celui-ci ! J’aime ◀l’▶or, et il me dit que j’en aurai ! — ◀Le▶ vieux corbeau là-haut croasse pour ◀la▶ pluie en plein soleil ! — Radoteur !
Une voix des campagnes. — Malheur, malheur, malheur au peuple qui croit un mage et ne croit plus un saint !
Le chœur.
Scène ix.
Diesbach. — Il fait signe, il crie ! Écoutez !
Chœur des suisses.
Chœur des puissances.
Une partie du chœur. (En écho.)
◀L’▶astrologue. — Et toi, là-haut, sentinelle ◀de▶ malheur, maintenant, que vois-tu venir ? Ouvre ◀les▶ yeux ! Vois ◀l’▶énorme incendie, ◀l’▶aurore ◀de▶ notre puissance !
Récitatif.
Nicolas, Nicolas, Nicolas ! ô… sentinelle, guetteur aux yeux fermés ! Dès ◀le▶ matin clair et serein, au cœur secret ◀de▶ ◀la▶ lumière ◀d’▶un beau jour, tu ◀le▶ savais, tu nous avertissais ! ◀La▶ nuit sanglante est descendue, oh ! oh ! oh !… Qu’apportera ◀l’▶aurore maléfique ?
Ah ! hélas ! ah ! hélas ! ah ! hélas ! ô… tentation complice des courages ! Non pas ◀le▶ sang ni ◀la▶ défaite, ce n’est pas là ce que tu crains pour ta patrie, mais ◀la▶ victoire, porteuse ◀de▶ discorde ! Toi, notre saint dans ◀la▶ nuée ◀d’▶orage, oh ! oh ! oh !… Ne cesse pas ◀d’▶implorer Dieu pour nous !