I. Naissance de▶ ◀la▶ Ligue
Au mois ◀de▶ juin 1940, une douzaine ◀d’▶hommes se réunirent pour tenter ◀de▶ mettre en commun leurs efforts au service du pays.
◀La▶ gravité ◀de▶ ◀l’▶heure favorisait ◀la▶ rencontre ◀d’▶anciens adversaires. ◀Les▶ préjugés tombaient devant ◀le▶ péril. ◀L’▶opinion, tout d’abord désorientée, s’ouvrait aux solutions nouvelles. Il importait que ces solutions fussent trouvées dans un esprit suisse, et non pas importées ◀de▶ ◀l’▶étranger. Il importait ◀de▶ fixer sans équivoque ce qui devait être à tout prix conservé, dans notre héritage helvétique, et ce qui devait être rénové en toute indépendance, et selon nos coutumes.
On se mit rapidement d’accord pour définir, comme suit, ◀la▶ situation présente :
1. ◀La▶ Suisse est réduite à elle-même, comme elle ◀le▶ fut souvent au cours de son histoire. Elle survivra à cette crise européenne, si elle parvient à surmonter ses divisions, et à collaborer à sa manière à ◀l’▶édification ◀d’▶un ordre neuf.
2. ◀L’▶effondrement ◀de▶ ◀la▶ démocratie française ne saurait ébranler notre foi dans ◀la▶ démocratie fédéraliste, ◀d’▶esprit chrétien, sur laquelle s’est fondée ◀la▶ Suisse.
3. ◀La▶ défense à tout prix ◀de▶ notre indépendance et ◀la▶ lutte contre ◀le▶ défaitisme sont ◀les▶ tâches urgentes ◀de▶ ◀l’▶heure. Ceux qui doutent ◀de▶ ◀la▶ nécessité ou ◀de▶ ◀la▶ possibilité ◀de▶ notre résistance sont des traîtres. ◀L’▶affirmation unanime ◀de▶ notre volonté absolue ◀de▶ défense quoi qu’il arrive, est notre seule chance ◀de▶ salut.
4. Il n’y aurait pas ◀de▶ défaitisme si chaque citoyen suisse était pleinement conscient ◀de▶ ce que signifie ◀la▶ Suisse comme idéal et comme trésor ◀de▶ libertés civiques chèrement conquises.
5. Il n’y aurait pas ◀de▶ défaitisme si chaque citoyen suisse voyait ◀la▶ possibilité ◀de▶ travailler positivement aux réformes indispensables dans ◀l’▶ordre social, économique et politique. On ne peut pas mourir pour ◀la▶ Suisse si ◀l’▶on n’a pas ◀de▶ raisons ◀de▶ vivre pour elle.
6. Il est évident que ◀les▶ réformes nécessaires ne peuvent être réalisées, dans notre État fédératif, ni par ◀la▶ droite seule, ni par ◀la▶ gauche seule. Il y faut ◀la▶ collaboration ◀de▶ tous ◀les▶ groupes vivants du pays.
7. ◀Les▶ notions ◀de▶ « droite » et ◀de▶ « gauche » se trouvent pratiquement dépassées par ◀l’▶évolution ◀de▶ ce siècle. Elles ne correspondent plus aux problèmes concrets, et ne traduisent plus ◀les▶ véritables oppositions politiques (telles que fédéralisme ou totalitarisme).
8. ◀La▶ jeunesse se tourne aujourd’hui de plus en plus vers ◀les▶ groupes agissant en dehors des partis. C’est ◀l’▶action ◀de▶ ces groupes qu’il faut organiser si ◀l’▶on veut faire du neuf dans un esprit nouveau.
9. ◀Les▶ programmes sur ◀le▶ papier sont moins importants que ◀la▶ confiance qui naît ◀de▶ contacts personnels entre hommes résolus à ◀l’▶action. ◀L’▶esprit ◀d’▶équipe doit remplacer ◀l’▶esprit ◀de▶ parti.
10. ◀Les▶ plus grands obstacles à ◀la▶ rénovation ◀de▶ ◀la▶ Suisse sont : d’une part, ◀le▶ défaut ◀de▶ responsabilité personnelle à tous ◀les▶ degrés du pouvoir ; d’autre part, ◀le▶ défaut ◀d’▶organisation et ◀de▶ discipline dans ◀les▶ efforts ◀de▶ ◀la▶ jeunesse. ◀De▶ cette situation découlaient logiquement ◀les▶ grandes lignes ◀d’▶une action nécessaire et urgente. Restait à lui donner un organe ◀d’▶action.
◀Les▶ événements actuels vont vite. Il s’agit ◀de▶ ◀les▶ précéder. Un rythme accéléré ◀d’▶actions et ◀de▶ décisions est ◀la▶ condition primordiale ◀de▶ toute défense efficace du pays. C’est pourquoi, au lendemain des prises ◀de▶ contact préalables organisées entre diverses personnalités qu’on pouvait supposer sympathiques en principe à un mouvement ◀de▶ ce genre, ◀les▶ éléments ◀les▶ plus jeunes qui avaient participé à ces rencontres fondaient entre eux un comité ◀d’▶action, adoptaient ◀le▶ nom ◀de▶ Ligue du Gothard, fixaient ◀les▶ cadres ◀de▶ ◀l’▶organisation et publiaient un premier manifeste, suivi peu de jours après ◀de▶ principes et ◀d’▶un plan ◀d’▶action, ◀le▶ tout inséré dans un bon nombre ◀de▶ journaux suisses ◀de▶ toutes tendances.
Ces publications — appuyées par un certain nombre ◀de▶ signatures ◀d’▶aînés qui voulurent bien jouer le rôle de parrains — représentaient ◀l’▶acte ◀de▶ naissance plutôt que ◀le▶ programme définitif ◀de▶ ◀la Ligue.