Les▶ tours du diable IV : ◀L’▶accusateur (5 novembre 1943)l
Il n’est peut-être au monde qu’une seule chose pire que ◀de▶ douter du bien et du réel, et c’est ◀de▶ douter du pardon, une fois qu’on a trahi ◀le▶ bien et ◀le▶ réel. Car douter du pardon nous replonge dans ◀le▶ mal, avec ◀la▶ sombre jouissance masochiste des « après moi ◀le▶ déluge » et des « tant pis pour moi ». Il faut croire au pardon pour oser confesser ◀le▶ mal qu’on a commis ; pour oser qualifier ◀de▶ faute sa propre faute ; et pour que puisse renaître ◀la▶ confiance qui donnera seule ◀le▶ courage ◀de▶ rebâtir. Celui qui doute du pardon ne peut pas confesser son crime, et celui qui ne ◀le▶ confesse pas n’en connaîtra jamais toute ◀l’▶étendue.
◀Le▶ diable est cet Accusateur qui veut nous faire douter ◀de▶ notre pardon pour nous forcer à fuir dans ◀les▶ remèdes du pire. ◀L’▶Apocalypse ◀le▶ désigne comme « ◀l’▶Accusateur ◀de▶ nos frères, celui qui ◀les▶ accuse devant Dieu jour et nuit ». C’est lui qui demandait ◀la▶ tête ◀de▶ Job devant ◀le▶ tribunal céleste. Non content de nous prendre à ses pièges, sitôt qu’il nous a pris il est le premier à nous dénoncer devant Dieu ◀de▶ ◀la▶ manière ◀la▶ plus impitoyable. Non par amour ◀de▶ ◀la▶ justice, mais par amour ◀de▶ notre châtiment, par haine froide. Pour ◀le▶ stérile plaisir ◀d’▶avoir raison.
Aussi, partout où ◀l’▶on condamne sans pitié son prochain ou soi-même, soyez sûrs que c’est ◀le▶ diable qui parle, ◀l’▶Accusateur qui tient ◀le▶ pardon pour une simple faute de logique, ◀la▶ grâce pour une erreur ◀de▶ calcul statistique.
◀La▶ duplicité infernale, c’est ◀de▶ nous faire croire qu’il n’y a pas ◀de▶ juge, ni ◀d’▶ordre divin du réel, et aussitôt que nous ◀l’▶avons cru, ◀de▶ nous accuser ◀de▶ contravention devant ◀le▶ Juge. Ainsi ◀la▶ morale laïque, morale du devoir kantien et des routines bourgeoises, excluant ◀le▶ Dieu personnel, nous accuse et nous prive en même temps ◀de▶ tout recours à Celui qui pardonne. Elle ne laisse aux meilleures ◀de▶ ses victimes que ◀l’▶héroïsme autosadique ◀de▶ ◀la▶ révolte.