VII
Comment rompre ?23
Le▶ jugement va commencer par ◀la▶ maison ◀de▶ Dieu.
I. Pierre, 4, 17.
◀Le▶ faux rapport entre ◀le▶ christianisme et ◀le▶ christianisme ◀de▶ ◀la▶ chrétienté réside en ceci : que ◀le▶ christianisme parle sans cesse ◀de▶ ◀l’▶Éternité, pense continuellement à ◀l’▶Éternel, — et que ◀la▶ chrétienté ensuite parle ◀de▶ ◀la▶ même façon, mais pense à cette vie terrestre.
Kierkegaard (Journal).
◀La▶ volonté ◀de▶ rupture est ◀l’▶origine même du christianisme ; c’est pourquoi ◀l’▶apparition ◀d’▶une volonté contraire définit exactement, pour ◀la▶ chrétienté, ◀le▶ début ◀de▶ ◀la▶ décadence. Il y a des siècles ◀de▶ lutte sourde entre ces deux vouloirs, et tant que dure ◀la▶ lutte ◀le▶ christianisme vainc : sa victoire est ◀d’▶être éveillé. Tel est pour lui ◀l’▶ordre, ◀le▶ commandement. Mais que ◀les▶ chrétiens, fatigués ◀de▶ ◀la▶ lutte, viennent à croire qu’il est une autre façon ◀de▶ vaincre, et que c’est ◀de▶ réduire ◀l’▶adversaire à une paix avantageuse, à une paix dont ils s’imaginent pouvoir tirer bénéfice pour ◀la▶ foi, — bien plus, que ◀les▶ chrétiens considèrent cette paix comme un bien supérieur à ◀la▶ lutte, qu’ils ◀l’▶organisent, ◀la▶ sanctionnent ◀d’▶une autorité que seule leur conférait ◀la▶ rupture initiale, — qu’enfin ils ◀la▶ bénissent, ◀la▶ sanctifient, et en son nom rendent grâces au ciel, alors éclate ◀le▶ scandale, car alors, de par ◀la▶ défection, mais aussi de par ◀la▶ souveraineté, désormais usurpée, ◀de▶ ◀l’▶Église, ◀le▶ désordre se trouve « établi ».
Notre jeunesse s’éveille au milieu des statuts ◀de▶ cette confusion. C’est contre eux dès ◀l’▶abord qu’elle vient buter. On a tout dit pour ◀la▶ rendormir, mais en vain : elle s’est fait mal, et ◀la▶ douleur tient réveillé. On a essayé ◀de▶ nous faire croire que cet « ordre » social qui nous blessait, c’était un aspect nécessaire ◀de▶ ◀l’▶« ordre chrétien » du monde. Nous ne ◀l’▶avons pas cru longtemps, — ◀le▶ temps ◀de▶ nous souvenir ◀de▶ ◀la▶ guerre. Aujourd’hui, des imprécations montent ◀de▶ toutes ◀les▶ parties ◀de▶ ◀la▶ terre contre une chrétienté qui, loin ◀d’▶avoir maudit ◀la▶ guerre et surtout ce qui ◀l’▶a permise, prétend encore dominer sur ◀l’▶Europe, et ne peut maintenir cette apparence ◀de▶ règne qu’en confondant scandaleusement sa cause avec ◀la▶ cause ◀de▶ ceux qui réellement gouvernent. (On sait ce qu’ils sont.)
Il faut qu’un cri jaillisse : c’en est fait du christianisme ◀de▶ ◀la▶ chrétienté ! Car ce cri est ◀le▶ témoignage ◀d’▶un réveil. Et quand bien même il ne serait poussé que par quelques-uns, rien ni personne ne pourra faire qu’il n’y ait eu cette preuve, aujourd’hui, ◀d’▶une volonté ◀de▶ rupture, ce témoignage qui chaque fois qu’il est porté, rétablit ◀le▶ christianisme et sa nouveauté menaçante.
Que ◀la▶ passion qui nous arrache ce cri, nous rende aussi lucides et efficaces ! Nous voulons rompre, et nous savons qu’il y faudra ◀de▶ ◀la▶ violence. Mais où porter ◀le▶ coup ? qui dénoncer ? au nom de quoi ? ◀La▶ rupture ne pourra s’opérer qu’au lieu même où ◀la▶ collusion s’est faite. Or elle n’a pas pu se faire entre ◀le▶ christianisme et ◀l’▶injustice ◀de▶ ce monde, l’un n’existant que pour autant qu’il exclut l’autre. Ce n’est pas ◀le▶ christianisme qui a confondu sa cause avec celle ◀de▶ ◀la▶ bourgeoisie capitaliste. Mais c’est un parti ◀de▶ gens qui, ayant peut-être été chrétiens, veulent en tirer des intérêts, abusent ◀de▶ ce qu’ils considèrent comme un privilège, ◀le▶ perdent par là même, et dérogent, mais s’obstinent à porter un titre désormais irrecevable. Ce parti peut être aussi nombreux que ◀l’▶on voudra, il peut représenter ◀la▶ grande majorité des prétendus croyants, ◀l’▶élément ◀le▶ plus voyant, ◀le▶ plus officiel et ◀le▶ plus puissant ◀de▶ ◀la▶ chrétienté, — il n’est pas ◀le▶ christianisme, et ce n’est pas à lui ◀de▶ rompre avec ◀l’▶injustice dont il s’est fait ◀le▶ soutien, et qui, depuis, assure son succès relatif. Une église « établie » établissant à son tour un ordre injuste du monde et s’appuyant sur lui, en réalité n’est plus ◀l’▶Église et n’a plus ◀le▶ droit ◀de▶ parler ; elle n’est plus qu’une précieuse auxiliaire ◀de▶ ◀la▶ préfecture ◀de▶ police.
Qu’on n’attende donc pas ◀de▶ nous un appel aux Églises en tant que corps constitués et officiels24. Non, en présence du scandale ◀de▶ ◀la▶ chrétienté embourgeoisée, patriotarde, riche et peureuse, ◀les▶ églises auraient beau multiplier ◀les▶ manifestations publiques, ◀les▶ assemblées pacifistes, ◀les▶ prières pour enrayer ◀le▶ chômage, ◀les▶ encycliques, ◀les▶ vœux, ◀les▶ résolutions, ◀les▶ protestations et ◀les▶ collectes, elles ne pourront qu’attester par là même qu’elles ne sont plus ◀le▶ christianisme, qu’elles sont incapables ◀de▶ rupture, qu’elles ont passé au camp ◀de▶ ◀l’▶ennemi, et depuis si longtemps qu’elles parlent maintenant sa langue, adoptent ses préjugés, singent ses pires faiblesses et bénissent ses canons.
Bien moins encore que tout cela, attendons-nous ◀de▶ nos églises qu’elles énoncent une doctrine sociale opposée aux doctrines régnantes. Nous n’attendons rien ◀d’▶aucun acte délibéré, pesé et calculé, tendant à désolidariser ◀la▶ « chrétienté » du désordre établi. Et pourquoi ? Parce que c’est tout à fait impossible, parce que ◀la▶ « chrétienté » est sécularisée, et qu’on ne peut demander à ce siècle ◀de▶ rompre avec lui-même, ◀de▶ s’arracher ◀le▶ cœur.
Il n’y a ◀de▶ rupture possible qu’au nom de ◀l’▶Évangile25. Elle ne peut se produire qu’entre ◀le▶ christianisme véritable et cette « chrétienté » qui s’en réclame encore au moment où elle ◀le▶ trahit.
Telle sera donc ◀la▶ forme et tel sera le premier lieu ◀de▶ ◀la▶ rupture nécessaire : ◀la▶ dénonciation ◀d’▶une imposture, partout où ◀la▶ chrétienté, ayant touché ses 30 deniers, voudra parler encore au nom du christianisme.
◀Le▶ christianisme n’est pas une puissance à notre disposition, puissance que ◀les▶ hommes auraient eu ◀le▶ tort, simplement, ◀de▶ mal utiliser, ◀de▶ négliger. Il n’y a pas, en vérité, ◀de▶ « forces chrétiennes » spécifiques, constituées, existant en elles-mêmes, qui auraient été introduites dans ◀le▶ monde par Dieu, que nous aurions mal dirigées, compromises par maladresse, et que nous pourrions, par exemple, dégager ◀de▶ leurs complicités avec ◀les▶ « forces du monde ». ◀Le▶ chrétien ne connaît pas ◀d’▶autre force réelle que celle ◀de▶ ◀la▶ foi. Or cette unique force ne lui appartient pas ; tout au plus ◀le▶ saisit-elle, ◀d’▶une manière imprévisible. ◀La▶ seule liberté qui lui soit accordée vis-à-vis de ◀la▶ foi, c’est ◀de▶ ◀la▶ refuser. Comment dès lors ◀l’▶utiliserait-il à son gré ? Car d’une part, il ne peut pas ◀la▶ compromettre, et ce qu’il compromet, c’est toujours autre chose. Mais d’autre part, et pour ◀la▶ même raison, il ne peut s’en targuer pour fonder un « ordre chrétien », et s’il ◀le▶ fonde, c’est en réalité sur une tout autre force que celle ◀de▶ ◀la▶ foi. Ce peut être sur une éthique ◀de▶ puissance et ◀de▶ service ; ou sur une éthique ◀de▶ bonheur ; ou sur un idéal humanitaire ; ou sur un idéal ◀de▶ sécurité ; ou sur des intérêts plus bassement optimistes encore. Toutes ces formules ◀d’▶ « ordre chrétien » ont été plus ou moins réalisées, et constituent dans leur ensemble, du Moyen Âge à ◀l’▶Amérique moderne, ◀la▶ grande Imposture dont nous avons à dénoncer ◀l’▶origine permanente et ◀les▶ manifestations actuelles.
Ne nous excusons pas ◀d’▶avoir recours ici à des formules théologiques, puisque précisément, à ◀l’▶origine du désordre, et plus encore dans son établissement, nous trouvons ce désir trop humain ◀de▶ parler des choses ◀de▶ ◀la▶ foi dans ◀le▶ langage du bonheur terrestre. ◀La▶ rupture que nous voulons n’aura ◀de▶ conséquences politiques que si nous posons ◀le▶ problème sur son plan réel. Or, ◀le▶ lieu ◀de▶ sa décision n’est pas ◀le▶ lieu des décisions et des calculs humains ; il est à l’intérieur de ◀la▶ religion.
◀Les▶ églises qui se crurent en droit ◀d’▶édicter un « ordre chrétien », se fondaient toutes, et se fondent encore, sur une conception antichrétienne ◀de▶ ◀la▶ foi. ◀La▶ foi, pour elles, est une « force » que ◀l’▶homme peut se procurer, apprivoiser, réglementer, administrer dans ◀la▶ durée. C’est une force que ◀l’▶Église aurait, une fois pour toutes. Et cette possession serait en quelque sorte garantie par des institutions de plus en plus humaines, de plus en plus semblables — oh ! tout extérieurement ! — à celles qu’inventent ◀les▶ hommes sans ◀la▶ foi. C’est ◀la▶ meilleure façon que ◀le▶ monde ait trouvée ◀de▶ rejeter ◀le▶ Christ : feindre ◀d’▶accepter ◀la▶ doctrine ◀de▶ ses disciples, se faire un avoir ◀de▶ ◀la▶ Pauvreté évangélique, et bientôt ne plus vivre que sur ◀les▶ intérêts ◀de▶ cet avoir.
Mais si ◀la▶ foi, don ◀de▶ Dieu, et gratuit — « afin que nul ne se glorifie » — est une participation instantanée à ◀l’▶éternel, elle juge et condamne ceux-là d’abord qui s’en réclament. Et c’est pourquoi il y a un imposteur dans tout homme qui se dit chrétien. (On ne peut dire cela que ◀d’▶un point de vue chrétien.) Mais c’est aussi pourquoi il y a une suprême imposture dans tout programme prétendu chrétien, dans toute politique humaine organisée — fût-ce à ◀la▶ gloire ◀de▶ Dieu ! — qui poursuivrait son plan sans se soucier ◀de▶ ◀la▶ justice ◀de▶ Dieu. Et ◀la▶ voix du prophète s’élève contre ◀l’▶Église : « Tes amis t’ont jouée, t’ont dominée, ceux qui mangeaient ton pain t’ont dressé des pièges — et tu n’as pas su t’en apercevoir ! — Toi qui t’assieds sur ◀les▶ hauteurs et qui dis en toi-même : Qui me précipitera jusqu’à terre ? — Quand tu placerais ton nid aussi haut que celui ◀de▶ ◀l’▶aigle, quand tu placerais ton nid parmi ◀les▶ étoiles, je t’en précipiterai, dit ◀l’▶Éternel… Car ◀le▶ jour ◀de▶ ◀l’▶Éternel est proche pour toutes ◀les▶ nations. » (Abdias, 3-4 et 15.)
Ils ont prétendu rendre à Dieu ce qu’en réalité ils rendaient à César. Entraînée dans cette politique, ◀la▶ théologie se fait servante ◀de▶ ◀la▶ chose publique. Et que voit-on dès lors ? Présentement ? — On voit des Georges Goyau et autres « croyants » décorés, s’indigner ◀de▶ ce que ◀les▶ sans-Dieu parlent ◀de▶ confisquer à leur profit « ◀la▶ primauté du Christ et celle ◀de▶ ◀l’▶Europe »26. ◀L’▶on voit des von Papen, délégués par ◀l’▶industrie lourde au gouvernement ◀d’▶une nation « chrétienne » revendiquer dans leurs discours ◀la▶ défense des « valeurs » chrétiennes, pour appuyer des décrets-lois. ◀L’▶on voit des clergymen prier pour ◀le▶ dollar, des évêques asperger des croiseurs, un Te Deum à Londres et un autre à Berlin pour célébrer ◀le▶ même massacre. On voit une nuée ◀de▶ piétistes et ◀de▶ bigots demeurer agressifs dans leur volonté ◀de▶ confondre ◀la▶ morale petite-bourgeoise avec ◀les▶ ordres ◀de▶ ◀la▶ foi. Et ◀l’▶on a vu Babitt. Mais n’allons pas chercher si loin. Ouvrons un journal ◀de▶ Paris. Un discours chaleureux du Père de la Brière27 voudrait nous enflammer contre une espèce ◀de▶ bolchévisme qu’il décrit ainsi : « Dans cette philosophie et cette morale est délibérément supprimée toute idée ◀de▶ liberté, toute idée ◀de▶ propriété, toute idée ◀de▶ patrie… [et ◀l’▶énumération se poursuit jusqu’à ceci] : Chose plus atroce encore [sic] ◀l’▶idée chrétienne, ◀l’▶idée religieuse ◀l’▶idée même ◀de▶ Dieu est abolie… » Ne pouvant supporter ◀l’▶idée que cette « idée » soit abolie, ◀le▶ Père de la Brière lance un vibrant appel aux écrivains : qu’ils nous écrivent des romans contre ◀le▶ bolchévisme, et ◀l’▶on donnera 50 000 francs au mieux pensant. Et Figaro ◀de▶ conclure : « En terminant ◀l’▶éminent religieux déclara que ce concours international avait pour but ◀de▶ contribuer à ◀la▶ sauvegarde des hautes valeurs spirituelles et des vérités saintes que ◀l’▶Académie ◀d’▶éducation et ◀d’▶entraide sociale a pour mission ◀de▶ servir et ◀de▶ faire rayonner. » — ◀L’▶idée ◀de▶ propriété, ◀l’▶idée chrétienne28, ◀les▶ hautes valeurs, ◀les▶ vérités saintes, — ◀l’▶Académie ◀d’▶entraide sociale enfin ! Contribution à ◀la▶ « sauvegarde » : 50 000 francs.
Ah ! qu’un sans-Dieu vienne me dire : je ne crois pas à, vos paroles, chrétiens, menteurs ! — et je lui répondrai : Ta révolte est la mienne, mon humaine révolte. Mais j’en ai une autre plus profonde : celle ◀de▶ voir qualifier ◀de▶ « chrétienne » une « idée » qui sert ◀l’▶injustice établie. Tu ne crois pas à ces paroles et tu fais bien, même si tu en souffres ; mais j’ai encore plus à souffrir, car je suis encore plus sceptique que toi…
Tu ne crois pas, dis-tu, à ces docteurs, mais pourquoi ◀les▶ crois-tu soudain, quand ils se donnent pour chrétiens ?
Quand, par ◀la▶ maladie du monde, ◀la▶ « chrétienté » se trouve menacée, c’est déjà qu’elle mérite ◀la▶ mort. ◀Les▶ uns alors défendent ses propriétés, je ne sais quelles régions spirituelles dont tout leur être — et cette maladie même ! — prouvent ◀l’▶inexistence ou ◀la▶ disparition. On leur répond qu’il y a prescription : ◀l’▶Esprit n’est plus avec ceux qui ont intérêt à ◀le▶ défendre. ◀L’▶Esprit n’est plus avec ceux qui ont cru pouvoir ◀l’▶utiliser. ◀L’▶esprit n’est jamais avec ceux qui ◀le▶ défendent29, mais peut-être avec ceux qu’il excite à ◀l’▶attaque du désordre. « On voit maintenant, dit Kierkegaard30, toute ◀l’▶extraordinaire sottise (s’il faut lui laisser toutefois ◀de▶ ◀l’▶extraordinaire) ◀de▶ défendre ◀le▶ christianisme, ◀la▶ piètre connaissance ◀de▶ ◀l’▶homme que ◀l’▶on trahit ainsi, et, comment cette tactique, encore qu’inconsciente, lie partie sous-main avec ◀le▶ scandale, en faisant du christianisme quelque chose ◀de▶ si lamentable, qu’il faille à ◀la▶ fin plaider pour ◀le▶ sauver. »
Rompre avec ◀le▶ désordre établi, c’est faire en sorte simplement qu’il cesse ◀d’▶être « établi ».
Qu’il ait pu ◀l’▶être, ◀la▶ faute n’en est pas à lui, mais à ◀la▶ défection du christianisme ; à cette défection élevée au rang ◀d’▶Institution ecclésiastique, qui aujourd’hui prétend durer et se défendre contre ◀le▶ monde soulevé. Étrange illusion, certes, puisque en ◀le▶ sanctionnant naguère, elle a perdu ◀la▶ seule force qui ◀le▶ dominait. « Car ◀le▶ péché n’est pas ◀le▶ dérèglement ◀de▶ ◀la▶ chair et du sang, mais ◀le▶ consentement ◀de▶ ◀l’▶esprit à ce dérèglement. »31
Et pourtant, nous n’avons jamais à dresser notre christianisme contre ◀le▶ monde, comme une force positive contre une force de même ordre. Assez ◀de▶ cette « politique chrétienne » où ◀l’▶on embarque une prétendue foi dans ◀les▶ plus discutables déterminations ◀de▶ ◀l’▶avenir. ◀L’▶office ◀de▶ ◀l’▶Église est en tout temps ◀de▶ dire au monde : Tu ne dois pas ! Mais c’est à ◀la▶ foi seule ◀de▶ me dire : Tu dois ! En son nom je ne puis engager que moi-même, hic et nunc. ◀La▶ politique est affaire ◀de▶ systèmes ; mais ◀l’▶ordre, pour ◀le▶ chrétien, sera toujours ◀de▶ vouloir sur ◀le▶ champ ◀le▶ plus juste. Car ce qui manifeste ◀la▶ foi, c’est ◀le▶ choix et non pas ◀le▶ système : il n’est ◀de▶ choix que personnel. Ainsi ◀le▶ rôle ◀de▶ ◀l’▶Église doit-il rester ◀de▶ porter sur ◀le▶ monde un jugement permanent et enseignant ; tandis que ◀la▶ révolution dans ce qu’elle a ◀de▶ nécessairement constructif, reste ◀le▶ lieu ◀d’▶obéissance privilégié pour ◀le▶ chrétien, mais ne se confond pas avec ◀l’▶enjeu ◀de▶ son salut.
Tel est ◀le▶ paradoxe, qui remonte au cœur même du christianisme, si ◀le▶ christianisme est ◀la▶ foi au Christ « éternellement actuel ».
Cette foi est inaliénable. Elle ne constitue pas un ordre : elle donne des ordres, simplement. Elle n’est jamais entrée en collusion avec aucune durée, étant ◀la▶ rupture ◀de▶ toute durée. Mais dès lors, nous savons ◀le▶ véritable nom ◀de▶ ◀la▶ rupture, son lieu, son mode et son enjeu total : rétablir à chaque instant ◀le▶ christianisme, dans sa nouveauté prophétique, tel est ◀l’▶Acte — ◀le▶ seul ! — et tel est aussi ◀le▶ mystère ; car cette seule Rupture effective surpasse absolument nos forces, en même temps qu’elle en exige tout : c’est ◀la▶ conversion.