Avertissement
Le▶ Journal ◀d’▶un intellectuel en chômage décrivait ◀la▶ France ◀de▶ ◀l’▶entre-deux-guerres. ◀Le▶ Journal ◀d’▶Allemagne montrait ◀l’▶hitlérisme dressé contre elle et contre toute ◀l’▶Europe. Ce troisième récit, qui se passe surtout en Suisse et en Amérique pendant ◀la▶ guerre, mais aussi dans d’autres pays, a pour véritable sujet non plus une nation, un régime, mais ◀le▶ désordre ◀de▶ ◀l’▶époque, vu ◀de▶ près.
Pas plus que ◀les▶ deux précédents, ce journal n’est vraiment « intime ». (Il m’arrive ◀d’▶en tenir ◀de▶ ce genre, mais je ◀les▶ garde pour mon seul usage.) Dans toutes ◀les▶ notes et réflexions que j’ai écrites pendant sept ans — et dont un certain nombre ont paru à leur date, réagissant à ◀l’▶événement — j’ai fait un choix, éliminant ◀la▶ confidence et ne gardant en général que ◀les▶ fragments que j’estimais à tort ou à raison significatifs ◀de▶ ◀l’▶époque. Si j’ai cependant pris soin ◀d’▶indiquer çà et là, par ◀de▶ brèves allusions tout au moins, certaines circonstances privées, c’est qu’il est parfois important ◀de▶ situer ◀le▶ sujet qui décrit par rapport aux objets ◀de▶ sa description, ne fût-ce que pour donner une clé ◀de▶ correction. Car selon que ce sujet se trouvera plus ou moins engagé dans ◀la▶ vie ◀d’▶une nation, plus ou moins compromis ou façonné par une condition sociale ou un métier, il est clair qu’il jugera différemment, et donc verra d’autres réalités qu’un touriste qui se croit objectif ou ◀l’▶habitant sédentaire du pays. ◀La▶ ligne ◀d’▶horizon dépend à chaque instant ◀de▶ ◀l’▶endroit où nous nous tenons, elle se déplace et change, et ◀l’▶on peut dire que nous ◀la▶ portons avec nous. Ainsi ◀de▶ la plupart de nos observations sur ◀les▶ faits réputés objectifs. Et c’est pourquoi ◀l’▶effort ◀de▶ discrétion ◀de▶ ◀l’▶auteur ◀le▶ plus décidé à ne jamais parler ◀de▶ lui se voit déjoué par ◀les▶ descriptions mêmes qu’il nous propose, et qui ne sont que ◀les▶ rébus ◀de▶ ce qu’il s’imaginait dissimuler. Finalement, quoi qu’on dise on dit tout, si ◀le▶ lecteur a ◀l’▶oreille fine. Il ne reste donc plus qu’à distraire ce lecteur, à orienter son attention vers des objets que ◀l’▶on suppose plus dignes ◀de▶ retenir son intérêt : coutumes, anecdotes et paysages. Et c’est ce que ◀l’▶on trouvera dans ce troisième volume ◀de▶ notes sur ◀l’▶existence ◀de▶ mon temps, — celle dont ◀l’▶Histoire ne parlera pas, ◀la plus réelle.