Intermède
Mémoire de▶ l’Europe
Je ne savais pas que tout était si près, là-bas. J’étais baigné. J’étais fondé. Et je marchais parmi les signes. Sédiments séculaires, socles ◀de▶ nos patries ! Monuments que l’on ne voit plus, mais qui renvoient l’écho familier ◀de▶ nos pas. Et ces rues qui tournaient doucement vers une place plantée ◀d’▶arbres et déserte, aux rendez-vous manqués où je me retrouvais… « Je t’aime. J’aime ! »
J’ai tout dit. L’Europe était patrie ◀d’▶amour. Le silence attendait, l’absence était profonde, et chaque être présent questionnait, répondait. La force était au secret ◀de▶ nos ◀vies▶, nouée parfois dans une rancune obscure, ou bien dans la contemplation jalouse ◀d’▶un vieil arbre — il était vieux déjà du temps ◀de▶ notre enfance, et notre possession la plus tenace, il nous réduisait au silence. La force était chanson fredonnée sur le seuil, au matin ◀d’▶une journée qui se liait aux autres…
(Quand ta force devient visible, c’est comme le sang, c’est que tu es blessé, ta ◀vie▶ s’en va.)
La force était mémoire et allusion. Elle était ce vieil arbre tenace. Elle était la douceur et la sagesse amère des adieux, ou la gaieté ◀d’▶un mot dit en passant. Elle avait les pudeurs ◀de▶ l’amour…
Quand, je me souviens — c’est l’Europe.
Parce que l’Europe est la mémoire du monde, parce qu’elle a su garder en ◀vie▶ tant de passé, et garder tant de morts dans la présence, elle ne cessera pas ◀d’▶engendrer. Elle a maîtrise ◀d’avenir.