Avertissement
Je ne pensais pas écrire sur l’Amérique, parce que j’y avais vécu cinq ans — et l’on sait bien qu’il faut un séjour de▶ trois semaines ou toute une vie pour oser parler ◀d’▶un pays — quand Gérard Boutelleau, ◀de▶ passage à New York, me demanda quelques articles pour un hebdomadaire français.
L’Amérique est indescriptible. On peut en prendre mille instantanés sur la côte ◀de▶ l’Atlantique, puis se transporter dans le Middle West et répéter l’opération entre Saint-Louis et Chicago, continuer dans les déserts rutilants ◀de▶ l’Arizona, visiter quelques stars à Hollywood, les alpes ◀de▶ l’État de Washington à l’extrême nord, voler au sud vers le Nouveau-Mexique et la Louisiane, remonter vers Miami, les Carolines, la Virginie et Washington… Quand on revient à New York tout est changé. Il n’y a plus qu’à recommencer. Et trop ◀de▶ faits collectionnés alourdissent l’imagination. Et comment tirer le portrait ◀d’▶un sujet qui bouge tout le temps ? Mais j’aime les jeux.
Ce petit jeu ◀de▶ société mondiale qu’est la comparaison des peuples, deux à deux, voilà qui serait, me dis-je, un thème possible. Jeu moins frivole d’ailleurs qu’il n’y paraît, car l’une des grandes questions du siècle est sans doute celle ◀de▶ ne point laisser nos moyens matériels ◀de▶ transport distancer la conscience humaine, trop étroitement liée aux cadres nationaux.
On m’écrivait aussi ◀de▶ France, qu’un très grand nombre ◀de▶ Français, généralement peu renseignés, désiraient quitter leur pays et s’établir en Amérique. Le jeu ◀de▶ comparer les deux nations, décidément, devenait sérieux : dans la situation qu’on me peignait, mes articles risquaient ◀d’▶incliner quelques décisions graves — s’en aller ou rester…
Telle, est l’origine ◀de▶, ce recueil1.
Je ne prétends donc pas un instant peindre un tableau complet ◀de▶ l’Amérique. La table des matières non traitées dans le volume tiendrait plus ◀de▶ place que celle qui le termine. Mes articles n’ont ◀d’▶autre unité que l’effort ◀de▶ comparaison que je viens de dire, et je vous laisse juge des résultats. Honnêtement, j’ignore si mon livre est au total plus favorable à l’un des continents qu’à l’autre. La réponse théorique dépend des goûts, et la réponse pratique, des vocations. J’ai choisi pour ma part ◀d’▶être agent ◀de▶ liaison, Européen quoi qu’il m’arrive, et persuadé que l’amitié des deux nations doit se nouer dans l’échange ◀de▶ leurs vérités, après tant de caricatures.