Demain l’▶Europe ! — Une enquête chez ◀les▶ étudiants (16 janvier 1950)
Chers auditeurs,
À ◀l’▶occasion ◀de▶ ◀la▶ récente Conférence européenne ◀de▶ ◀la▶ culture, un groupe ◀d’▶étudiants ◀de▶ Lausanne a pris une initiative qui mérite ◀d’▶être signalée, commentée, et partout où cela sera possible imitée.
Ce groupe ◀de▶ jeunes gens désirait participer, sous une forme ou une autre, à ◀la▶ conférence culturelle. Mais comment faire ? ◀Le▶ nombre des délégués était strictement limité — six ou sept seulement pour ◀la▶ Suisse, par exemple — , et d’autre part il eût été difficile ◀de▶ faire admettre des représentants des étudiants, car en somme, qu’eussent-ils représenté ? En effet, personne ne connaissait ◀l’▶opinion, ou plus probablement ◀les▶ opinions diverses des étudiants sur ◀les▶ problèmes européens. Ne fallait-il donc pas commencer par ◀les▶ découvrir ? C’est ainsi qu’a germé ◀l’▶idée ◀d’▶une enquête à ◀l’▶Université. Quelques camarades se sont réunis pour en rédiger ◀le▶ texte, celui-ci a été approuvé par ◀le▶ recteur, M. Cosandey, et ◀les▶ réponses, recueillies auprès de 700 étudiants environ, en peu de jours, ont été communiquées à ◀la▶ conférence, au cours de sa dernière séance plénière.
Quelles étaient ◀les▶ questions posées ? Elles consistaient essentiellement à demander aux étudiants s’ils croyaient à ◀la▶ réalisation ◀de▶ ◀l’▶Europe unie, à ◀l’▶utilité ◀de▶ ◀l’▶Assemblée de Strasbourg, ou ◀de▶ ◀la▶ conférence ◀de▶ Lausanne, et enfin s’ils avaient eu connaissance jusqu’ici ◀de▶ ◀l’▶activité du Mouvement européen.
Je ne puis vous donner ce soir une analyse détaillée des réponses. Je souhaite vivement que notre presse publie tout au moins ◀le▶ texte des questions et ◀le▶ nombre des oui et des non qui leur répondent. Dans ◀l’▶ensemble, il apparaît qu’une assez nette majorité des étudiants croit à ◀la▶ nécessité ◀d’▶unir nos pays ; qu’une petite moitié environ croit à ◀l’▶utilité ◀de▶ Strasbourg et ◀de▶ ◀la▶ conférence ◀de▶ Lausanne, mais qu’une très grande majorité demande surtout à être mieux informée ◀de▶ ce qui est en train de se faire, et révèle son ignorance ◀de▶ ce qui s’est déjà fait, c’est-à-dire avoue n’avoir pas connaissance du Mouvement européen, par exemple.
Ces résultats sont intéressants à divers titres. Certes, certains d’entre eux sont provisoires par définition. En effet, si je demande à quelqu’un, à brûle-pourpoint : avez-vous jamais entendu parler du pithécanthrope ? et qu’il me réponde non je n’en ai jamais entendu parler, je devrai faire une coche dans ◀la▶ colonne des réponses négatives à mon enquête ; mais un autre enquêteur, posant ◀la▶ même question ◀le▶ lendemain, à ◀la▶ même personne devra faire une coche dans ◀la▶ colonne des réponses positives, nécessairement, puisque j’aurai passé ◀la▶ veille à parler du pithécanthrope… Ainsi, ◀les▶ étudiants qui ont répondu que non, qu’ils n’avaient jamais entendu parler ◀de▶ notre Mouvement, seraient obligés ◀de▶ répondre aujourd’hui que oui, puisqu’ils en ont eu connaissance justement par cette enquête. Voilà qui montre bien ◀l’▶utilité ◀d’▶une pareille initiative : en questionnant ◀les▶ étudiants sur ◀le▶ Mouvement européen, elle leur en révèle ◀l’▶existence, elle ◀les▶ invite à prendre position, ou tout au moins à s’informer, — et elle constitue par elle-même une première information.
Il faut donc espérer que des enquêtes du même genre se multiplieront désormais, tout d’abord dans ◀les▶ universités, en Suisse et à ◀l’▶étranger, mais aussi, et en même temps, dans d’autres milieux, plus larges et aussi variés que possible : dans ◀les▶ ateliers et entreprises comme dans ◀les▶ bureaux, dans ◀les▶ quartiers ◀de▶ grandes villes comme dans ◀les▶ villages, et enfin dans ◀les▶ sociétés ◀de▶ tout genre dont vous faites partie, vous qui m’écoutez ce soir… Et pourquoi n’en prendriez-vous pas ◀l’▶initiative ? Cela ne coûte rien, c’est souvent amusant, et c’est ◀la▶ propagande ◀la▶ plus honnête qui soit, puisqu’elle consiste simplement à attirer ◀l’▶attention des gens sur ◀les▶ questions qui se posent aujourd’hui, — sans forcer ◀les▶ réponses ou ◀les▶ prises ◀de▶ parti.
Je voudrais insister enfin sur ce qui ressort ◀le▶ plus nettement ◀de▶ ◀l’▶enquête des étudiants lausannois : sur cette demande générale ◀de▶ documentation, ◀d’▶information. Je crois ce besoin très répandu, bien au-delà des milieux ◀de▶ ◀l’▶Université, dans toutes ◀les▶ couches ◀de▶ ◀la▶ population. Comment ◀le▶ satisfaire ?
On ne peut pas se contenter ◀de▶ renvoyer tout le monde à une lecture plus attentive ◀de▶ ◀la▶ presse. Car ◀la▶ presse, en Europe, manque ◀de▶ place pour publier des documents ◀de▶ première main, des textes complets — comme cela se fait en Amérique. Elle doit se borner à résumer en quelques lignes ◀les▶ travaux ◀d’▶une longue conférence ◀de▶ 5 jours et 4 nuits, et souvent ◀l’▶essentiel se perd, un détail pittoresque accapare ◀l’▶attention… D’autre part, on ne peut pas non plus écrire à chacun, visiter chaque foyer, parler individuellement à des millions.
Je suggère donc à tous ceux d’entre vous qui auraient ◀le▶ désir ◀de▶ savoir mieux ce qui se passe deux moyens assez simples.
Le premier, c’est ◀de▶ vous mettre en rapport, personnellement ou par écrit, avec ◀le▶ groupe ◀le▶ plus proche de ◀l’▶Union européenne, organisation suisse rattachée au Mouvement européen et qui vous donnera ◀les▶ informations précises que vous souhaitez.
Le second moyen ◀d’▶information, c’est tout bonnement ◀d’▶ouvrir ◀les▶ yeux, ◀de▶ voir ◀la▶ situation ◀de▶ ◀l’▶Europe divisée entre ◀les▶ deux grands blocs hostiles, et ◀de▶ vous demander quelles sont ◀les▶ mesures qu’appelle ◀d’▶urgence une pareille situation. Vous rejoindrez ainsi par vous-même j’en suis sûr, ◀les▶ positions ◀de▶ notre Mouvement. Ces positions, en effet, ne sont pas théoriques, ni subtiles : elles sont dictées par ◀les▶ grands faits que tout le monde connaît. Prenez la peine ◀d’▶y réfléchir : vous vous trouverez naturellement à nos côtés.
◀Le▶ temps me manque ce soir pour commenter ◀les▶ très nombreuses remarques personnelles que ◀les▶ étudiants lausannois ont jointes à leurs réponses à ◀l’▶enquête. Je me promets ◀d’▶y revenir ◀la▶ prochaine fois, et ◀d’▶en discuter quelques-unes, car elles me paraissent bien typiques des réactions infiniment diverses, parfois savoureuses, souvent encourageantes, que ◀l’▶on peut observer dans ◀le grand public, et que beaucoup de vos lettres m’apportent chaque semaine. En répondant aux étudiants, c’est donc à beaucoup d’entre vous que je me trouverai répondre du même coup, personnellement.
Au revoir, à lundi prochain.