Réplique à M. Lasserre (mars-avril 1951)m n
Je regrette que M. Lasserre ait simplifié ma thèse jusqu’à la▶ déformer, et qu’il ait apporté à sa réfutation moins ◀de▶ scrupule que ◀d’▶humeur. J’avais pourtant pris soin ◀de▶ souligner ◀la▶ complexité du problème. Je parlais ◀de▶ « ce mélange ◀d’▶intérêt propre et ◀d’▶intérêt européen » qui a toujours caractérisé notre neutralité et qui ◀l’▶a pratiquement permise. M. Lasserre veut croire que je n’ai considéré que ◀l’▶intérêt européen : c’est sa « grave erreur liminaire ». J’ai naturellement insisté sur « ◀l’▶intérêt ◀de▶ ◀l’▶Europe entière » parce que c’était par ce biais-là que je pouvais aborder ◀le▶ problème suisse, dans ◀le▶ cadre général ◀de▶ ma chronique intitulée « Demain ◀l’▶Europe ». Je n’ai nullement nié ou méconnu ◀l’▶intérêt propre ◀de▶ ◀la▶ Suisse. Il serait toutefois bien léger ◀de▶ penser, ou ◀de▶ laisser croire, que ce propre intérêt soit seul en cause dans ◀le▶ jeu des forces politiques ◀de▶ notre temps !
Où donc ai-je soutenu « sans réserve » que ◀la▶ Suisse devrait subordonner sa politique à « ◀l’▶intérêt des principaux États de l’Europe » ? J’ai dit seulement que si ◀la▶ Suisse un jour décidait ◀de▶ renoncer à sa neutralité, ce ne pourrait être qu’au profit ◀de▶ ◀l’▶Europe entière et ◀de▶ son union fédérale ; et j’ai ajouté : « Encore faut-il que cette union prenne forme. » Telle est ma thèse principale. Au surplus, je souhaitais une discussion sur ◀la▶ neutralité présente et à venir de ◀la▶ Suisse, ◀les▶ circonstances ayant changé depuis dix ans. Demander qu’on discute un budget, ce n’est pas demander sa suppression. (On m’a fort mal compris, mais je ne m’en étonne guère : on comprend toujours mal ceux qui touchent un tabou.)
Je m’étonne davantage qu’un professeur ◀d’▶histoire puisse paraître assimiler ◀la▶ Russie ◀de▶ 1815 et ◀l’▶URSS de Staline, lorsqu’il s’agit ◀de▶ leurs relations avec ◀l’▶Europe ; qu’il tienne ◀l’▶URSS — malgré elle ! — pour une puissance européenne ; qu’il fasse état, très sérieusement, ◀de▶ ce que ◀l’▶OECE « reste ouverte » aux pays ◀de▶ ◀l’▶Est ; et qu’enfin tous ◀les▶ chiffres et proportions qu’il cite vers ◀la▶ fin ◀de▶ son article soient erronés, — ceci pour deux motifs, l’un ◀d’▶interprétation, l’autre ◀de▶ fait.
Tout d’abord, il est clair que je n’ai pas pu « confondre systématiquement » ◀le▶ Conseil de l’Europe avec ◀la▶ fédération du continent : le premier n’étant, comme chacun sait, qu’un effort encore hésitant vers la seconde. Ensuite : ◀le▶ Conseil de l’Europe comprend quinze États, et non dix comme ◀le▶ répète mon censeur, ce qui fausse ses calculs à ◀la▶ base.
Finalement, quelle est ◀la▶ position ◀de▶ M. Lasserre sur ◀le▶ fond du problème, tel qu’il est défini par ◀les▶ points IV et V ◀de▶ votre questionnaire ?o On voit que mes thèses ◀l’▶irritent. Et puis après ? Tenter ◀de▶ me réfuter ne supprime pas ◀le▶ problème du rôle actuel et futur ◀de▶ ◀la▶ Suisse dans ◀la▶ construction ◀de▶ ◀l’▶Europe. C’est sur ce point qu’il eût été intéressant ◀d’▶entendre ◀l’▶historien respecté ◀de▶ Lausanne.