L’▶Association européenne des festivals ◀de▶ musique a cinq ans (1956)ap
À ◀la▶ fin ◀de▶ 1951, répondant à une invitation lancée par ◀le▶ Centre européen de la culture, sur une proposition ◀de▶ son conseiller musical, Igor Markevitch, ◀les▶ directeurs ◀de▶ quinze grands festivals se réunissaient à Genève.
Jamais encore, une telle rencontre n’avait eu lieu dans ◀les▶ annales ◀de▶ ◀l’▶Europe.
Une seule journée ◀de▶ délibérations suffit à dégager un accord unanime. ◀Les▶ quinze directeurs décidèrent avec enthousiasme ◀de▶ créer une organisation commune. Un secrétariat fut établi à Genève, au CEC, et quelques mois plus tard paraissait une brochure contenant ◀les▶ programmes ◀de▶ tous ◀les▶ festivals-membres pour ◀la▶ saison suivante. Premier témoignage tangible ◀d’▶un esprit ◀de▶ collaboration se substituant à ◀l’▶esprit ◀de▶ rivalité, et ◀d’▶une vision européenne dépassant ◀les▶ intérêts locaux tout en ◀les▶ servant.
◀L’▶association nouvelle répondait à un besoin très général.
En effet, ◀la▶ multiplication rapide des festivals ◀de▶ musique dans tous nos pays et presque dans toutes nos villes, posait des problèmes tout nouveaux.
Plus on joue ◀de▶ musique, et mieux cela vaut, dira-t-on. Oui, mais cela peut aussi créer certains dangers pratiques et certaines confusions des valeurs. ◀Le▶ public, sollicité ◀de▶ tous côtés, ne sait plus où aller et voudrait qu’on ◀l’▶oriente. ◀Les▶ artistes, orchestres et ◀les▶ chefs ◀de▶ qualité ne suffisent plus à ◀la▶ demande. ◀Les▶ programmes tendent à devenir uniformes ou routiniers, et à répondre à des exigences plus commerciales qu’artistiques. Certes, on ne peut pas souhaiter, encore moins obtenir, une diminution du nombre des festivals. Mais il faut sauvegarder à tout prix ◀la▶ qualité et ◀le▶ prestige des meilleurs.
Qu’est-ce qu’un bon festival ◀de▶ musique ? Telle est la première question que s’est posée notre association.
Un festival est d’abord une fête, donc quelque chose ◀d’▶exceptionnel, qui sort ◀de▶ ◀la▶ routine des programmes ◀de▶ ◀l’▶hiver et qui doit créer une atmosphère spéciale, à laquelle contribuent non seulement ◀la▶ qualité des œuvres et ◀de▶ leur exécution, mais ◀le▶ paysage, ◀l’▶ambiance ◀d’▶une cité, et ◀la▶ tradition musicale ◀d’▶une région.
Voilà pourquoi ◀l’▶association n’admet comme membres que ceux des festivals européens qui réunissent ces conditions : — ceux qui ont un caractère particulier, une tradition bien définie, des racines locales ou régionales, et un prestige international bien établi.
Pour un festival européen, faire partie ◀de▶ ◀l’▶association devient ainsi une garantie ◀de▶ qualité et ◀d’▶authenticité.
Une idée simple a présidé à ◀la▶ formation ◀de▶ notre association : il s’agissait ◀de▶ présenter ◀l’▶ensemble des meilleurs festivals comme une seule et grandiose manifestation ◀de▶ ◀la▶ musique européenne, dans son unité fondamentale et dans ◀la▶ richesse ◀de▶ ses diversités nationales et régionales.
Notre but est donc à la fois ◀d’▶harmoniser ◀les▶ efforts dans un esprit ◀de▶ collaboration européenne, tout en développant toujours plus ◀le▶ caractère particulier ◀de▶ chaque festival.
Pratiquement, ◀l’▶association s’efforce ◀d’▶atteindre ce but par ◀les▶ moyens suivants :
◀La▶ publication annuelle ◀de▶ ◀la▶ brochure Saison, donnant ◀les▶ programmes des festivals membres plusieurs mois avant que la première note ◀d’▶un concert ◀d’▶ouverture retentisse en Allemagne, en France ou en Italie, offre au public un guide unique en son genre, parce qu’il permet à ◀l’▶amateur ◀de▶ s’orienter vers ◀la▶ qualité, ◀de▶ se composer selon ses goûts un itinéraire des hauts lieux ◀de▶ ◀la▶ musique européenne, et ◀d’▶être assuré qu’il ne sera pas déçu, et qu’il ira vraiment ◀d’▶une fête à l’autre. ◀L’▶échange ◀de▶ « créations », ◀de▶ spectacles nouveaux montés par tel ou tel festival, et dont d’autres pourront ainsi bénéficier, diminue ◀les▶ risques matériels ◀d’▶une création, favorise ◀le▶ renouvellement des programmes et doit stimuler ◀l’▶esprit créateur des artistes contemporains.
◀La▶ création ◀d’▶archives musicales — uniques en Europe — permet à tous ◀les▶ festivals membres ◀de▶ savoir ce qui a été fait par d’autres et dans quelles conditions, quelles sont ◀les▶ œuvres nouvelles à créer, à quels artistes, metteurs en scène ou chefs on pourra faire appel, etc.
Enfin, ◀l’▶étude ◀d’▶entreprises communes, telles qu’une revue musicale européenne ou certaines manifestations artistiques ◀de▶ grande envergure conduit ◀l’▶association à resserrer toujours plus ◀les▶ liens professionnels qui unissent déjà ses membres par-dessus ◀les▶ frontières et ◀les▶ rivalités nationales.
En cinq ans, ◀l’▶association a fait ses preuves. Sa brochure Saison, tirée en trois langues à 160 000 exemplaires, et distribuée dans toute ◀l’▶Europe et en Amérique, donne ◀la▶ preuve ◀d’▶une coopération étroite entre dix-sept des meilleurs festivals ◀de▶ huit pays.
Elle fournit ainsi un exemple, encore modeste, mais convaincant, ◀de▶ cette union européenne qui doit s’opérer dans ◀les▶ cœurs avant de pouvoir s’établir dans ◀les▶ faits, pour notre salut commun et pour ◀la▶ paix. ◀La▶ musique, création ◀la▶ plus typique ◀de▶ ◀l’▶Europe, n’était-elle pas faite pour manifester la première cette communauté profonde des réactions ◀de▶ ◀la▶ sensibilité et ◀de▶ ◀l’▶esprit qui définit une civilisation ?