À pied d’▶œuvre (avril-mai 1956)at
Dès 1948, le rapport culturel du Congrès ◀de▶ l’Europe, réuni à La Haye sous la présidence ◀de▶ Winston Churchill, déclarait :
Les organes juridiques, économiques et politiques que devra se donner l’Union ne sauraient fonctionner au bénéfice des personnes, groupes et nations, que s’ils sont approuvés et soutenus par l’opinion européenne. Celle-ci doit être désormais dotée ◀de▶ moyens ◀d’▶expression réguliers. Elle doit être informée. Elle doit être éduquée dans les nouvelles générations. Elle doit être rendue de plus en plus consciente ◀de▶ l’unité profonde ◀de▶ l’Europe et ◀de▶ la richesse ◀de▶ ses diversités.
Et la résolution culturelle, adoptée par le congrès, précisait que l’une des tâches immédiates du Centre européen de la culture — dont elle demandait la création — serait « ◀d’▶entretenir le sentiment ◀de▶ communauté européenne… dans les établissements ◀d’▶enseignement scolaires, universitaires et populaires ».
Obéissant à ces directives initiales, le CEC s’est intéressé dès ses débuts au domaine ◀de▶ l’Éducation populaire. Une série ◀de▶ rencontres et ◀d’▶études préalables a permis la convocation ◀d’▶une conférence ◀d’▶éducateurs, qui s’est tenue à Genève du 18 au 20 mai 1953, et dont est né le Bureau européen ◀de▶ l’éducation populaire, rattaché au CEC, bien qu’ayant son secrétariat à Bergen, en Hollande. En outre, on trouvera dans la plupart de nos bulletins des informations sur les Foyers ◀de▶ culture et des articles consacrés à leurs problèmes, témoignant ◀de▶ notre souci constant ◀d’▶animer, dans le champ si vaste et presque vierge ◀de▶ l’éducation postscolaire, un courant ◀d’▶informations et une volonté ◀de▶ formation européenne.
Aujourd’hui, pour la première fois, nous abordons le sujet ◀d’▶une manière systématique. C’est que nous avons en vue les projets très concrets que prépare activement la Fondation européenne ◀de▶ la culture.
Le numéro présent est destiné à servir ◀d’▶introduction générale à ces projets. Il se propose ◀de▶ situer le problème ◀d’▶une éducation pour l’Europe. Historiquement d’abord, afin de montrer comment la situation présente résulte ◀d’▶une longue évolution, très caractéristique du génie dynamique et aventureux ◀de▶ l’Europe. Ensuite, dans la conjoncture présente, dominée par les nouvelles théories pédagogiques et par le développement ◀d’▶innombrables entreprises ◀d’▶éducation populaire, répondant aux besoins nouveaux ◀de▶ la société technologique du xxe siècle. Enfin, par rapport au problème brûlant ◀de▶ l’union fédérale ◀de▶ nos peuples. ◀De▶ là les trois articles synthétiques qui forment le corps ◀de▶ ce numéro, et qui n’ont ◀d’▶autre ambition que ◀de▶ présenter sous un juste éclairage l’esquisse du Projet ◀d’▶Éducation européenne ◀de▶ la Fondation.
Le texte ◀d’▶Henri Brugmans, qui leur fait suite, aborde ◀de▶ face, et ◀d’▶un point de vue plus militant, quelques-uns des problèmes concrets que rencontrera toute tentative « ◀d’▶éducation pour l’Europe ».
L’essentiel était pour nous ◀de▶ situer le problème et ◀d’▶orienter le lecteur.
Nous avons constaté, en effet, que le grand public, même cultivé, ignore trop souvent le développement si particulier ◀de▶ l’éducation occidentale au cours des âges : il n’existe pas, à notre connaissance, une seule Histoire ◀de▶ l’éducation en Europe faisant le point des connaissances actuelles, ◀d’▶un point de vue supranational. Il en résulte que le grand public voit très mal le problème éducatif dans son ensemble et dans ses contextes sociaux et politiques. Il en vient à s’imaginer que l’École actuelle aurait existé « ◀de▶ tout temps » et qu’elle suffit à l’éducation des jeunes, alors qu’elle n’a guère que cent à cent-cinquante ans ◀d’▶âge (comme le nationalisme !) et que son insuffisance éducative est attestée, entre autres, par l’apparition spontanée, dans tous nos pays, ◀d’▶entreprises privées ◀d’▶éducation populaire (ou adult education) qui essaient ◀de▶ subvenir à ses carences.
Il était nécessaire ◀de▶ rappeler succinctement ces données générales du problème, afin de définir l’esprit dans lequel viennent ◀d’▶être élaborés les projets ◀de▶ la Fondation, les raisons ◀de▶ leurs limitations volontaires, ainsi que la nature ◀de▶ leurs objectifs immédiats et à long terme.
Puisse ce bref essai ◀de▶ synthèse représenter déjà, et en lui-même, un premier acte ◀d’▶éducation européenne ! Et veuille le lecteur averti excuser les imperfections manifestes ◀de▶ notre tentative, en tenant compte du fait qu’elle est la première ◀de▶ son espèce.