Ce n’est pas au pied du mur… (juin-juillet 1956)aw
Ceux de▶ nos amis, proches ou lointains, qui visitent pour la première fois notre Villa Moynier dans son grand parc, commencent par admirer ◀le▶ lac et ◀le▶ Mont-Blanc, si magnifiquement « mis en page » entre ◀les▶ hautes futaies, ◀les▶ pelouses et ◀le▶ ciel. Et souvent ils nous disent : « C’est trop beau ! Comment peut-on travailler dans ce cadre ? » Nous essayons ◀de▶ leur expliquer ce qui se passe dans nos bureaux, pratiquement et au jour ◀le▶ jour… Et pourquoi ne pas ◀le▶ faire, aujourd’hui, pour ◀les▶ lecteurs ◀de▶ ce bulletin ? À ◀l’▶approche du temps des vacances, il est bon ◀de▶ se retourner vers ◀les▶ mois ◀de▶ travail qu’on vient de vivre. Ce n’est pas encore ◀l’▶heure des bilans, mais celle ◀de▶ se demander si ◀le▶ cap est bien fixé, et ◀de▶ vérifier ◀les▶ commandes.
◀Le▶ programme du Centre est connu : il suffit ◀de▶ lire les premières lignes ◀de▶ notre page ◀de▶ couverture, au dos. Mais un programme ne vaut que ce qu’on en fait. Qu’a-t-on fait dans ces murs depuis six mois ? Que fait-on réellement au Centre ?
◀De▶ janvier au milieu de juin, dix-neuf comités et conseils se sont tenus à notre siège, groupant près de deux-cents personnes venues ◀de▶ tous ◀les▶ horizons européens. À quoi s’ajoutent cinq commissions convoquées par ◀le▶ Centre dans différents pays, et ◀de▶ nombreuses participations ◀de▶ nos collaborateurs à des réunions extérieures. Chacun ◀de▶ ces comités suscités par ◀le▶ Centre a représenté des mois ◀de▶ préparation ; chacun nous a laissé, aussitôt dispersé, son programme « pour exécution immédiate ».
Réunir par exemple, à deux reprises, une douzaine ◀d’▶économistes venant ◀de▶ huit pays, pour des sessions ◀de▶ travail ◀de▶ 2 à 3 jours chacune, voilà qui ne semble pas une tâche surhumaine, encore qu’on se rende mal compte, en général, du volume ◀de▶ correspondance et ◀de▶ démarches préalables que suppose un tel résultat. Mais poursuivre en même temps ◀la▶ préparation ◀d’▶une douzaine ◀de▶ réunions analogues, dans ◀les▶ domaines ◀les▶ plus variés ◀de▶ ◀la▶ culture (au sens très large où nous prenons ◀le▶ mot), voilà qui pose des problèmes passionnants pour ◀le▶ très petit groupe ◀de▶ collaborateurs formant ◀l’▶équipe actuelle du Centre.
Il faut d’abord diagnostiquer ◀les▶ besoins réels ◀de▶ ◀l’▶Europe, ◀les▶ confronter avec ◀les▶ possibilités qui existent ou peuvent être créées, et concevoir des solutions pratiques. Ensuite, il faut chercher ◀les▶ hommes que tel ou tel problème devrait intéresser, ◀les▶ persuader ◀de▶ venir — et qui, ◀de▶ nos jours, n’est pas plus ou moins « surchargé » ? — puis leur présenter, au jour J, des plans préparés sur mesure. Tout cela, c’est ◀la▶ part invisible et souvent décisive ◀de▶ ◀l’▶action. Quelles qu’en soient ◀les▶ difficultés, c’est aux seuls résultats qu’on nous attend. Car ainsi qu’aimait à ◀le▶ dire un grand chef ◀d’▶industrie français, ce n’est pas au pied du mur qu’on connaît ◀l’▶ouvrier, c’est en haut !
Nous pouvons certes, dès maintenant, énumérer quelques aboutissements concrets. Nous avons publié deux numéros spéciaux ◀de▶ ce bulletin qui représentent un effort original : sur ◀les▶ relations culturelles avec ◀l’▶Est et sur ◀l’▶éducation européenne. Notre association des festivals a diffusé 160 000 exemplaires, en trois langues, ◀de▶ sa brochure Saison 1956. Notre service ◀de▶ presse APEA a fait paraître 170 articles sur ◀les▶ problèmes européens dans sept pays. ◀La▶ charte européenne du sportif est désormais dans ◀le▶ domaine public. ◀La▶ Fondation a distribué des subventions à ◀l’▶Association des universitaires ◀d’▶Europe, à ◀la▶ Journée européenne des écoles, à ◀la▶ revue Dokumente et au Collège ◀d’▶Europe pour un atlas économique et culturel ◀de▶ ◀l’▶Europe. Elle a décerné des bourses importantes à cinq jeunes compositeurs…
Toutefois, c’est encore peu, au regard de nos plans. ◀Les▶ mois qui viennent doivent être ceux ◀de▶ ◀la▶ récolte effective des résultats !
Conférences pédagogiques ◀de▶ Bremen, publication en volume, puis en brochures, des rapports du séminaire ◀d’▶économistes, prochains numéros spéciaux du bulletin, départ ◀de▶ nos expériences-pilotes ◀d’▶éducation populaire, lancement international ◀d’▶une collection ◀d’▶ouvrages sur ◀l’▶Europe, formule renouvelée du Prix européen ◀de▶ littérature, distribution mensuelle à ◀la▶ presse ◀d’▶un bulletin ◀d’▶articles et ◀de▶ nouvelles sur ◀la▶ vie ◀de▶ ◀la▶ culture en Europe ; et dans un tout autre domaine, ouvrant ◀l’▶Europe vers ◀le▶ reste du monde, organisation ◀d’▶un dialogue Europe-Inde — pour ne parler que ◀de▶ ceux ◀de▶ nos projets qui, déjà, ont été conduits tout près de ◀la▶ ligne ◀de▶ départ…
Que ◀les▶ résultats obtenus puissent sembler minces encore au regard des plans en cours, rien n’est plus naturel et banal ; qu’ils soient satisfaisants, ◀d’▶une manière relative, au regard des moyens dont dispose notre équipe, nous ◀le▶ pensons peut-être pour la première fois. Mais ce qu’il n’est qu’honnête ◀de▶ souligner ici, c’est que ◀l’▶ampleur des tâches assumées par ◀le▶ Centre — « réveiller ◀la▶ conscience européenne » et ◀l’▶informer — vaut infiniment plus que tout ce qu’on vient de décrire.
◀L’▶Europe ne sera pas « faite » et sauvée par des plans, mais par des hommes qui ◀la▶ voudront ◀de▶ toute leur âme. Notre effort principal reste ◀de▶ ◀les▶ trouver, et au besoin ◀de▶ ◀les▶ former. Tout se ramène donc, une fois de plus, au problème ◀de▶ ◀l’▶éducation. C’est vers lui que s’oriente notre effort principal, et que convergent tout naturellement ◀l’▶ensemble assez varié ◀de▶ nos activités.