Serrer la main d’un communiste, désormais… (10 novembre 1956)ao
Le▶ dimanche 4 novembre, à 7 h 57, Radio-Kossuth diffuse ◀le▶ texte que voici :
Attention ! attention ! chers auditeurs, vous allez entendre ◀le▶ manifeste de ◀la▶ Fédération des écrivains hongrois. Ici ◀la▶ Fédération des écrivains hongrois : À tous ◀les▶ écrivains du monde, à tous ◀les▶ savants, à toutes ◀les▶ associations d’écrivains et académies, à ◀l’▶élite intellectuelle du monde entier, nous demandons aide et secours. Il reste peu de temps. Vous connaissez ◀les▶ faits. Inutile de rappeler ce qui se passe. Aidez ◀la▶ Hongrie. Aidez ◀le▶ peuple hongrois. Aidez ◀les▶ écrivains, ◀les▶ savants, ◀les▶ ouvriers, ◀les▶ paysans hongrois. Aidez nos travailleurs intellectuels. Au secours ! au secours !
◀Le▶ manifeste est répété trois fois en anglais, en allemand et en russe. Puis quelques minutes de musique. À 8 h 7, Radio-Kossuth se tait.
QUI RÉPONDRA ?
À ces dernières paroles de ◀la▶ révolution déclenchée par ◀les▶ étudiants et par ◀les▶ écrivains du cercle Petöfi, il n’a pas été répondu. Nous ne pouvions pas répondre, ils ◀le▶ savaient. S’ils nous ont appelés, cependant, comprenons ◀la▶ consigne ainsi transmise. Ils voulaient que leur combat survive à leur défaite.
Ce message doit être entendu, cet appel propagé dans ◀le▶ monde entier. Chacun de nous doit maintenant y répondre. Chacun de nous peut faire quelque chose.
◀Le▶ monstrueux forfait de Budapest a mis ◀le▶ communisme au ban de ◀l’▶humanité. Il fallait tout d’abord ◀le▶ déclarer. Mais il faut en tirer ◀les▶ conséquences pratiques. Pour notre part, nous pensons ce qui suit :
Serrer la main d’un communiste occidental, qui approuve « librement » son parti, c’est saluer un complice du crime de Budapest. Publier ses écrits, c’est contribuer au genre de propagande intellectuelle qui mène au crime de Budapest. Discuter ses raisons, c’est oublier qu’elles « justifient » nécessairement ◀les▶ massacres de Budapest. Continuer ◀les▶ dialogues Europe-URSS, engagés sous ◀le▶ signe trompeur d’une « détente » qui vient de montrer sa vraie nature à Budapest, c’est donner dans un guet-apens. Accueillir et fêter ◀les▶ jolies troupes d’artistes, ◀les▶ intellectuels asservis que nous envoie ◀le▶ régime de Moscou, c’est oublier ◀la▶ voix des écrivains martyrs qui nous appelaient de Budapest, et c’est trahir leur testament.
Que chacun s’interroge et décide librement de ◀l’▶action qu’il entend mener, dans sa sphère d’influence personnelle ou civique, contre ceux qui applaudissent au crime, qui tenteront de ◀le▶ faire oublier, ou de lui chercher des excuses.
Que tous ◀les▶ esprits libres qui voudraient s’associer à ◀l’▶action internationale du Congrès pour ◀la▶ liberté de ◀la▶ culture sachent qu’ils trouveront ici des hommes qui n’oublient pas ◀l’▶appel des écrivains de Budapest, qui ne ◀le▶ laisseront pas oublier, et dont tout ◀le▶ programme est maintenant d’y répondre.
Au nom du Congrès pour ◀la▶ liberté de ◀la▶ culture,
◀Le▶ président du comité exécutif,
Denis de Rougemont