Aux racines de▶ ◀l’▶Europe ◀de▶ demain (avril 1957)bi
Chacun sait que ◀les▶ victoires anglaises sont nées sur ◀le▶ gazon ◀d’▶Eton. Par un raccourci analogue, ne pourrait-on pas dire que ces deux grandes défaites européennes : la Première et ◀la▶ Seconde Guerre mondiale, sont nées dans nos manuels ◀d’▶histoire ? Car ◀le▶ nationalisme belliqueux puis totalitaire fut ◀la▶ cause principale ◀de▶ ces conflits. Or il est clair que ◀le▶ nationalisme fomenté par ◀les▶ campagnes napoléoniennes, mis en doctrine tôt après par ◀les▶ philosophes du romantisme allemand, Hegel et Fichte, puis chanté par ◀les▶ poètes « nationaux » du xixe siècle, ne pouvait être véritablement inculqué aux masses que par ◀les▶ manuels ◀de▶ ◀l’▶école primaire.
Ceux-ci, en effet, ne contribuent pas seulement à meubler ◀l’▶esprit, mais à conditionner ◀le▶ jugement, et cela avant ◀l’▶âge où ◀le▶ jeune homme peut se mettre à lire ◀les▶ journaux, à discuter ◀les▶ problèmes politiques avec ◀les▶ aînés qui s’y connaissent, ou à lire pour son compte des ouvrages qui ◀le▶ rendent capable ◀de▶ repenser ou ◀de▶ critiquer ◀les▶ vérités reçues sur ◀l’▶histoire ◀de▶ son propre pays. Lorsqu’il aborde ces débats — et 99 fois sur 100, il n’aura même pas ◀l’▶occasion ◀d’▶aller jusque-là —, ◀le▶ jeune homme a déjà reçu ◀l’▶empreinte du parti pris nationaliste. Son siège est fait, ses préjugés sont acquis. Il interprétera tout selon ses souvenirs scolaires, devenus pour lui seconde nature, et qui lui sembleront par suite indiscutables, comme ◀les▶ proverbes, comme ◀le▶ bon sens lui-même…
Parvenu à ◀l’▶âge adulte, devenu électeur et responsable, — instituteur ou industriel, député ou journaliste, militant ◀d’▶un parti ou fonctionnaire ◀de▶ ◀l’▶État — il ira répétant des « vérités évidentes » dont il est loin de se douter qu’elles ne correspondent plus à ◀la▶ réalité ou qu’elles sont ◀de▶ purs et simples préjugés. Selon ◀la▶ nation dans laquelle il est né et ◀les▶ manuels ◀de▶ son enfance, il se dira contre ◀la▶ CED par crainte de « ◀l’▶Allemagne éternelle », contre ◀le▶ Marché commun par crainte de « ◀la▶ France colonialiste et mal organisée », contre ◀l’▶union européenne au nom du Commonwealth, ou ◀de▶ ◀la▶ neutralité traditionnelle ◀de▶ son pays, ou ◀d’▶on ne sait quels « ennemis héréditaires » qui ont cessé ◀de▶ ◀l’▶être depuis longtemps, tandis que ◀de▶ puissants ennemis — très réels ceux-là ! — nous entourent et nous guettent, prêts à tirer parti ◀de▶ nos divisions.
« Faire ◀l’▶Europe, c’est d’abord faire des Européens ». Ce mot d’ordre, illustré et commenté tout au long du numéro ◀de▶ notre bulletin consacré à ◀l’▶éducation européenne 33, doit inspirer ◀l’▶activité du CEC. Il nous conduit aujourd’hui, tout naturellement, à étudier ◀le▶ problème ◀de▶ ◀la▶ formation européenne à ◀l’▶école et dès ◀l’▶école, c’est-à-dire aux racines ◀de▶ ◀l’▶Europe ◀de▶ demain.
◀Les▶ pages qui suivent apporteront d’abord des études générales sur ce qu’il faut faire, puis une série ◀d’▶informations sur ce qui se fait déjà.
Nous préparons dès maintenant, comme suite à ce numéro, un ensemble ◀d’▶études et ◀de▶ documents sur ◀l’▶enseignement ◀de▶ ◀l’▶histoire dans une perspective européenne.