Heinz Gollwitzer, Europabild und Europagedanke (septembre 1959)cb
Quelle image et quelle doctrine les▶ écrivains, philosophes et penseurs politiques allemands du xviiie et ◀de▶ la première moitié du xixe siècle pouvaient-ils se faire ◀de▶ ◀l’▶Europe ? C’est à cette seule question, strictement définie et limitée, qu’entend répondre ◀l’▶auteur, dans cet ouvrage de plus ◀de▶ 400 pages serrées suivies ◀de▶ 64 pages ◀de▶ notes, où — ◀l’▶ayant pratiqué durant des mois — je n’ai trouvé que trois infimes erreurs ◀de▶ fait ou ◀de▶ dates. Une étude aussi exhaustive ◀de▶ ◀l’▶époque ◀de▶ ◀l’▶Aufklärung, ◀de▶ ◀la▶ Révolution et du romantisme, déborde nécessairement son « objet » scientifique. En fait, Gollwitzer nous donne ici ◀le▶ plus pénétrant ouvrage ◀d’▶histoire intellectuelle paru jusqu’à ce jour et traitant ◀de▶ ◀la▶ « problématique » européenne. Curcio embrasse plus ◀de▶ siècles, Diez del Corral plus ◀d’▶actualité, Reynold et Friedrich Heer sont plus personnels, mais nul n’est plus solide, plus convaincant, moins discutable que Gollwitzer. Sa manière ◀de▶ situer chaque auteur dans ◀le▶ contexte historique, religieux et philosophique ◀de▶ ◀l’▶époque ne pourrait être critiquée que par un marxiste « vulgaire » ou par quelque impatient propagandiste.
◀Le▶ lecteur allemand sera frappé par ◀les▶ étroites et nombreuses connexions que relève ◀l’▶auteur entre ◀la▶ pensée ◀d’▶un Herder, ◀d’▶un Kant, ◀d’▶un Gentz, ◀d’▶un Baader, ◀d’▶un Schlegel ou ◀d’▶un Jakob Burckhardt — et je cite à dessein ceux dont il donne ◀la▶ meilleure analyse — avec ◀la▶ pensée ◀d’▶un Rousseau, ◀d’▶un Burke ou ◀d’▶un Napoléon, ou encore avec ◀l’▶orthodoxie russe, ◀l’▶Inde, ◀l’▶Italie renaissante et ◀la▶ France. ◀Le▶ lecteur français, en revanche, sera surpris ◀de▶ découvrir à quel point ◀la▶ pensée romantique allemande est nourrie ◀de▶ ◀la▶ Reichsgedanke, c’est-à-dire du mythe ◀de▶ ◀l’▶empire, du Saint-Empire romain ◀de▶ nation germanique, que toute ◀la▶ tradition nationaliste française (royaliste avant que jacobine) refoule au sens freudien du terme, caricature ou calomnie tout simplement.
Certes, on peut regretter que dans un ouvrage aussi scrupuleux et sincèrement supranationaliste, ◀les▶ noms ◀d’▶Auguste Comte, ◀de▶ Cattaneo, ◀de▶ Renan — pourtant contemporains ◀de▶ Hegel ou ◀de▶ Ranke, longuement traités — ne se voient même pas mentionnés. Mais rien n’est plus injuste que ◀de▶ reprocher à un auteur ce qu’il n’a pas dit, pour mieux passer sous silence ◀l’▶essentiel ◀de▶ ce qu’il voulait dire, surtout si c’est bien plus encore qu’il n’annonçait dans son titre et dans son sous-titre. ◀L’▶ouvrage ◀de▶ Gollwitzer me paraît véritablement fondamental. Je n’en sais pas de plus reliable comme dit ◀l’▶anglais. Sa traduction en France surtout, mais aussi en Angleterre, en Italie et en Espagne, rendrait un beau service à ◀la▶ cause ◀de▶ ◀l’▶Europe.