Annexe I
L’amour selon les▶ évangiles
Je disais dans mon introduction que ◀les▶ préceptes évangéliques sur ◀l’▶amour, ◀le▶ mariage et ◀la▶ sexualité tiennent en peu de pages. ◀Les▶ voici.
Amour divin
Dieu a tant aimé ◀le▶ monde qu’il a donné son fils unique… (Luc, III, 16).
◀Le▶ Père m’aime parce que je donne ma vie (Luc, X, 17).
Comme ◀le▶ Père m’a aimé, je vous ai aussi aimés… Il n’y a pas de plus grand amour que ◀de▶ donner sa vie pour ses amis… Je vous ai appelés amis parce que je vous ai fait connaître tout ce que j’ai appris ◀de▶ mon Père. (Jean, XV, 9, 13, 15.)
Celui qui garde mes commandements, c’est celui qui m’aime ; et celui qui m’aime sera aimé ◀de▶ mon Père, je ◀l’▶aimerai et je me ferai connaître ◀de▶ lui. (Jean, XV, 15).
Celui qui aime sa vie ◀la▶ perdra, et celui qui hait sa vie dans ce monde ◀la▶ sauvera pour ◀la▶ vie éternelle (Jean, XII, 25).
Jésus sachant son heure venue de passer ◀de▶ ce monde au Père, et ayant aimé les siens qui étaient dans ◀le▶ monde, mit ◀le▶ comble à son amour pour eux. (Suit ◀le▶ récit du lavement des pieds des disciples.) (Jean, XIII, 1).
Enfin, ce passage capital ◀de▶ ◀l’▶Épître ◀de▶ Jean I, 4, 7-21 :
Bien-aimés, aimons-nous ◀les▶ uns ◀les▶ autres ; car ◀l’▶amour est ◀de▶ Dieu, et quiconque aime est né ◀de▶ Dieu et connaît Dieu. Celui qui n’aime pas n’a pas connu Dieu, car Dieu est amour.
… Et cet amour consiste non point en ce que nous avons aimé Dieu, mais en ce qu’il nous a aimés le premier… Si Dieu nous a ainsi aimés, nous devons aussi nous aimer ◀les▶ uns ◀les▶ autres.
Personne n’a jamais vu Dieu ; si nous nous aimons ◀les▶ uns ◀les▶ autres, Dieu demeure en nous.
◀L’▶amour parfait bannit ◀la▶ crainte.
Si quelqu’un dit : J’aime Dieu, et qu’il haïsse son frère, c’est un menteur ; car celui qui n’aime pas son frère qu’il voit, comment peut-il aimer Dieu qu’il ne voit pas ?
Amour du prochain
Je vous donne ce commandement nouveau : Aimez-vous ◀les▶ uns ◀les▶ autres, comme je vous ai aimés (Jean, XIII, 34-35).
L’un des pharisiens, docteur de la Loi, lui fit cette question : quel est ◀le▶ plus grand commandement ? Jésus lui répondit : Tu aimeras ◀le▶ Seigneur ton Dieu, ◀de▶ tout ton cœur, ◀de▶ toute ton âme, et ◀de▶ toute ta pensée. C’est le premier et ◀le▶ plus grand commandement. Et voici le second, qui lui est semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. ◀De▶ ces deux commandements dépendent toute ◀la▶ Loi et ◀les▶ Prophètes (Matt., XXII, 35-40).
Et qui est mon prochain ? (demande un autre docteur de la Loi). Réponse ◀de▶ Jésus : Celui qui a secouru ◀le▶ blessé trouvé au bord du chemin, celui qui a « exercé ◀la▶ miséricorde envers lui » (Luc, X, 29-37).
Vous avez appris qu’il a été dit : Tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi. Mais moi je vous dis : Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent et priez pour ceux qui vous maltraitent, afin que vous soyez fils ◀de▶ votre Père qui est dans ◀les▶ cieux (Matt., V, 43).
◀L’▶amour du prochain est spirituel, totalement étranger aux attachements naturels, aux liens ◀de▶ ◀la▶ chair :
Si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle récompense méritez-vous ? (Matt., V, 46).
Celui qui aime son père ou sa mère, son fils ou sa fille plus que moi, n’est pas digne ◀de▶ moi (Matt., X, 37).
Quelqu’un lui dit : Ta mère et tes frères sont dehors et demandent à te parler : Jésus répondit : Qui est ma mère et qui sont mes frères ? Puis étendant ◀la▶ main sur ses disciples, il dit : Voici ma mère et mes frères (Matt., XII, 46-50).
Si quelqu’un vient à moi et s’il ne hait pas son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères, ses sœurs, et même sa propre vie, il ne peut être mon disciple (Luc, XIV, 26).
Mariage, adultère, divorce
◀Les▶ pharisiens ◀l’▶abordèrent, et dirent, pour ◀l’▶éprouver : Est-il permis à un homme ◀de▶ répudier sa femme pour un motif quelconque ? Il répondit : N’avez-vous pas lu que ◀le▶ Créateur, au commencement, fit ◀l’▶homme et ◀la▶ femme et qu’il dit : C’est pourquoi ◀l’▶homme quittera son père et sa mère, et s’attachera à sa femme, et ◀les▶ deux deviendront une seule chair ? Ainsi ils ne sont plus deux, mais ils sont une seule chair. Que ◀l’▶homme donc ne sépare pas ce que Dieu a joint (Matt., XIX, 3-6).
Vous avez appris qu’il a été dit : Tu ne commettras pas ◀d’▶adultère. Mais moi je vous dis que quiconque regarde une femme pour ◀la▶ convoiter a déjà commis un adultère avec elle dans son cœur (Matt., V, 27).
On amène devant Jésus une femme surprise en flagrant délit ◀d’▶adultère. Faut-il ◀la▶ lapider ? Qu’en pense-il ?
Mais Jésus, s’étant baissé, écrivait avec ◀le▶ doigt sur ◀la▶ terre. Comme ils continuaient à ◀l’▶interroger, il se releva et leur dit : Que celui ◀de▶ vous qui est sans péché jette, le premier, ◀la▶ pierre contre elle.
Jésus se remet à écrire sur ◀la▶ terre. Tous s’en vont. Resté seul avec ◀la▶ femme :
Personne ne t’a-t-il condamnée ? Elle répondit : Non, Seigneur. Et Jésus lui dit : Je ne te condamne pas non plus ; va, et ne pèche plus (Jean, VIII, 3-11).
Il a été dit (par Moïse) : Que celui qui répudie sa femme lui donne une lettre ◀de▶ divorce. Mais moi je vous dis que celui qui répudie sa femme, sauf pour cause ◀d’▶infidélité, ◀l’▶expose à devenir adultère, et que celui qui épouse une femme répudiée commet un adultère (Matt., V, 31).
Sexualité et vie spirituelle
Une femme a eu sept maris. À ◀la▶ résurrection, duquel sera-t-elle ◀la▶ femme ? demandent à Jésus ◀les▶ sadducéens.
Jésus leur répondit : ◀les▶ enfants ◀de▶ ce siècle prennent des femmes et des maris, mais ceux qui seront trouvés dignes ◀d’▶avoir part au siècle à venir et à ◀la▶ résurrection des morts ne prendront ni femmes ni maris. Car ils ne pourront plus mourir, parce qu’ils seront semblables aux anges, et qu’ils seront fils ◀de▶ Dieu, étant fils ◀de▶ ◀la▶ Résurrection (Luc, XX, 34-36).
Ses disciples lui dirent : Si telle est ◀la▶ condition ◀de▶ ◀l’▶homme à l’égard de ◀la▶ femme (interdiction ◀de▶ divorcer, sauf pour cause ◀d’▶infidélité), il n’est pas avantageux ◀de▶ se marier. Il leur répondit : Tous ne comprennent pas cette parole, mais seulement ceux à qui cela est donné. Car il y a des eunuques qui ◀le▶ sont dès ◀le▶ ventre ◀de▶ leur mère ; il y en a qui ◀le▶ sont devenus par ◀les▶ hommes ; et il y en a qui se sont rendus tels eux-mêmes, à cause du royaume des cieux. Que celui qui peut comprendre comprenne (Matt., XIX, 10-12).
Une « femme pécheresse », dit ◀le▶ récit, vient voir Jésus qui est à ◀la▶ table ◀d’▶un pharisien. Elle pleure, essuie ◀les▶ pieds ◀de▶ Jésus ◀de▶ ses cheveux, ◀les▶ baise et ◀les▶ oint ◀de▶ parfum. ◀Le▶ pharisien se dit en lui-même : Si cet homme était un prophète, il connaîtrait ◀de▶ quelle espèce est ◀la▶ femme qui ◀le▶ touche et que c’est une pécheresse. Jésus lui dit :
Ses nombreux péchés ont été pardonnés, car elle a beaucoup aimé. Mais celui à qui on pardonne peu aime peu… Et Jésus dit à ◀la▶ femme : « Ta foi t’a sauvée, va en paix » (Luc, VII, 36-50).
« Car elle a beaucoup aimé » signifie donc, dans ◀le▶ contexte : elle a montré beaucoup ◀d’▶amour pour moi, parce qu’elle se sentait pardonnée et qu’elle a cru à mon pardon.
Jésus, fatigué, s’arrête au bord d’un puits. Une femme ◀de▶ Samarie survient. S’engage un entretien, en termes paraboliques, sur ◀l’▶eau du puits et ◀l’▶eau ◀de▶ ◀la▶ vie éternelle. ◀La▶ Samaritaine comprend. Jésus lui dit : « — Tu as eu cinq maris, et celui que tu as maintenant n’est point ton mari. — Seigneur, lui dit ◀la▶ femme, je vois que tu es prophète. » Et c’est à elle que Jésus dit alors cette phrase capitale :
Dieu est esprit, et il faut que ceux qui ◀l’▶adorent, ◀l’▶adorent en esprit et en vérité (Jean, IV, 24).
Ces textes représentent ◀l’▶essentiel, et presque ◀la▶ totalité, des déclarations ◀de▶ ◀l’▶Évangile sur ◀l’▶amour. Je n’ai omis, je crois, que ◀les▶ développements ◀de▶ Jean sur ◀l’▶amour divin (aux chapitres 14, 15 et 17) et ◀les▶ répétitions, dans ◀les▶ deux autres évangiles synoptiques, des passages cités ◀de▶ l’un des trois.
Quelques observations :
1. Tous ◀les▶ textes cités, dans ◀le▶ contexte général des évangiles, doivent être interprétés « en esprit et en vérité » : on n’y trouve pas un seul jugement purement éthique, mais tout se réfère au Royaume spirituel, dont ◀la▶ « petite semence » est posée dans « ce siècle », dans ◀le▶ monde apparent où nous vivons.
2. Jésus n’a jamais parlé ◀de▶ sa naissance virginale. Pas une seule fois. Mais constamment, ◀de▶ sa filiation céleste, aussi promise à ceux qui aiment, « car quiconque aime est né ◀de▶ Dieu. »
3. ◀Le▶ passage sur ◀les▶ « eunuques… à cause du Royaume » ne cesserait ◀d’▶être mystérieux que s’il était interprété en termes « charnels », comme ◀le▶ fit Origène.
4. Jésus donne quelques-unes ◀de▶ ses révélations ◀les▶ plus profondes à des « gens ◀de▶ mauvaise vie » (dont plusieurs femmes), que ◀les▶ doctes lui reprochent ◀de▶ fréquenter ◀de▶ préférence ; or ce sont ◀les▶ « hommes ◀de▶ mœurs impures » que saint Paul ordonne à ses disciples non seulement ◀de▶ « ne pas fréquenter », mais ◀de▶ « livrer à Satan. »
5. Saint Paul écrit que « ◀les▶ impudiques n’entreront pas dans ◀le▶ royaume ». Mais Jésus dit cela des « riches ». ◀L’▶Occident n’a retenu que ◀la▶ phrase ◀de▶ saint Paul.
6. ◀Le▶ péché signifie ◀de▶ nos jours, pour ◀le▶ chrétien moyen (si ◀l’▶on ose dire) essentiellement ◀l’▶immoralité, non pas ◀le▶ manque ◀de▶ sens du spirituel ; et le premier exemple ◀d’▶immoralité qui vienne à ◀l’▶esprit du chrétien moyen, c’est ◀la▶ contravention aux « lois » ◀de▶ ◀la▶ vie sexuelle. On voit donc où ◀le▶ bât nous blesse, en Occident.
7. En regard des déclarations constantes ◀de▶ Jésus sur ◀l’▶amour spirituel, seul décisif, et ◀de▶ ses rares jugements (autant ◀de▶ pardons, d’ailleurs) sur ◀l’▶amour sexuel « irrégulier », contrastant avec sa sévérité envers ◀les▶ autres « attachements » ◀de▶ ◀la▶ chair, tels que ◀les▶ liens familiaux, voici dans ◀l’▶Évangile une « omission » qui doit faire réfléchir puritains et ascètes : lorsque ◀le▶ diable tente Jésus qui a jeûné quarante jours dans ◀le▶ désert, il ◀le▶ tente par ◀la▶ faim (transforme ces pierres en pains), par ◀la▶ magie (jette-toi dans ◀le▶ vide du haut du Temple et ◀les▶ anges te porteront), et par ◀la▶ puissance (je te donnerai tous ◀les▶ royaumes du monde). Mais non point par cela qui, pour tous ◀les▶ ascètes et puritains, figure ◀la tentation par excellence.