Annexe III
Post-scriptum
I
Une querelle de▶ famille
Dans sa Jeunesse ◀d’▶André Gide, Jean Delay cite une lettre inédite qu’adressait ◀le▶ fameux économiste Charles Gide à son neveu André, ◀le▶ futur prix Nobel. André venait ◀d’▶avouer à son oncle qu’il avait eu, à 25 ans et pour la première fois, des « relations sexuelles » avec une Ouled-Naïl. Charles Gide écrit ◀le▶ 20 janvier 1895 :
Tu as besoin ◀de▶ revenir aux vérités élémentaires ◀de▶ ◀la▶ morale que vos spéculations philosophiques et littéraires ont complètement obscurcies chez vous. Tu aimes beaucoup, dans André Walter du moins, à citer ◀l’▶Évangile. Or, ◀l’▶Évangile dit : « ◀Les▶ impudiques n’entreront point dans ◀le▶ Royaume ◀de▶ Dieu ». Voilà qui est simple et clair. J’entends bien que ton explication tend à établir que, dans ◀les▶ circonstances particulières où il a été fait, cet acte était moral, presque religieux… mais ce sont là ◀de▶ misérables sophismes. En admettant qu’il ne t’ait pas laissé ◀de▶ souvenir voluptueux, il t’aura laissé ◀d’▶obscènes images : c’est l’un ou l’autre. Avec ce raisonnement-là, d’ailleurs, ce n’est pas seulement ◀l’▶acte sexuel, mais ◀les▶ vices contre nature qui pourraient aussi bien être recherchés et expérimentés dans un esprit ◀de▶ curiosité scientifique ou ◀d’▶éducation morale… Dans tout pays, coucher avec une femme sans ◀l’▶aimer est le dernier degré ◀de▶ ◀l’▶avilissement qu’on puisse lui infliger… Mais en voilà assez. « What is done, cannot be undone », dit Lady Macbeth en parlant aussi ◀d’▶une tache que rien ne pouvait effacer.
Or, en couchant avec ◀la▶ jolie Mériem, fille ◀de▶ joie, Gide avait justement essayé ◀de▶ normaliser ses goûts sexuels. Et ◀l’▶on sait que ◀l’▶arrivée à Biskra (un peu trop tôt) et ◀la▶ malencontreuse intervention ◀de▶ sa mère mirent un terme à cette tentative. En jugeant André au nom de sa morale puritaine, ◀la▶ mère ◀le▶ rejetait aux « vices contre nature », et en condamnant « ◀l’▶impudique » au nom de ◀l’▶Évangile et du Royaume ◀de▶ Dieu, ◀l’▶oncle ◀le▶ rejetait à ◀l’▶incroyance.
André Gide jugea ◀la▶ lettre ◀de▶ son oncle « admirable ». Elle ◀le▶ condamnait certes, mais avec quelle virtú paternelle — qui jouait d’ailleurs dans ◀le▶ sens ◀d’▶un complexe ◀d’▶Œdipe jamais élucidé ou éliminé. On peut penser aussi que ◀la▶ sévérité ◀de▶ ◀l’▶oncle à ◀l’▶occasion ◀d’▶une aventure féminine ne pouvait pas déplaire à ◀l’▶homosexuel que Gide venait de découvrir en lui-même. Il ne trouva rien à répondre.
Pourtant, il connaissait son Évangile, sur ce point ◀l’▶oncle Charles avait raison. Que n’a-t-il répondu à cet oncle en lui citant d’autres versets non moins « simples et clairs » : — « Heureux ◀les▶ pauvres, car ◀le▶ Royaume ◀de▶ Dieu est à eux » et : « Il est plus facile à un chameau ◀de▶ passer par ◀le▶ trou ◀d’▶une aiguille qu’à un riche ◀d’▶entrer dans ◀le▶ Royaume ◀de▶ Dieu. »
Charles Gide était économiste. ◀L’▶économie s’occupe ◀de▶ nos richesses, production et répartition. Admettons que « ◀l’▶impudicité » selon ◀l’▶Évangile ne concerne rien ◀d’▶autre que ◀les▶ relations sexuelles (ce dont je doute fort). Or ◀l’▶Évangile, selon ◀la▶ version ◀de▶ ◀l’▶oncle, dit que ◀l’▶impudique n’entre pas au Royaume, mais il dit aussi, et surtout, que ◀le▶ riche ne peut pas y entrer. Celui qui s’occupe ◀d’▶érotisme et celui qui s’occupe ◀d’▶économie seraient donc sur ◀le▶ même plan, s’agissant du salut ?
Sophisme ! s’écrient ◀les▶ bourgeois. C’est qu’ils ont deux poids et deux mesures. D’une part ◀la▶ chose est claire, ◀de▶ l’autre il faut, nuancer. Je demande pourquoi. Je propose que dans ◀les▶ deux cas, on essaie ◀d’▶évaluer, ◀d’▶interpréter ◀d’▶ordonner ◀les▶ moyens à ◀la▶ fin spirituelle.
André Gide, connaissant ◀les▶ Écritures, eût aussi pu répondre à ◀l’▶Oncle Charles que ◀le▶ texte si « simple et clair » qu’il invoquait, n’existe pas dans ◀l’▶Évangile. On ◀le▶ trouve au contraire dans saint Paul (I Corinthiens 6, 10 et 11) : « Ne vous y trompez pas : ni ◀les▶ impudiques, ni ◀les▶ idolâtres, ni ◀les▶ adultères, ni ◀les▶ efféminés, ni ◀les▶ infâmes, ni ◀les▶ voleurs, ni ◀les▶ cupides, ni ◀les▶ ivrognes, ni ◀les▶ outrageux, ni ◀les▶ ravisseurs, n’hériteront ◀le▶ Royaume ◀de▶ Dieu. » ◀Les▶ impudiques sont cités en premier, ◀les▶ voleurs viennent ensuite, et ◀les▶ riches sont omis. Cette hiérarchie n’a rien ◀d’▶évangélique.
II
« Croissez et multipliez »
Vu sous ◀l’▶aspect physiologique, ◀l’▶érotisme est ◀l’▶usage ◀de▶ ◀la▶ sexualité pour d’autres fins que ◀la▶ procréation. ◀Les▶ Églises ◀le▶ condamnent — entre autres attendus — au nom du commandement donné aux Juifs ◀de▶ croître et ◀de▶ multiplier. C’est aussi ◀l’▶argument que ◀l’▶on opposa aux cathares et aux manichéens professant des doctrines ascétiques : ils voulaient ◀l’▶extinction du genre humain. Mais au fait, qui prétendait cela ? Des moines, eux-mêmes voués à ◀l’▶abstinence, à ◀l’▶époque où ◀le▶ pape Grégoire venait ◀d’▶imposer ◀le▶ célibat à tous ◀les▶ prêtres séculiers.
Parce qu’il fut dit aux Hébreux ◀d’▶il y a trois millénaires : « Croissez et multipliez ! », nombre ◀de▶ bons chrétiens croient encore aujourd’hui que ◀la▶ limitation volontaire des naissances est un péché. Mais à ◀l’▶époque où fut donné ce commandement, ◀les▶ Douze Tribus n’étaient qu’un groupe infime dans une population mondiale que ◀l’▶on estime à 30 millions, — chiffre qui ne prétend qu’à indiquer un ordre ◀de▶ grandeur, comparative. Près de 3 milliards ◀d’▶hommes vivent aujourd’hui. Ils seront 6 milliards en ◀l’▶an 2000. S’ils devaient continuer ◀de▶ croître et ◀de▶ multiplier au rythme actuel (◀la▶ population mondiale doublant tous ◀les▶ quarante ans) ils seraient donc 700 milliards dans trois-cents ans. ◀La▶ surface habitable (aujourd’hui) ◀de▶ ◀la▶ Terre étant ◀de▶ 7 milliards ◀d’▶hectares, il y aurait donc un homme tous ◀les▶ dix mètres vers ◀l’▶an 2260. Puis un homme par mètre carré vers 2400. Moins ◀de▶ cent ans plus tard, ils se touchent tous. Ces chiffres sont absurdes : ils montrent en effet que ◀l’▶instinct parfaitement animal ◀de▶ croître et ◀de▶ multiplier, si ◀la▶ croyance aveugle au commandement biblique interdisait effectivement ◀de▶ ◀le▶ maîtriser, mènerait ◀l’▶humanité ◀d’▶une main ferme à sa perte, ◀la▶ mènerait à ◀l’▶enfer sur ◀la▶ Terre ; et que ◀le▶ seul espoir ◀d’▶y échapper sans crime ne pourrait être mis, par ◀les▶ « croyants » que j’ai dit, que dans une Providence qui se manifesterait par des catastrophes naturelles ou des épidémies ◀d’▶une ampleur inouïe. Ou bien, serait-ce Elle qui inciterait un général à décrocher ◀le▶ fameux téléphone rouge déclenchant ◀la▶ guerre atomique ?
Saint Chrysostome écrivait au ive siècle :
Il y a deux raisons pour lesquelles ◀le▶ mariage a été institué : … pour amener ◀l’▶homme à se contenter ◀d’▶une seule femme, et pour nous donner des enfants : mais c’est la première qui est ◀la▶ principale… Quant à ◀la▶ procréation, ◀le▶ mariage ne ◀l’▶entraîne pas absolument… ◀La▶ preuve en est dans ◀les▶ nombreux mariages qui ne peuvent avoir ◀d’▶enfant. C’est pourquoi la première raison du mariage, c’est ◀de▶ régler ◀la▶ concupiscence, maintenant surtout que ◀le▶ genre humain a rempli toute ◀la▶ terre.132
III
Érotisme et sexualité
Je trouve ceci dans un ouvrage occidental sur ◀le▶ yoga : « Il faut convenir que ◀l’▶exaltation effrénée ◀de▶ ◀la▶ sexualité, dans ◀la▶ société contemporaine est sans doute plus catastrophique, pour beaucoup, que ◀l’▶hypocrisie et ◀les▶ tabous du siècle passé. »
◀L’▶affirmation paraît tout arbitraire, en ce sens qu’elle ne repose sur aucune preuve ou enquête, et nous laisse ignorer ◀la▶ nature ◀de▶ ◀la▶ catastrophe alléguée : serait-elle physique, morale, ou spirituelle ? Il y a toutes chances pour qu’une telle phrase traduise moins ◀la▶ réalité que ◀les▶ préjugés antioccidentaux des sectateurs ◀d’▶une discipline venue ◀d’▶Orient et qui se répand ◀de▶ nos jours sur toute ◀la▶ Terre. Mais un autre passage du même livre nous révèle ce dont il s’agit :
« ◀Les▶ vrais yogis professent que ◀le▶ spasme sexuel, pour ◀les▶ hommes, en raison de ◀la▶ perte ◀de▶ liqueur séminale, est un des principaux facteurs ◀de▶ diminution du capital vital. Pour éviter cette déperdition, ils arrêtent ◀l’▶éjaculation par un effort ◀de▶ volonté et ◀la▶ transforment en un épanchement intérieur qui ne ◀les▶ prive pas du plaisir et qui, par ailleurs, reverse dans leur organisme ◀les▶ hormones contenues dans ◀le▶ sperme. »
Ce procédé est bien connu ◀de▶ ◀l’▶Inde : ◀les▶ upanishads et ◀les▶ écrits tantriques ◀le▶ désignent sous ◀le▶ nom ◀de▶ vajrolî mudrâ ou « geste ◀de▶ ◀l’▶éclair » qui, selon ◀le▶ Shiva samhita « détruit ◀la▶ Ténèbre du monde et doit être tenu pour ◀le▶ secret des secrets ». Dans la seconde version ◀de▶ ◀L’▶Amour et ◀l’▶Occident (pages 100 à 108), je soutenais ◀l’▶hypothèse qu’un pareil procédé fût aussi l’un des secrets ◀de▶ ◀l’▶amour courtois.
◀La▶ forme tantrique ou courtoise ◀de▶ ◀l’▶érotisme peut être interprétée ◀de▶ deux manières, soit qu’on ◀la▶ considère comme résultant ◀d’▶une crainte magique, soit qu’on ◀la▶ considère comme visant à « élever » et « animer » ◀le▶ jeu ◀d’▶amour, à des fins proprement érotiques, que certains tiennent même pour spirituelles.
1. ◀La▶ peur ◀de▶ perdre sa vitalité en perdant ◀le▶ semen correspond chez nous — me disent ◀les▶ psychiatres — à un symptôme ◀de▶ névrose caractérisée. Cette peur est plus ouvertement avouée, voire commentée et justifiée, elle est donc plus visiblement active en Orient qu’en Occident. ◀Le▶ sentiment ◀de▶ faute qui, pour un Oriental, peut s’attacher à ◀l’▶acte sexuel, reste ◀de▶ ◀l’▶ordre naturel, pour ainsi dire physiologique, tandis que chez ◀l’▶Occidental il est masqué et relégué aux arrière-plans ◀de▶ ◀la▶ conscience par un sentiment ◀de▶ culpabilité ◀d’▶ordre moral. ◀Les▶ religions hindouistes et surtout bouddhistes, ayant pour fin suprême ◀d’▶éteindre ◀le▶ Désir, cause ◀d’▶attachements à ◀l’▶éphémère, se gardent bien ◀de▶ brider ◀la▶ sexualité : leur morale est à cet égard plus que laxiste : elle est prodigue en bonnes recettes. Au contraire, ◀les▶ doctrines morales déduites à tort ou à raison des évangiles, mais surtout ◀de▶ saint Paul, entendent discipliner ◀le▶ désir naturel dans ◀le▶ seul cadre du mariage procréateur, et interdisent toute relation sexuelle hors de ses liens. Ainsi renforcé et fouetté, ◀le▶ désir sexuel passe outre et surmonte ◀les▶ vieilles craintes magiques, — sauf dans ◀le▶ cas des névroses mentionnées.
Ceci dit, ◀le▶ vajrolî mudrâ ou ◀le▶ tour ◀de▶ force des yogis reversant dans leur corps ◀le▶ semen (s’ils n’ont pas pu ou pas voulu ◀le▶ retenir) ne nous semble pas correspondre à des réalités physiologiques. ◀Le▶ semen ne revient pas en son lieu, mais dans ◀le▶ canal ◀de▶ ◀l’▶urètre, ◀d’▶où il sera bientôt éliminé. ◀Le▶ procédé physique comporte donc une erreur ou tricherie biologique, dont ◀la▶ « vertu » serait au mieux psychologique.
2. Il n’en reste pas moins que cette méthode peut prendre un sens entièrement différent, quand elle devient un moyen ◀de▶ ◀l’▶érotisme, un moyen ◀de▶ maîtriser ◀l’▶instinct pour ◀l’▶ordonner à certaines fins plus « idéales », — nous dirions : pour ◀le▶ sublimer, soit en plaisir détaché ◀de▶ ◀l’▶instinct, soit en amour, soit en adoration ◀de▶ ◀l’▶Éternel féminin au sens mystique. ◀La▶ maithuna tantrique (union sexuelle sacrée) et ◀la▶ cortezia des troubadours correspondent à ce second sens.
◀Les▶ épreuves que ◀le▶ tantrisme fait subir à ◀l’▶amant ont pour but ◀de▶ ◀le▶ faire accéder à une maîtrise ◀de▶ soi telle que ◀le▶ jeu ◀d’▶amour puisse se prolonger très longtemps sans achèvement physique, et sans perte ◀de▶ semen ou bindu. À ceux qui peuvent y parvenir est promise « ◀l’▶immortalité conquise en quinze jours » (lisons, comme ◀le▶ texte y invite, quelques lignes plus bas : « une vie prolongée ») par où ◀l’▶on rejoint ◀la▶ croyance magique ; mais aussi un progrès dans ◀la▶ Voie spirituelle, vers ◀le▶ détachement du concret par ◀l’▶effet ◀d’▶un désir détaché ◀de▶ ◀l’▶instinct et tourné vers ◀l’▶essence divine.
◀La▶ cortezia des troubadours décrit à mots couverts (mais bien assez précis, pour qui sait lire) ce que ◀l’▶on a longtemps pris pour simple « joie ◀d’▶amour », et qui était en fait « ◀le▶ jeu ◀d’▶amour133 », un moyen ◀de▶ ◀le▶ prolonger « sans fin », sans « achèvement », et ◀d’▶élever ainsi ◀le▶ désir à ◀la▶ hauteur ◀de▶ ◀l’▶amour animique et du culte rendu à ◀la▶ Dame (considérée non pas comme femme et comme personne, mais comme symbole ◀de▶ ◀l’▶Anima) tout en échappant aux « conséquences », — lesquelles étaient obligatoires dans ◀le▶ mariage, mais condamnées par ◀le▶ manichéisme des cathares.
C’est dans ◀la▶ cortezia que je vois ◀l’▶origine ◀de▶ ◀l’▶érotisme occidental, et des problèmes qu’il ne cesse ◀de▶ poser et ◀de▶ reposer dans tous ◀les▶ ordres, à notre civilisation. ◀D’▶où ◀la▶ nécessité ◀de▶ ce rappel technique, au terme ◀d’▶un ouvrage dont ◀le▶ sujet n’était nullement ◀la▶ sexualité, mais bien ◀l’▶amour.
Est-il besoin ◀de▶ préciser que cet ouvrage n’est pas un manuel ◀de▶ morale et n’entend pas donner ◀de▶ conseils à qui que ce soit ? (Et encore moins, ◀de▶ permissions ! Celui qui en demande prouvant en général, et par là même, qu’il n’y a pas encore droit). ◀Le▶ libre usage ◀d’▶Éros peut être un bien pour ◀les▶ sages qui voudraient intégrer sa vertu dans une orientation qu’indique ◀l’▶esprit : mais ceux-là ne cherchent plus ◀de▶ recettes morales, sachant bien que leur personne est en jeu, et qu’il n’y a pas au monde deux personnes identiques. Pour ◀les▶ autres, une morale générale et très stricte, catholique, puritaine, musulmane ou marxiste, selon ◀la▶ coutume du pays, m’apparaît nécessaire dans ◀la▶ mesure exacte où elle se révèle suffisante.
Certes, ◀l’▶éducation n’a ◀d’▶autre fin dernière que ◀de▶ rendre ◀l’▶individu apte à mieux assumer ◀la▶ liberté ◀de▶ ◀la▶ personne responsable ◀d’▶elle-même ; celle qui peut reconnaître ◀le▶ prochain et donc ◀l’▶aimer. Mais si ◀l’▶on croit à ◀la▶ personne on croit aussi à ◀l’▶absolue nécessité ◀de▶ maîtriser ◀l’▶individu, qui est son support inséparable, et qu’elle transformera plus tard à sa manière. Point ◀d’▶aristocratie sans disciplines, ni ◀de▶ démocratie non plus : mais ce ne sont pas ◀les▶ mêmes disciplines. Car ◀les▶ unes sont particulières, opératives, ◀les▶ autres générales, préparatoires. Au niveau de ◀la▶ personne, ce qui est remède pour l’un sera peut-être poison pour l’autre au même dosage, ou simplement indifférent. Or, nous savons que ◀l’▶amour est ◀le▶ fait des personnes, et qu’il n’en est pas deux interchangeables. ◀D’▶où ◀la▶ difficulté ◀de▶ concevoir une morale générale ◀de▶ ◀l’▶amour, des règles générales imposées à ◀l’▶amour — au nom de quoi, qui serait plus vrai ? ◀Les▶ normes valent pour tout, sauf pour ◀l’▶amour — comme ◀l’▶entrevit ◀le▶ romantisme, qui en tira des conclusions fausses. Elles valent pour ◀la▶ sexualité proprement dite, ◀le▶ social et ◀l’▶éducation ; pour tout ce qu’il y a ◀de▶ social et ◀de▶ sexuel dans ◀le▶ mariage, ◀les▶ liaisons, etc. Non pour ◀l’▶amour proprement dit. Car c’est ◀l’▶amour qui pose ◀les▶ normes, qui est ◀la▶ norme finale, première, universelle. Autrement dit : ◀l’▶éducation a pour fin véritable ◀la▶ personne, mais dans ◀la▶ mesure où ◀la▶ personne se réalise, devient donc libre et responsable, ◀la▶ morale ne peut plus ◀l’▶aider. Parce que ◀la▶ vraie personne est posée par ◀l’▶amour, existe par un acte ◀de▶ ◀l’▶amour, et que ◀l’▶amour ◀la▶ fait unique.
Toute morale qui n’est pas une école — ouverte sur ◀la▶ liberté future — est une prison, si « laxiste » soit-elle. Voilà qui nous ramène irrésistiblement au paradoxe évangélique et paulinien : pour ◀le▶ vrai spirituel, ◀la▶ Loi est abolie, bien que pas un iota n’en soit retiré. Mais ◀l’▶amour seul peut ◀le▶ comprendre en vérité.