Jonas [préface] (1962)at
Jean-Paul de Dadelsen était alsacien, né à Strasbourg, et son père descendait d’▶une famille ◀de▶ Hambourg, quelque peu mêlée ◀de▶ sang slave et possédant la bourgeoisie ◀de▶ Bâle. Il avait épousé une Anglaise. Il rêvait ◀d’▶être un jour suisse ou chilien peut-être. Avant tout cela, Français ◀de▶ bon langage, ◀d’▶impeccable ordonnance intellectuelle.
Il excellait en tout et passait au-delà, avec cette « brillante désinvolture » dont a parlé le Times au lendemain ◀de▶ sa mort. Reçu premier sur cent à l’agrégation ◀d’▶allemand, traducteur incomparable ◀de▶ Keyserling et ◀de▶ Rudolf Kassner, professeur ◀de▶ lycée à Marseille et Oran, puis successivement officier ◀de▶ parachutistes dans les Forces françaises libres en Angleterre et à Berlin, mémorable correspondant étranger du Combat ◀d’▶Albert Camus, titulaire ◀d’▶une émission française ◀de▶ la BBC qu’il rendit rapidement fameuse, finalement animateur et conseiller ◀d’▶organisations européennes et internationales auxquelles il prêtait le rayonnement ◀d’▶une culture exceptionnellement étendue, ◀d’▶une sagesse indulgente mais incisive et ◀d’▶un charme personnel infaillible, alliant le meilleur des qualités germaniques et françaises, il semblait toujours que tout cela devait le conduire ailleurs, le préparait seulement… Rejoignant enfin sa vraie vocation, peut-être, il venait de donner les témoignages ◀d’▶une soudaine maîtrise poétique, ◀d’▶un ton nouveau dans les lettres françaises, ample, émouvant et pacifiant, compréhensif ◀de▶ tout l’humain du haut en bas, foncièrement réaliste et religieux. Puis, une fois de plus, il est passé au-delà, emporté par un mal qu’il avait su décrire dans un bref poème prophétique, quelques semaines avant ◀d’▶en subir la première attaque, suivie ◀d’▶une opération au cerveau. Fallait-il vraiment, écrivait-il alors, être « nettoyé » par cette maladie mortelle, en vue ◀d’▶un « nouveau travail » ?