Le▶ miracle européen a créé ◀le▶ monde civilisé (6 juin 1962)k
◀L’▶avenir ◀de▶ ◀l’▶Europe est une aventure décisive pour ◀l’▶humanité tout entière. ◀L’▶Europe est cette partie-là du monde qui a fait « ◀le▶ Monde », ayant été ◀le▶ foyer ◀de▶ ◀l’▶idée ◀de▶ « genre humain », ayant été aussi ◀la▶ condition instrumentale et nécessaire ◀d’▶une véritable histoire universelle, celle où nous sommes bel et bien engagés dans cette seconde moitié du xxe siècle, en sorte que ◀les▶ chances ◀de▶ ◀l’▶Europe dans ◀l’▶avenir se confondent pratiquement, désormais, avec celles ◀de▶ ◀la▶ civilisation née ◀de▶ ses œuvres, qu’elle a propagée sans prudence ni plan ◀d’▶ensemble, dont elle n’est plus propriétaire, mais dont elle garde encore certains secrets vitaux.
Je n’aurai pas trop ◀de▶ quatre leçons pour établir cette thèse centrale, cette définition ◀de▶ ◀l’▶Europe par sa fonction mondialisante. Car cela revient en somme à définir ◀le▶ phénomène européen par ses effets, alors qu’on s’est toujours efforcé jusqu’ici ◀de▶ ◀l’▶expliquer par certaines causes, qui seraient tantôt, selon ◀les▶ auteurs et selon ◀les▶ modes, géographiques ou climatiques, économiques ou démographiques.
Ce que j’appelle ◀le▶ phénomène européen se signale, dans ◀l’▶histoire du monde, par quelques traits absolument originaux dont je donne tout de suite trois exemples :
1. ◀L’▶Europe a découvert ◀la▶ terre entière, et personne n’est jamais venu ◀la▶ découvrir.
2. ◀L’▶Europe a dominé sur tous ◀les▶ continents successivement, et n’a jamais été dominée jusqu’ici par une seule puissance ◀d’▶outre-mer.
3. ◀L’▶Europe a produit une civilisation que ◀le▶ monde entier est en train d’imiter, tandis que ◀l’▶inverse ne s’est jamais produit.
◀Le▶ phénomène unique au monde que dénotent ces constatations — tellement simples et tellement évidentes que la plupart des historiens me paraissent ◀les▶ avoir négligées jusqu’ici — ce phénomène européen sans précédent et sans parallèle dans ◀l’▶histoire, nous n’arriverons jamais à ◀le▶ comprendre dans son mouvement, sa signification et sa tendance générale en partant des données physiques et naturelles ◀de▶ notre petit continent, comme ◀le▶ veut une pensée héritée ◀d’▶un xixe siècle scientiste et dans ◀l’▶ensemble, sans ◀le▶ savoir, plus marxiste que scientifique. (Non que je nie ◀l’▶importance des données naturelles : je ◀les▶ trouve simplement insuffisantes pour rendre compte du phénomène dans ce qu’il a ◀de▶ spécifique.)
Certes, ◀le▶ découpage profond des côtes, propice à ◀la▶ navigation, ◀le▶ cloisonnement des terres par montagnes et fleuves favorisant ◀la▶ formation ◀de▶ communautés bien distinctes et solidement enracinées, ◀le▶ climat tempéré, dans ◀le▶ centre du moins, permettant une économie ◀d’▶énergies fondamentales, ce sont là des atouts, mais qui sont loin ◀d’▶inscrire, dans notre sol, ◀l’▶histoire mondiale qui sera ◀la▶ nôtre. On ne peut y lire un destin. Chaque géographe en tire d’ailleurs ce qu’il lui plaît. C’est ainsi qu’Hippocrate, au ve siècle avant J.-C. explique ◀la▶ supériorité des Européens sur ◀les▶ Asiatiques par ◀le▶ fait que ◀les▶ Asiatiques vivaient dans un climat trop égal, tandis qu’en Europe, dit-il, « ◀les▶ passages rapides ◀d’▶un extrême à l’autre stimulent ◀les▶ esprits et ◀les▶ arrachent à ◀l’▶insouciance ». Mais un autre Grec, Strabon, écrivant sous Tibère, attribue au contraire cette même supériorité des Européens au climat tempéré qui — je ◀le▶ cite — « semble avoir tout fait pour hâter ◀les▶ progrès ◀de▶ ◀la▶ civilisation ». Plus réaliste, ◀la▶ Géographie universelle, ◀de▶ Mantelle et Brun, publiée à Paris en 1816, reconnaît que ◀l’▶Europe historique n’est pas née ◀de▶ sa géographie. Je me plais à citer sa description ◀de▶ ◀l’▶Europe, dont Valéry me paraît bien s’être inspiré dans ◀le▶ passage fameux où il parle ◀de▶ ◀l’▶Europe comme « ◀d’▶une sorte ◀de▶ cap du vieux continent, ◀d’▶un appendice occidental ◀de▶ ◀l’▶Asie », mais n’en serait pas moins « ◀la▶ partie précieuse ◀de▶ ◀l’▶univers terrestre, ◀la▶ perle ◀de▶ ◀la▶ sphère, ◀le▶ cerveau ◀d’▶un vaste corps ». Voici ◀le▶ passage :
En sortant des mains ◀de▶ ◀la▶ nature, notre partie du monde n’avait reçu aucun titre à cette glorieuse prééminence qui ◀la▶ distingue aujourd’hui. Petit continent qui possède ◀le▶ moins ◀de▶ richesses territoriales… nous ne sommes riches que ◀d’▶emprunts. Tel est néanmoins ◀le▶ pouvoir ◀de▶ ◀l’▶esprit humain : cette région que ◀la▶ nature n’avait ornée que ◀de▶ forêts immenses s’est peuplée ◀de▶ nations puissantes, s’est couverte ◀de▶ cités magnifiques, s’est enrichie du butin des deux mondes ; cette étroite presqu’île, qui ne figure sur ◀le▶ globe que comme un appendice ◀de▶ ◀l’▶Asie, devenue ◀la▶ métropole du genre humain.
Voilà donc ◀l’▶importance ◀de▶ ◀la▶ géographie et du climat minimisée, presque niée. Serait-ce alors à ◀la▶ démographie qu’il faudrait aller demander ◀le▶ secret ◀de▶ ◀l’▶expansion européenne ? Un coup d’œil sur ◀la▶ carte des densités ◀de▶ peuplement ◀de▶ ◀la▶ terre nous fait voir que ◀l’▶humanité s’est concentrée depuis longtemps dans trois régions privilégiées à cet égard : ◀la▶ Chine, ◀l’▶Inde et ◀l’▶Europe, lesquelles comptent chacune, au xxe siècle, entre 500 et 600 millions ◀d’▶habitants (soit ensemble à peu près 60 % ◀de▶ ◀la▶ population du globe sur 15 % ◀de▶ sa superficie solide).
Mais ◀l’▶Europe de la Renaissance, celle des grandes découvertes précisément et ◀de▶ ◀l’▶expansion vers ◀le▶ monde, était bien moins peuplée que ◀la▶ Chine et que ◀l’▶Inde, et ne subissait aucune pression démographique, même dans ses pays ◀les▶ plus prospères et entreprenants. Ainsi, ◀de▶ 1328 à 1700, selon Charles Morazé, ◀la▶ France compte à peu près ◀le▶ même nombre ◀d’▶habitants, c’est-à-dire six à dix millions. ◀Le▶ grand essor démographique ◀de▶ nos nations ne date que du xixe siècle. Comment se fait-il alors que ◀l’▶Inde, autre péninsule ◀de▶ ◀l’▶Asie, à peu près comparable en étendue à ◀l’▶Europe de l’Ouest, mais bien plus riche en hommes et en matières premières, n’offre guère aux yeux de ◀l’▶historien qu’une décadence millénaire, dans ◀le▶ temps même où ◀l’▶Europe faisait ◀le▶ tour du monde et dominait sur la plupart des nations ◀de▶ ◀l’▶époque, Inde comprise ? Comment se fait-il que ◀les▶ Chinois, qui étaient pourtant ◀le▶ tiers ◀de▶ ◀l’▶humanité vers 1850, et qui en sont encore près du quart aujourd’hui (ils n’en seront sans doute plus que moins du cinquième en ◀l’▶an 2000, selon ◀les▶ démographes — qui prédisent donc ◀le▶ contraire ◀de▶ ce que ◀l’▶Occident craint !), n’aient guère participé à ◀l’▶histoire du monde que par leur faculté ◀de▶ se laisser conquérir, et ◀d’▶absorber leurs conquérants, Huns ou Mongols ?
◀Les▶ causes physiques et naturelles ne pouvant rendre compte des destins ◀de▶ ◀l’▶Europe, faudra-t-il leur chercher des causes spirituelles ? ◀L’▶Europe serait-elle, par exemple, une création du christianisme, comme ◀le▶ soutient une très nombreuse école ◀d’▶excellents historiens catholiques contemporains ? Cela se discute. Hippocrate et Strabon, nous venons de ◀le▶ voir, mais aussi Hérodote, Platon et Aristote nous parlent déjà ◀d’▶une Europe et ◀la▶ contrastent même avec ◀l’▶Asie, mais cette Europe ne connaît pas encore ◀le▶ christianisme. ◀L’▶expansion missionnaire des chrétiens, durant le premier millénaire ◀de▶ notre ère, obéit à ◀l’▶ordre du Christ : Allez et évangélisez toutes ◀les▶ nations. Cette injonction envoie ceux qui ◀l’▶acceptent sur ◀les▶ terres ◀les▶ plus lointaines, et cela dès ◀le▶ ive siècle en Afrique du Nord, en Inde du Sud — sur ◀la▶ côte ◀de▶ Malabar — et jusqu’en Extrême-Orient — on compte plus ◀de▶ soixante évêchés nestoriens dans ◀la▶ Chine du ixe siècle, sous ◀la▶ dynastie Tang — et vers ◀l’▶ouest, en Islande, au Labrador, en Amérique du Nord, peut-être même jusqu’au Yucatan des Mayas et jusqu’au Pérou des Incas. Mais c’est une expansion chrétienne et non spécifiquement européenne. En revanche ◀l’▶expansion colonialiste, du xviiie au xxe siècle, a été, ◀de▶ toute évidence, plus européenne que chrétienne. Assimiler ◀l’▶Europe au christianisme, comme voulut ◀le▶ faire Novalis dans son célèbre essai intitulé Die Christenheit oder Europa, c’est faire tort à ◀la▶ prétention universelle du christianisme, et ce n’est pas définir ◀l’▶Europe, puisque ce serait ◀la▶ définir par une vérité éternelle, qu’elle n’a pas mérité ◀d’▶incarner, sur laquelle elle n’a pas ◀de▶ copyright…
Reste ◀le▶ fait que ◀le▶ christianisme a très puissamment contribué à ◀la▶ synthèse européenne. Notre idée ◀de▶ ◀la▶ science en dérive, comme ◀l’▶a montré Jaspers, commentant Nietzsche (ce très lucide antichrétien) et nos principes politiques en dérivent. Or notre idée ◀de▶ ◀la▶ science et nos principes ◀d’▶égalité, ◀de▶ liberté et ◀de▶ justice ont sans doute été décisifs dans ◀l’▶aventure mondiale ◀de▶ ◀l’▶Europe. Retenons donc, ◀de▶ cette rapide enquête sur ◀la▶ genèse du phénomène Europe, ◀le▶ christianisme. Mais non sans nous poser cette question difficile que je vais laisser sans réponse :
— Pourquoi ◀l’▶Europe a-t-elle été ◀la▶ seule ou la première partie du monde qui ait adopté cette religion, venue d’ailleurs, du Proche-Orient et non ◀d’▶elle-même ? Existait-il une prédisposition européenne au christianisme ? Ceci nous laisse en plein mystère.
Et ◀les▶ autres explications du phénomène européen par des données physiques et matérielles nous laissent en pleine ambiguïté : ces données ont agi, chacune à sa manière, mais aucune n’apparaît suffisante pour rendre compte du phénomène global que ◀l’▶histoire nous oblige à constater : ◀la▶ fonction mondiale ◀de▶ ◀l’▶Europe.
Décrivons donc maintenant ce phénomène tel qu’il apparaît dans ◀les▶ faits. Ce n’est pas ◀le▶ déroulement logique ◀d’▶une série ◀de▶ causes naturelles produisant des effets où elles s’épuisent : ce n’est pas ◀le▶ déroulement ◀d’▶un plan, dont nul ne voit qui ◀l’▶aurait calculé et imposé. Et ce n’est pas ◀l’▶incarnation ◀de▶ quelque idée platonicienne, ni ◀la▶ démonstration ◀d’▶un esprit hégélien marchant au pas rythmé ◀de▶ ◀la▶ dialectique — thèse, antithèse, une, deux, une, deux. C’est au contraire une aventure indéfinie, mais qui traduit une certaine attitude constante devant ◀la▶ vie.
◀L’▶explication ◀d’▶un phénomène par ses causes a dominé notre xixe siècle, mais c’était aux dépens de ◀la▶ compréhension du phénomène lui-même, qu’on voyait mal. ◀Le▶ xxe siècle a découvert qu’un phénomène, individuel ou collectif, ne pouvait être bien saisi que dans son mouvement créateur, dans son archétype, dans son mythe.
Or, ce mouvement créateur ◀de▶ ◀l’▶Europe, je ◀le▶ trouve d’abord et déjà dans ◀la▶ légende originelle ◀de▶ ◀l’▶Enlèvement ◀d’▶Europe par Zeus.
C’est dans un bond vers ◀l’▶ouest, ◀la▶ mer et ◀l’▶aventure que ◀l’▶Europe légendaire prend son départ. ◀Le▶ mythe ◀de▶ ◀l’▶enlèvement ◀d’▶une princesse de Tyr par ◀le▶ grand dieu des Grecs, transformé en taureau, traduit ◀l’▶Histoire : notre Europe est effectivement venue du Proche-Orient. Après ◀la▶ disparition presque totale « des premiers habitants du bois et du rocher » (comme dit Vigny) dont ne nous restent plus que ◀les▶ peintures rupestres ◀de▶ Lascaux et ◀d’▶Altamira, ◀l’▶Europe a été lentement repeuplée par des colons venus d’une part ◀de▶ ◀l’▶Asie Mineure le long du Vardar et du Danube, jusqu’en Rhénanie et en France, d’autre part du delta du Nil, le long des côtes, remontant ◀le▶ Rhône jusqu’en Suisse, en France du Nord, peut-être en Grande-Bretagne. Elle est née à ◀la▶ civilisation par ◀l’▶effet ◀d’▶apports successifs intellectuels, techniques et religieux, créés en Mésopotamie, en Égypte et en Phénicie et ◀de▶ là transférés en Crète d’abord — où ◀la▶ princesse Europe engendra une dynastie, ◀les▶ Minoens — puis, par ◀la▶ mer Égée en Grèce, et ◀de▶ là, sur ◀les▶ terres du Couchant, que ◀les▶ langues sémitiques nomment Ereb, très probable étymologie du nom ◀d’▶Europe.
Plus tard, sa religion dominante lui viendra du pays ◀le▶ plus proche de ce rivage phénicien ◀d’▶où avait été enlevée ◀l’▶héroïne éponyme, celle qui donna son nom au continent.
On sait cela, mais on connaît moins ◀la▶ suite ◀de▶ ce rapt créateur, ◀la▶ suite du mythe ◀de▶ ◀l’▶enlèvement ◀d’▶Europe, à laquelle j’attache, pour ma part, ◀la▶ plus grande importance symbolique. Europe était ◀la▶ fille ◀d’▶Agénor, roi de Tyr. Celui-ci donna l’ordre à ses cinq fils ◀de▶ partir à ◀la▶ quête ◀de▶ leur sœur enlevée. Chacun fit voile dans une direction différente. Et l’un fonda Carthage, tandis que d’autres découvraient ◀les▶ rives du continent, ◀de▶ ◀l’▶Espagne au Caucase. Cadmus enfin, ◀le▶ plus fameux, s’en fut à Rhodes, puis en Thrace ; et comme il désespérait ◀de▶ retrouver sa sœur pour ◀la▶ ramener aux rives maternelles ◀de▶ ◀l’▶Asie, il alla demander à ◀l’▶oracle ◀de▶ Delphes : Où est Europe ? « Tu ne ◀la▶ trouveras pas, répondit ◀la▶ Pythie. Suis plutôt une vache et pousse-◀la▶ devant toi sans lui laisser ◀de▶ répit : là où elle tombera ◀d’▶épuisement, bâtis une ville ! » Ainsi Cadmus fonda Thèbes.
Fable ambiguë, comme toutes ◀les▶ choses divines, ménageant notre liberté ◀d’▶interprétation et ◀de▶ décision… Voici ce que ◀l’▶on peut en tirer : c’est en poursuivant ◀l’▶image mythique ◀de▶ ◀l’▶Europe que ◀les▶ navigateurs phéniciens découvrirent sa réalité géographique. Mais c’est aussi en renonçant à ◀la▶ trouver telle qu’elle était dans son souvenir que Cadmus entreprit ◀de▶ ◀la▶ construire. On voit combien, dès ces temps fabuleux, il semble difficile ◀de▶ savoir « où est ◀l’▶Europe », si ◀l’▶on entend seulement ◀la▶ ramener un beau jour toute faite et donnée par ◀l’▶histoire : car c’est sa quête elle-même qui ◀la▶ crée. Rechercher ◀l’▶Europe, c’est ◀la▶ faire ! Elle existe dans sa recherche à ◀l’▶infini, et c’est ce que je nomme Aventure.
Mais elle est autre chose encore, si ◀l’▶on en croit la seconde légende relative à ses origines : celle ◀de▶ Japhet. Selon ◀la▶ Genèse commentée par ◀les▶ Pères de l’Église primitive, Noé partagea ◀le▶ monde entre ses fils Sem, Cham et Japhet. À Cham, ◀l’▶Afrique mais aussi ◀l’▶esclavage, pour ◀le▶ punir ◀d’▶avoir surpris son père en pleine ivresse sans songer comme ses frères à ◀le▶ couvrir ◀d’▶un manteau ; à Sem, ◀l’▶Asie et ◀la▶ vie spirituelle ; à Japhet, ◀l’▶Europe et ◀les▶ armes, et ◀la▶ promesse ◀d’▶une expansion indéfinie : dilatatio, latitudo, selon ◀la▶ Vulgate et ◀les▶ Pères. Dilatatio, expansion, c’est ◀le▶ mot-clé.
Retraçons maintenant ◀les▶ étapes ◀de▶ cette expansion planétaire. Vues dans ◀le▶ raccourci des siècles, elles évoquent ◀les▶ mouvements ◀de▶ systole et ◀de▶ diastole ◀d’▶un cœur humain, quoique fort inégales ◀de▶ durée.
Premier mouvement : concentration des valeurs religieuses et culturelles du Proche-Orient dans ◀la▶ péninsule ◀d’▶Occident. Nous avons vu que ◀les▶ populations, ◀les▶ religions, ◀les▶ procédés techniques et ◀les▶ rudiments ◀de▶ ◀la▶ science, tout est venu de ◀l’▶Est vers ◀l’▶Europe, tout s’est lentement concentré dans cette sorte ◀d’▶impasse au-delà ◀de▶ laquelle on croyait que ◀le▶ monde finissait. Une première culture originale se constitue en Grèce. ◀L’▶Empire ◀de▶ Rome ◀la▶ diffuse et ◀la▶ transforme. À ◀l’▶individualisme qui régnait dans ◀les▶ cités grecques, il substitue ◀le▶ culte ◀de▶ ◀l’▶État et des grandes institutions centralisées, et il étend leur autorité sur toute ◀l’▶Europe de l’Ouest. Dans ◀le▶ cadre ◀de▶ cet empire se trouvent inclus des Celtes, des Germains et des Slaves, des « barbares » toujours plus nombreux, et ◀de▶ traditions très opposées à celles ◀de▶ Rome, mais progressivement intégrés. Enfin, c’est dans ◀le▶ cadre ◀de▶ ◀l’▶empire que se répand très rapidement une religion qui, elle aussi, vient du Proche-Orient par ◀la▶ Méditerranée : ◀le▶ christianisme.
À ◀la▶ fin ◀de▶ ◀l’▶Empire, aux débuts du haut Moyen Âge, sous Charlemagne, ◀la▶ péninsule européenne est donc devenue ◀le▶ lieu ◀de▶ rencontre ◀de▶ sept ou huit traditions différentes : orientales et nordiques, continentales et maritimes, individualistes et communautaires, rationalistes et magiques. Et c’est ◀l’▶Église qui va tenter ◀d’▶opérer ◀la▶ synthèse improbable ◀de▶ toutes ces forces en conflit latent ou en guerre ouverte.
◀L’▶Europe et sa culture résulteront ◀de▶ cette fusion jamais achevée, toujours instable, et dont ◀la▶ grande originalité — si on ◀la▶ compare aux cultures ◀de▶ ◀l’▶Asie — est justement ◀d’▶être un mélange dynamique ◀d’▶éléments ◀de▶ provenances diverses et ◀de▶ tendances contradictoires.
Pendant tout ◀le▶ Moyen Âge et ses luttes meurtrières, opposant ◀l’▶Église à ◀l’▶Empire, ◀l’▶empereur et ◀les▶ rois aux féodaux, ◀les▶ cités aux princes et ◀l’▶orthodoxie aux hérésies, cette fermentation se poursuit en vase clos : dans une espèce ◀de▶ creuset ◀d’▶alchimiste, où s’opèrent ◀les▶ transmutations ◀les▶ plus imprévues. Vraiment ◀le▶ four est bien scellé. Car ◀l’▶islam s’est dressé à ◀l’▶Est, barrant ◀les▶ routes vers ◀l’▶Orient. ◀Les▶ Européens se voient coupés ◀de▶ toutes communications régulières avec ◀les▶ civilisations ◀de▶ ◀l’▶Inde et ◀de▶ ◀la▶ Chine, dont quelques rares voyageurs — Marco Polo, Rubrukis ou Jean de Plan Carpin — leur ont décrit ◀les▶ richesses fabuleuses. Ils ont tenté plusieurs sorties, ◀les▶ croisades, et ils ont échoué. Comment forcer ◀le▶ verrou ◀de▶ ◀l’▶islam ? Comment apporter ◀la▶ Bonne Nouvelle aux peuplades païennes ◀de▶ ◀l’▶Asie et ◀de▶ ◀l’▶Afrique ? Comment échapper à ces guerres sans fin, à ces querelles théologiques et scolastiques qui se terminent trop souvent sur ◀le▶ bûcher ? Comment réaliser ◀les▶ ambitions impériales héritées ◀de▶ Rome, ◀les▶ rêveries enfiévrées des savants cosmographes, ◀la▶ vocation missionnaire des croyants ? ◀Les▶ voies terrestres sont barrées. Restent ◀les▶ voies ◀de▶ ◀l’▶Océan. C’est ici que ◀l’▶aventure mondiale ◀de▶ ◀l’▶Europe prend son départ, au matin ◀de▶ Palos de Moguer, sur ◀les▶ petites caravelles ◀de▶ Colomb.
◀La▶ période des grandes découvertes fut une sorte ◀d’▶explosion du composé Europe, macéré depuis près de mille ans dans ◀les▶ limites du cap occidental, au surplus rétrécies par ◀les▶ Turcs à ◀l’▶est et par ◀les▶ Arabes au sud-ouest.
Christophe Colomb n’est pas parti pour trouver ◀l’▶Amérique, car il n’y croyait pas et ne pouvait donc ◀la▶ chercher. Il est parti pour trouver ◀l’▶Inde fabuleuse, aux cités pavées ◀d’▶or, disait-on, et pour en ramener ◀les▶ trésors avec lesquels son roi comptait payer ◀l’▶ultime croisade et délivrer Jérusalem. C’est tout un arrière-plan ◀de▶ foi religieuse, ◀de▶ chances et ◀de▶ malchances géographiques, ◀d’▶ambitions impériales, ◀de▶ science mythique et ◀de▶ nostalgie ◀de▶ ◀la▶ quête que résume d’un seul coup ◀l’▶aventure exemplaire ◀de▶ cet Ulysse au cœur chrétien, probablement juif ◀d’▶origine, et fondateur ◀d’▶empire — mais pour d’autres… Tout en lui, et d’abord son vrai nom qui est Colón, et son prénom Christophe, porteur du Christ — en vérité, porteur ◀de▶ ◀l’▶histoire du monde ! — tout en lui me semble illustrer ◀les▶ traits fondamentaux ◀de▶ notre Europe, légendaire, historique, physique, païenne et chrétienne à la fois : ◀l’▶homme du mythe, ◀le▶ marin, ◀le▶ chercheur ◀de▶ trésors, ◀le▶ missionnaire et ◀le▶ croisé. Pour qu’apparût ◀l’▶aventurier fiévreux qui allait revêtir ◀les▶ titres prestigieux ◀de▶ « vice-roi des Îles qui ont été découvertes dans ◀les▶ Indes » et ◀de▶ « Grand amiral ◀de▶ ◀la▶ mer Océane », il fallait que Jason eût été en Colchide à ◀la▶ poursuite ◀d’▶une chimère dorée, que ◀le▶ continent ◀de▶ ◀l’▶Ouest fût lié plus qu’un autre aux mers, que son sol fût pauvre en métaux, que ◀l’▶islam occupât Byzance après Jérusalem, barrant ◀la▶ route ◀de▶ ◀l’▶Asie, que ◀les▶ rois catholiques eussent besoin ◀d’▶or non pour eux-mêmes mais pour payer une dernière croisade utopique.
Derrière ◀l’▶audace inouïe ◀de▶ Colomb, nous retrouvons ainsi ◀le▶ jeu complexe, ◀le▶ conflit perpétuel, souvent fécond, ◀de▶ toutes ◀les▶ forces créatrices ◀de▶ ◀l’▶Occident : ◀la▶ Grèce, Rome et Jérusalem, ◀la▶ magie celte, ◀l’▶inquiétude hébraïque, ◀la▶ science allemande, ◀l’▶exaltation des Ibériques. Tous ces motifs mêlés eurent pour effet ◀la▶ découverte par erreur des Amériques, et ce fut ◀le▶ début ◀de▶ ◀l’▶expansion séculaire, économique, politique et religieuse, ◀d’▶un petit cap de l’Asie rongé ◀de▶ mers et ◀de▶ Turcs, qui occupe moins ◀de▶ 5 % des terres du globe et qui allait conquérir, tour à tour, toutes ◀les▶ autres.
◀L’▶aventure mondiale ◀de▶ ◀l’▶Europe se déroule, à partir de Colomb, sur un rythme assez comparable à celui ◀d’▶une fusée porteuse ◀de▶ satellite : départ très lent, accélération croissante, mise à feu ◀d’▶étages successifs, mise en orbite, et après quelques tours ◀de▶ ◀la▶ Terre, retombée rapide vers ◀le▶ sol. Mais ce retour du satellite n’est pas un échec ! ◀D’▶innombrables connaissances ont été récoltées en route, elles font désormais partie non seulement ◀de▶ ◀la▶ science, mais ◀de▶ ◀la▶ conscience du genre humain, agrandies et modifiées à jamais.
Ces étages mis à feu successivement, ces étapes ◀de▶ ◀la▶ conquête ◀de▶ ◀l’▶espace terrestre par ◀les▶ Européens, c’est d’abord le premier tour du monde, accompli par Magellan, puis ce sont ◀la▶ conquête ◀de▶ ◀l’▶Amérique du Sud, ◀le▶ peuplement ◀de▶ ◀l’▶Amérique du Nord, ◀la▶ découverte des côtes africaines, ◀la▶ soumission du Proche-Orient puis des Indes au xviiie siècle, et ◀de▶ ◀l’▶Indonésie, ◀la▶ colonisation ◀de▶ ◀l’▶immense Sibérie par ◀les▶ Russes, ◀l’▶ouverture ◀de▶ ◀l’▶Extrême-Orient à ◀la▶ civilisation européenne au milieu du xixe siècle, enfin ◀la▶ colonisation ◀de▶ ◀l’▶Afrique noire à partir des années 1880 à 1900.
Au début ◀de▶ notre xxe siècle, on peut dire que ◀l’▶Europe a placé sur orbite sa civilisation.
Mais ◀les▶ étages ◀de▶ ◀la▶ fusée porteuse sont retombés l’un après l’autre : c’était ◀la▶ conquête militaire, ◀la▶ prise du pouvoir économique ou politique, enfin ◀la▶ colonisation. ◀De▶ siècle en siècle, ◀les▶ continents découverts et régis par ◀l’▶Europe se sont libérés ◀de▶ sa tutelle. ◀L’▶Amérique du Nord la première, dès ◀la▶ fin du xviiie siècle ; ◀l’▶Amérique latine pendant la première moitié du xixe siècle ; ◀l’▶Inde, ◀l’▶Indonésie, tout ◀le▶ Sud-Est asiatique et ◀le▶ Proche-Orient au lendemain ◀de▶ la Deuxième Guerre mondiale, puis presque toute ◀l’▶Afrique vers 1960.
◀L’▶Europe avait commencé par mettre en relation toutes ◀les▶ parties ◀de▶ ◀la▶ terre qui, avant elle, vivaient dans ◀l’▶ignorance ◀la▶ plus complète ◀les▶ unes des autres. Elle avait permis à ◀l’▶humanité ◀de▶ prendre conscience ◀de▶ son unité. ◀L’▶idée ◀d’▶universalité, ◀l’▶idée même ◀de▶ genre humain — genus humanum — sont des créations ◀de▶ ◀l’▶Europe gréco-romaine, puis ◀de▶ ◀l’▶Europe chrétienne, puis ◀de▶ ◀l’▶Europe technicienne. Dans ce sens, on peut dire que ◀l’▶Europe « a fait ◀le▶ monde ».
Mais une fois ◀le▶ monde fait par elle, elle ◀l’▶a perdu. ◀Le▶ monde s’est révolté contre elle au nom même des valeurs ◀de▶ liberté, ◀de▶ justice et ◀d’▶égalité pour tous ◀les▶ peuples, et ◀de▶ respect pour toutes ◀les▶ personnes, qu’elle avait elle-même formulées et diffusés sans en calculer leurs conséquences. ◀La▶ voici réduite à elle-même, ramenée dans ◀les▶ limites ◀de▶ son cap asiatique, et pas plus grande, notons-◀le▶ bien, qu’elle ne ◀le▶ fut au Moyen Âge. Elle reste ◀le▶ cœur ◀d’▶un Occident né ◀de▶ ses œuvres, mais où deux grands empires lui disputent ◀la▶ primauté — l’un avec hostilité, l’autre avec amitié — tandis que ◀l’▶Afrique, ◀l’▶Asie et ◀le▶ monde arabe tentent ◀de▶ grouper leurs forces renaissantes contre ◀l’▶Occident divisé.
Serait-ce ◀la▶ fin ◀de▶ ◀l’▶aventure occidentale, qui aurait donc consisté, dans ◀l’▶ensemble et au total, à faire ◀le▶ monde, mais à ◀le▶ faire contre ses auteurs, c’est-à-dire contre ◀l’▶Occident ?
Il semble qu’un des héros ◀de▶ ◀la▶ plus ancienne poésie grecque symbolise au mieux ◀la▶ passion qui anime cette aventure sans précédent : ◀l’▶Ulysse homérique, ◀le▶ personnage central ◀de▶ ◀l’▶Odyssée.
Son départ pour une sorte ◀de▶ croisade contre Troie, ville du Proche-Orient, afin de sauver ◀l’▶honneur occidental et ◀de▶ reconquérir Hélène, symbole ◀de▶ ◀la▶ vertu et ◀de▶ ◀la▶ beauté, préfigure ◀l’▶idéal missionnaire qui sera, quinze à vingt siècles plus tard, celui ◀de▶ ◀l’▶Église primitive, envoyant ses évangélistes jusqu’en Chine, vers ◀l’▶est ; et vers ◀l’▶ouest, jusqu’en Islande et aux côtes atlantiques ◀de▶ ◀l’▶Amérique. ◀La▶ victoire militaire des Grecs sur ◀les▶ Troyens préfigure ◀les▶ expéditions militaires des Européens sur ◀les▶ quatre autres continents. Cela, c’est ◀l’▶Iliade, « poème ◀de▶ ◀la▶ force » comme ◀l’▶a bien nommé Simone Weil. Mais ce qu’il y a de plus typiquement occidental dans ◀les▶ poèmes homériques, c’est ◀la▶ suite, c’est ◀l’▶aventure personnelle ◀d’▶Ulysse : ◀l’▶Odyssée, cet interminable voyage vers ◀la▶ sagesse originelle et éternelle, vers ◀le▶ pays natal, Ithaque, ce passionnant vagabondage, cette longue errance, qui est aussi une longue « erreur », selon ◀le▶ sens latin du mot. Tout se passe, au long ◀de▶ ◀l’▶épopée, comme si Ulysse, ◀le▶ courageux et ◀le▶ rusé, préférait secrètement ◀le▶ voyage à son but, ◀les▶ épreuves ◀de▶ ◀la▶ route à ◀l’▶arrivée heureuse, et ◀les▶ risques sans cesse renouvelés au bonheur calme auprès de Pénélope. Maîtriser ◀les▶ éléments, mesurer ses forces contre des adversaires visibles ou invisibles, aller toujours plus loin dans ◀l’▶inconnu, en naviguant avec astuce entre ◀les▶ Charybdes et ◀les▶ Scyllas des excès contraires, telle est ◀la▶ passion maîtresse d’Ulysse et ce sera, identiquement, ◀la▶ passion des grands créateurs ◀de▶ ◀la▶ culture occidentale.
◀L’▶Occidental est ◀l’▶homme qui va toujours plus loin, au-delà des conditions données par ◀la▶ nature, au-delà des traditions fixées par ◀les▶ ancêtres, au-delà ◀de▶ lui-même enfin, — à ◀l’▶aventure ! Transcendant son destin, et même ses intérêts, au nom d’une vocation universelle.
Abraham, « ◀le▶ père des croyants » était parti sans savoir où il allait, parce que son Dieu, sa vérité ◀la▶ plus intime, lui disait ◀de▶ marcher vers ◀l’▶inconnu. Il trouva ◀le▶ pays que Dieu lui réservait, et ce fut là ◀le▶ terme ◀de▶ son aventure, mais ◀le▶ début ◀d’▶une autre histoire, dont nous sommes bien loin ◀d’▶être quittes. Christophe Colomb, ◀le▶ père des Découvreurs, croyait savoir où il allait, et ce qu’il cherchait : il avait calculé qu’il y serait en trente jours. Mais tous ses calculs étaient faux, il trouva ◀les▶ Antilles au lieu de Xipango ; et, finalement, c’est sa foi seule qui ◀le▶ soutint, car ◀les▶ deux grands problèmes qu’il tentait ◀de▶ résoudre : atteindre ◀l’▶Inde en contournant ◀l’▶islam et financer la dernière croisade, ne furent pas résolus par son expédition. Il trouva d’autres terres, d’autres îles, comme Ulysse, et qui allaient poser d’autres problèmes, littéralement incalculables. Il fallut désormais aller toujours plus loin, sans avoir calculé ◀la▶ dépense, j’entends sans avoir mesuré ◀les▶ conséquences lointaines, indéfinies, ◀de▶ découvertes matérielles qui changeraient ◀la▶ conscience ◀de▶ ◀l’▶homme, — sans que nul pût prévoir comment… Dans cette imprévision, mais ce risque assumé, je vois ◀la▶ parabole ◀la▶ plus exacte ◀de▶ ◀l’▶aventure occidentale, sur tous ◀les▶ plans.
◀Les▶ savants ◀de▶ ◀l’▶Occident, ◀de▶ Kepler à Einstein, ◀de▶ Léonard — avec son homme volant — aux biologistes contemporains — avec leur homme synthétique — ne font en somme pas autre chose que Colomb et qu’Ulysse avant lui : ils partent vers des buts proches ou lointains qu’ils rêvaient avec précision, ils se trompent sur ◀les▶ buts ◀de▶ leurs voyages, ou sur ◀le▶ nom et ◀la▶ nature ◀de▶ leur objet. Et ce qu’ils trouvent pose ◀de▶ nouveaux problèmes, tous imprévus, compromet ◀les▶ anciens équilibres, oblige à repenser tout ce qu’on tenait pour acquis, et à chercher toujours plus loin, au prix de risques toujours plus grands.
Chercher plus loin, et ◀de▶ ◀la▶ sorte créer autant ◀de▶ risques qu’on résout ◀de▶ problèmes, telle est, je crois, ◀la▶ vraie formule du Progrès, dans sa définition occidentale. Et ◀l’▶on voit qu’elle est ambiguë : qu’il suffise ◀de▶ citer, pour ◀l’▶illustrer, ◀l’▶ambiguïté ◀de▶ notre essor technique : nous allons toujours plus vite, mais vers quoi ? Nous gagnons du temps, mais pour en faire quoi ? Nous augmentons notre puissance, mais qu’en est-il ◀de▶ nos moyens ◀de▶ ◀la▶ maîtriser et ◀de▶ ◀la▶ faire servir au bonheur, à ◀la▶ justice, à ◀la▶ sagesse ?
Préférer ◀la▶ poursuite passionnée ◀de▶ vérités partielles, advienne que pourra, préférer ◀le▶ risque créateur à ◀la▶ méditation prudente ◀d’▶une sagesse immuable, c’est tout ◀le▶ génie ◀de▶ ◀l’▶Occident, et c’est par là que ◀l’▶Occident, aventureuse moitié du monde, s’oppose ◀le▶ plus radicalement au génie ◀de▶ ◀l’▶Orient métaphysique.