Apport à la▶ civilisation occidentale (janvier 1963)b
◀Les▶ Suisses sont tard venus dans ◀le▶ développement ◀de▶ ◀la▶ culture occidentale ; ils n’y entrent en fait et ◀d’▶une manière distincte qu’au troisième quart ◀de▶ ◀l’▶ère chrétienne : au xvie siècle. Mais c’est alors un « carré suisse » — cette formation guerrière qui dominait sur ◀les▶ champs ◀de▶ bataille ◀de▶ ◀l’▶époque, rangs pressés ◀de▶ porteurs ◀de▶ longues piques, ◀de▶ hallebardes, ◀d’▶épées et ◀d’▶arquebuses — qui fait son entrée résolue sur ◀la▶ grande scène européenne : ses capitaines sont ◀le▶ réformateur Zwingli, ◀le▶ peintre-poète Manuel, ◀le▶ médecin-philosophe Paracelse, et ◀l’▶architecte Fontana.
Mais ◀de▶ cette époque à nos jours, ◀la▶ densité ◀de▶ création intellectuelle et artistique dans ◀l’▶ensemble des petits États qui constituent ◀l’▶actuelle Confédération est sans doute supérieure à celle ◀de▶ toute autre région prise au hasard dans ◀les▶ pays voisins, et qui serait comparable à ◀la▶ Suisse par ◀l’▶étendue et ◀la▶ population. (On excepte, bien entendu, Londres et Paris.)
Pourquoi cette densité si remarquable ?
Et dans quelle mesure peut-on dire que cet apport des Suisses à ◀la▶ culture représente une contribution ◀de▶ ◀la▶ Suisse en tant qu’entité ou système ◀de▶ valeurs spécifique ?
C’est à ces deux questions que je vais tenter ◀de▶ répondre.
◀La▶ Suisse n’existe que depuis cent-quinze ans sous ◀la▶ forme ◀d’▶un État fédéral et solidement constitué. Auparavant, ◀de▶ ◀la▶ fin du xiiie jusqu’au milieu du xixe siècle, elle n’était guère qu’une confédération plus ou moins lâche ◀de▶ petits États souverains, très variés par ◀la▶ forme politique, ◀l’▶économie, ◀la▶ confession, ◀la▶ langue. Elle dépendait ainsi, à des titres divers, ◀de▶ plusieurs grands ensembles culturels, religieux, linguistiques ou politiques dépassant largement ◀les▶ frontières ◀de▶ ce que ◀l’▶on nommait ◀les▶ ligues suisses.
◀Les▶ plus grands esprits et ◀les▶ meilleurs artistes suisses sont d’abord ◀d’▶un canton déterminé (qui n’est parfois qu’une ville, Bâle ou Genève) mais ils ne trouvent à se réaliser qu’au sein d’une entité beaucoup plus vaste, impériale, papale ou réformée, germanique, italienne ou française — à une échelle européenne. Toutes nos gloires sont européennes, non seulement par leur rayonnement (comme ◀le▶ furent celle ◀d’▶un Racine, ◀d’▶un Newton, ◀d’▶un Kant, ◀d’▶un Novalis, ◀d’▶un Kierkegaard, qui n’ont vécu que dans leur seule nation, et ◀d’▶elle seule ont nourri leur carrière) mais par leur biographie, leurs horizons, leurs allégeances spirituelles, par ◀les▶ lieux où ils agirent ◀de▶ leur vivant, et par ◀les▶ influences subies ou exercées.
Pays ◀de▶ gens moyens, oui, disait Lucien Fèbvre. Mais quand ils réussissent à se dégager ◀de▶ leur canton, alors pas ◀de▶ milieu, ils atteignent à ◀l’▶universel… Et plus ◀d’▶obstacle devant ◀la▶ pensée. ◀Le▶ Suisse s’appelle Jean-Jacques. Il s’appelle Burckhardt ou, dans un autre domaine, Karl Barth. Son canton — ou ◀l’▶Europe.
Ainsi, ◀le▶ stade national est sauté. J’oserai dire que je vois là, précisément, l’un des grands privilèges culturels des Suisses : quelle que soit leur petite patrie locale, s’ils ◀la▶ dépassent, c’est pour rejoindre immédiatement ◀les▶ grands courants continentaux ; parfois, pour ◀les▶ déterminer. Les premiers cantons suisses reçurent leurs libertés non des suzerains ◀de▶ ◀la▶ région, mais, par-dessus leur tête, du seul empereur. Leur liberté, c’était ce qu’on nommait alors « ◀l’▶immédiateté à ◀l’▶Empire » (Reichsunmittelbarkeit). Il en va de même dans ◀le▶ domaine culturel. Nous sommes, nous Suisses, immédiats à ◀l’▶Europe, condamnés à ◀l’▶Europe, dirais-je, quand nous sortons ◀de▶ notre commune originelle. Cette situation particulière est très conforme au génie ◀de▶ ◀la▶ culture occidentale, car celle-ci a toujours été faite par des foyers locaux, et non par des nations ; par des écoles fermées puis internationales ; par des styles qui ne connaissaient ni péages ni frontières politiques ; et par des traditions communes à tous nos peuples, ◀la▶ grecque, ◀la▶ romaine, ◀la▶ chrétienne, bien antérieures aux découpages en couleurs plates que montrent nos atlas ◀d’▶école. ◀La▶ multiplicité des foyers créateurs fournit à ◀la▶ Suisse ses meilleures chances, et c’est elle qui, dans ◀le▶ cas ◀de▶ ◀la▶ Suisse — compartimentée à ◀l’▶extrême, mais liée par tout un réseau ◀d’▶échanges spirituels avec ses grands voisins — constitue ◀la▶ raison suffisante du phénomène exceptionnel que je constatais tout à ◀l’▶heure.
Genève, avec Calvin et Théodore de Bèze, Bâle, avec Érasme et Holbein, Zurich avec Zwingli, sont ◀les▶ trois premiers foyers ◀de▶ rayonnement européen des ligues. Aussitôt prolifèrent autour ◀d’▶eux ◀les▶ bases ◀de▶ lancement ◀de▶ nos fusées culturelles.
Paracelse, natif ◀d’▶Einsiedeln, grand précurseur ◀de▶ ◀la▶ médecine ◀la▶ plus moderne, vagabonde en ◀de▶ nombreux pays où il invente et exerce son art, puis revient enseigner en Suisse dans ◀les▶ dernières années ◀de▶ sa vie. ◀Les▶ Bernouilli et Léonard Euler, héritiers ◀de▶ ◀la▶ tradition humaniste et piétiste ◀de▶ Bâle et rivalisant ◀de▶ génie dans ◀les▶ mathématiques et ◀la▶ physique, vivent aux cours ◀de▶ Russie et ◀de▶ Prusse, ou professent à Groningue et à Londres. Jean de Müller, « historien des Suisses », mais également auteur ◀de▶ ◀la▶ célèbre Vue générale du genre humain, entre au service des empereurs autrichiens puis ◀de▶ ◀la▶ Prusse. Jean-Jacques Rousseau, « citoyen ◀de▶ Genève », vit en France, en Italie, en Angleterre, défend avec éloquence un plan ◀d’▶union fédérale ◀de▶ ◀l’▶Europe, et modifie plus que nul autre ◀la▶ sensibilité occidentale. ◀De▶ Zurich au début du xviiie siècle, rayonne ◀l’▶école suisse du doyen Bodmer puis des Idylles ◀de▶ Salomon Gessner et des spéculations mystiques ◀de▶ Lavater ; et Zurich devient ◀le▶ foyer ◀d’▶une renaissance ◀de▶ ◀la▶ littérature dans ◀les▶ Allemagnes. ◀De▶ Coppet rayonne sur ◀la▶ France ◀le▶ génie ◀de▶ Mme de Staël et ◀de▶ sa cour cosmopolite, où brillent Sismondi et Benjamin Constant, initiateurs l’un ◀de▶ ◀l’▶économie et l’autre ◀de▶ ◀la▶ politique libérales qui allaient marquer tout ◀le▶ xixe siècle. Cinquante ans plus tard, c’est à Bâle que s’allume un nouveau foyer : Bachofen inaugure par son Matriarcat une conception sociologique ◀de▶ ◀l’▶ethnographie, Jacob Burckhardt par ses ouvrages sur ◀la▶ Renaissance et ses Weltgeschichtliche Betrachtungen renouvelle une vision synthétique ◀de▶ ◀l’▶histoire, dont son fervent disciple, Nietzsche — qui est aussi son plus jeune collègue ◀de▶ faculté — nourrira son génie bouleversant. Puis c’est ◀le▶ tour ◀de▶ Genève, une fois de plus, et ◀de▶ Zurich tôt après, ◀d’▶où rayonnent sur ◀l’▶Europe entière et ◀l’▶Amérique l’Institut Rousseau des Claparède, Bovet et Jean Piaget, et ◀l’▶école du grand C. G. Jung : ◀les▶ fondements ◀de▶ ◀la▶ pédagogie et ◀de▶ ◀la▶ psychologie occidentales en seront transformés sans retour. Enfin, n’oublions pas ◀l’▶influence mondiale ◀de▶ ◀la▶ pensée théologique ◀de▶ Karl Barth : elle dépasse largement ◀les▶ limites ◀de▶ ◀la▶ confession protestante.
Mais s’il reste vrai que ◀la▶ Suisse n’est pas une nation comme ◀les▶ autres, n’ayant été pendant des siècles qu’un agglomérat ◀de▶ foyers sans capitale, et moins en relations ◀les▶ uns avec ◀les▶ autres qu’avec ◀les▶ grands ensembles européens, peut-on déceler des caractères communs et spécifiquement suisses dans cette succession chronologique très serrée ◀de▶ puissants émetteurs ◀d’▶énergie culturelle ?
Une énumération complète ◀de▶ nos gloires ayant atteint ◀le▶ niveau européen, ou même mondial, dessinerait un profil caractéristique par ses dépressions autant que par ses sommets.
Dépressions : ◀la▶ musique, ◀la▶ poésie et ◀la▶ métaphysique. Coteaux modérés : ◀la▶ peinture et ◀le▶ roman. Sommets : ◀la▶ philosophie politique et historique, ◀la▶ théologie, ◀la▶ psychologie et ◀la▶ pédagogie, ◀la▶ littérature ◀d’▶idées, ◀les▶ sciences et ◀la▶ technique.
Comment interpréter cette courbe mouvementée ?
Certes, tous ◀les▶ pays européens n’ont pas leur Mozart, leur Rembrandt, leur Baudelaire ou leur Descartes. Mais force est bien ◀de▶ reconnaître que ◀la▶ Suisse n’a rien ◀de▶ comparable à ◀la▶ musique flamande ◀de▶ ◀la▶ Renaissance, à ◀la▶ peinture hollandaise ou vénitienne du xviiie siècle, et qu’elle s’est conformée par anticipation à cette règle devenue évidente à partir du xixe siècle : point ◀de▶ grand art dans ◀les▶ petits pays. Un Ludwig Senfl au xvie siècle, un Arthur Honegger et un Frank Martin ◀de▶ nos jours, mais rien qui vraiment compte dans ◀l’▶entre-deux, cela ne fait pas une tradition musicale ; et ◀les▶ épopées symboliques démesurées ◀d’▶un Carl Spitteler ne suffisent pas à compenser des siècles ◀de▶ médiocrité dans nos productions versifiées. ◀La▶ peinture avait pris un beau départ au xvie siècle, mais ◀l’▶école turbulente ◀de▶ Conrad Witz, ◀de▶ Nicolas Manuel, ◀de▶ Hans Friess et ◀d’▶Urs Graf ne trouve un répondant, par ailleurs discutable, qu’au xxe siècle avec Hodler ; entretemps, un Liotard, un Füssli, un Boecklin restent des petits maîtres isolés, délicieux ou extravagants, et leurs succès se font à Paris, Londres et Berlin. Un tableau ◀de▶ Paul Klee, une sculpture ◀d’▶Alberto Giacometti, un poème ◀de▶ Blaise Cendrars : ◀l’▶amateur non prévenu n’y verra pas ◀la▶ Suisse, comme il voit à coup sûr ◀l’▶Espagne dans ◀les▶ œuvres ◀de▶ Picasso, ◀le▶ ghetto russe dans celles ◀de▶ Chagall, ou ◀les▶ Flandres mystiques dans celles ◀de▶ Maeterlinck.
Si ◀l’▶on veut distinguer ◀les▶ éléments sinon ◀d’▶une « culture suisse » — qui ne saurait exister — du moins ◀d’▶une attitude ◀d’▶esprit commune aux créateurs issus ◀de▶ nos divers cantons, on aura plus ◀de▶ chances ◀de▶ ◀les▶ trouver dans ◀le▶ domaine du roman : ◀La▶ Nouvelle Héloïse, ◀l’▶Émile, Adolphe, ◀le▶ Grüne Heinrich de Gottfried Keller, et ◀les▶ Uli de Jeremias Gotthelf, ◀le▶ Léonard et Gertrude du fameux pédagogue Pestalozzi, voire à certains égards ◀les▶ récits ◀d’▶un réalisme stylisé ◀de▶ C. F. Ramuz, se distinguent des romans français, anglais ou russes des mêmes époques par ◀la▶ gravité du propos, ◀le▶ dédain pour ◀l’▶invention romanesque ou ◀les▶ situations exceptionnelles, et ◀l’▶intérêt presque exclusif porté au drame moral dans ◀la▶ vie quotidienne. ◀Le▶ sentiment ◀de▶ ◀la▶ nature, toujours présente, mélancolique, maternelle ou menaçante, y tient ◀la▶ place ◀de▶ ◀l’▶inquiétude métaphysique chez un Dostoïevski et un Kafka ou ◀de▶ ◀l’▶arrière-plan ◀de▶ compétition sociale chez un Balzac et un Stendhal. Ces traits sont protestants, peut-être. Mais ◀le▶ goût ◀de▶ ◀la▶ mesure, ◀de▶ ◀l’▶intériorité, du réalisme et ◀de▶ ◀la▶ psychologie moyenne expriment surtout ◀les▶ conditions dictées par ◀les▶ dimensions restreintes du pays et des communautés diverses qui s’y côtoient. Pays pauvre, au surplus, et dont ◀les▶ seules richesses naissent du travail humain, bien concerté : ◀la▶ Suisse est née ◀de▶ coopératives forestières exploitant ◀le▶ passage du Gothard, « Un pour tous, tous pour un », c’est moins un idéal qu’une vitale obligation ◀de▶ solidarité pratique. Quand un Suisse entreprend ◀de▶ créer quelque chose, tout se passe comme s’il avait à se faire pardonner son ambition ou son génie individuel en démontrant qu’il fait une œuvre utile au bien commun ; ou bien, il lui faudra courir son aventure loin de son pays.
◀L’▶architecte suisse par exemple — et nous en avons ◀d’▶excellents — doit voir plutôt petit, fonctionnel et très sobre, s’il reste en Suisse. Mais s’il a ◀le▶ goût ◀de▶ ◀la▶ grandeur, c’est à Rome qu’il ira terminer ◀l’▶énorme dôme ◀de▶ Saint-Pierre comme Maderno et ◀les▶ deux Fontana, c’est aux États-Unis qu’il ira construire ◀les▶ plus grands ponts du monde comme ◀l’▶ingénieur Ammann, c’est en France ou en Inde qu’il trouvera des commandes pour bâtir une église ◀de▶ Ronchamps ou une capitale — et c’est ◀le▶ cas ◀de▶ ◀Le▶ Corbusier, père ◀de▶ ◀l’▶architecture moderne, puritain révolutionnaire, né dans une vallée du Jura neuchâtelois.
Voilà pourquoi ◀les▶ Suisses qui ont excellé furent presque tous, à des titres divers, hommes utiles, au sens ◀le▶ plus noble, et penseurs engagés dans leur communauté, plutôt que créateurs ◀d’▶art ou ◀de▶ grands systèmes. Médecins praticiens, guérisseurs ◀d’▶âme, réformateurs politiques ou religieux, négociateurs ◀de▶ grande affaires publiques, théologiens et pédagogues, savants du premier rang, mais qui restent soucieux ◀d’▶applications industrielles ou humanitaires — comme Euler inventant ◀la▶ turbine entre deux traités en latin sur ◀le▶ calcul infinitésimal —, nous ◀les▶ voyons tous assumer des devoirs sociaux ou civiques, éducatifs ou spirituels, avec un souci primordial ◀de▶ ◀l’▶efficacité transformatrice. Et c’est en cela qu’ils sont typiquement suisses.
Cependant, une série ◀de▶ grands noms ne représente pas à elle seule tout ◀l’▶apport culturel ◀d’▶un pays, de même qu’un prestigieux état-major ne suffit pas à renseigner sur ◀la▶ valeur ◀d’▶un combat ◀d’▶une armée et sur ◀la▶ volonté ◀de▶ résistance qui ◀l’▶appuie dans ◀la▶ population. Ce qu’il est important ◀de▶ savoir sur ◀l’▶armée suisse, c’est que chacun ◀de▶ ses soldats garde son fusil et son équipement militaire dans son armoire. Qu’en est-il ◀de▶ notre équipement culturel ?
Il me paraît que ◀la▶ structure fédéraliste du pays et ◀l’▶autonomie dans son sein non seulement des cantons, mais des communes et des multiples groupes professionnels favorise une implantation relativement serrée ◀de▶ ◀la▶ vie culturelle. J’en citerai quelques exemples.
◀La▶ souveraineté des cantons en matière de culture et ◀d’▶éducation explique et justifie ◀l’▶existence ◀de▶ sept universités, ◀de▶ deux écoles polytechniques, et ◀de▶ plusieurs dizaines ◀d’▶instituts spécialisés ◀de▶ niveau universitaire, pour une population ◀de▶ 5 millions.
Chaque gros village possède son chœur, et souvent sa fanfare ; chaque ville ◀de▶ quelque importance a ses sociétés ◀de▶ concerts, ◀de▶ théâtre et ◀de▶ conférences hebdomadaires, son musée, ses expositions, ses bibliothèques et ses associations ◀d’▶éducation, ◀d’▶amis des arts ou ◀de▶ ◀la▶ nature. ◀Les▶ plus grandes cités — ◀de▶ 150 à 500 000 habitants — entretiennent chacune un ou deux orchestres, un opéra, un festival, plusieurs théâtres.
◀Les▶ collections privées ◀de▶ peinture sont parmi ◀les▶ plus belles du monde, Reinhart à Winterthour et Hahnloser à Berne tenant ◀la▶ tête.
◀Les▶ bureaux ◀d’▶étude des grandes firmes industrielles financent des recherches orientées vers ◀l’▶amélioration technique, mais dont ◀la▶ science pure bénéficie. Deux ◀de▶ ces bureaux sont dirigés par des prix Nobel. Soulignons, à ce propos, que ◀la▶ Suisse, avec 11 prix Nobel pour ◀les▶ sciences, se place au premier rang mondial, et ◀de▶ très loin, relativement à sa population (Hollande : 9 prix Nobel pour une population double ; France : 17 prix Nobel pour une population neuf fois plus grande).
À ◀l’▶heure ◀de▶ ◀l’▶Europe unie, ◀la▶ Suisse semble donc en mesure ◀de▶ tenir une place plus qu’honorable dans une compétition continentale où ◀l’▶arme secrète sera ◀la▶ matière grise. Elle ◀le▶ doit sans nul doute à ses structures très concrètement fédéralistes depuis des siècles. Il s’ensuit que ◀la▶ menace ◀d’▶uniformisation et ◀d’▶oblitération des traditions locales est bien plus grave pour elle que pour ses grands voisins.
Ce n’est pas du projet ◀d’▶union européenne que provient cette menace ◀de▶ nivellement, mais plutôt ◀d’▶un certain matérialisme philistin favorisé par ◀les▶ succès ◀de▶ ◀la▶ technique. Et ◀le▶ doublement prévu ◀de▶ ◀la▶ population, dans ◀les▶ trente ans qui viennent, sur un très petit territoire, agira totalement dans ◀le▶ même sens. ◀La▶ Suisse se doit ◀de▶ réagir à temps en soutenant plus « matériellement » que jusqu’ici ◀les▶ valeurs et ◀les▶ forces culturelles dont elle dispose. N’est-elle pas ◀le▶ pays ◀d’▶Europe qui a ◀les▶ raisons ◀les▶ plus fortes et ◀les▶ plus concrètes ◀de▶ savoir que ◀le▶ terme ◀de▶ culture n’est pas un synonyme ◀de▶ superflu ?